La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2017 | FRANCE | N°16PA00140,16PA03413

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 15 novembre 2017, 16PA00140,16PA03413


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Amanu 916 a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de lui accorder le remboursement des sommes de 138 884 francs CFP et de 238 911 francs CFP au titre des crédits de taxe dont elle disposait respectivement à l'expiration du 1er trimestre 2011 et du

3ème trimestre 2015.

Par des jugements n° 1500063 du 13 octobre 2015 et n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Amanu 916 a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de lui accorder le remboursement des sommes de 138 884 francs CFP et de 238 911 francs CFP au titre des crédits de taxe dont elle disposait respectivement à l'expiration du 1er trimestre 2011 et du 3ème trimestre 2015.

Par des jugements n° 1500063 du 13 octobre 2015 et n° 1600156 du 27 septembre 2016, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2016 sous le n° 16PA00140, la SNC Amanu 916, représentée par MeH..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500063 du 13 octobre 2015 ;

2°) d'une part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, de lui accorder le remboursement d'une somme de 138 884 francs CFP au titre du crédit de taxe dont elle disposait à l'expiration du 1er trimestre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 230 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SNC Amanu 916 soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la demande tendant à la restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 138 884 francs CFP était recevable ;

- les factures émises par la société Tahiti Automobiles et M. A... ne sont pas fictives ;

- le service, en procédant aux rappels de taxe litigieux au lieu d'opérer une régularisation de la taxe initialement déduite pour une opération fictive au titre de l'année au cours de laquelle le manquement a été constaté, a méconnu les dispositions combinées des articles 345-15 et

345-19 du code des impôts de la Polynésie française.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 août 2016 et le 12 juin 2017, la Polynésie française, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SNC Amanu 916 le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Polynésie française soutient que les moyens soulevés par la SNC Amanu 916 ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 24 novembre 2016 sous le n° 16PA03413, la SNC Amanu 916, représentée par MeH..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600156 du 27 septembre 2016 ;

2°) de lui accorder le remboursement d'une somme de 238 911 francs CFP au titre du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle disposait à l'expiration du 3ème trimestre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 230 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SNC Amanu 916 soutient que les factures émises par la société Tahiti Automobiles et M. A... ne sont pas fictives.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 mars et le 12 juin 2017, la Polynésie française, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SNC Amanu 916 le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Polynésie française soutient que les moyens soulevés par la SNC Amanu 916 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

1. Considérant que les requêtes n° 16PA00140 et 16PA03413 ont été présentées par une même société, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, dans le cadre d'une opération de défiscalisation des investissements outre-mer, la société Tahiti Automobiles a établi, le 15 avril 2009, une facture, libellée à l'attention de M. F... A..., mentionnant un montant hors taxes (HT) de 3 869 077 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 548 703 francs CFP, pour l'achat d'un véhicule de type " Ford Everst 2,5 4x4 XLT " ; que, le 17 avril 2009, M. A... a ensuite établi une facture, libellée à l'attention de la SNC Amanu 916, mentionnant un même montant HT et un même montant de taxe sur la valeur ajoutée, pour ce même véhicule, et a signé avec la SNC Amanu 916 un contrat de vente d'un montant de 4 417 778 francs CFP, pour un matériel désigné dans une " annexe 1 " ; que, par un contrat de location signé le 17 avril 2009, la SNC Amanu 916 a mis à la disposition de M. A... ce matériel pour une durée de cinq ans ;

3. Considérant que la société Tahiti Automobiles a établi, le 8 mai 2009, une facture, libellée à l'attention de la SNC Amanu 916 et de Mme D...B..., mentionnant un montant hors taxes de 2 567 104 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 344 016 francs CFP, pour l'achat d'un véhicule de type " Ford Ranger 2,5 TD Simple Cab " ; que Mme B...a ensuite signé avec la SNC Amanu 916, le 10 mai 2009, un contrat de financement pour ce véhicule, d'un montant de 2 143 868 francs CFP ; que, par un contrat de location signé le 10 mai 2009, la SNC Amanu 916 a mis à la disposition de Mme B...ce matériel pour une durée de cinq ans ;

4. Considérant que la SNC Amanu 916, conformément à l'article 345-20-1 du code des impôts de la Polynésie française, a notamment déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ces véhicules au titre des années 2010, 2011 et 2012 ; que, le 11 avril 2011, la SARL Domigestion Pacifique, représentant fiscal de la SNC Amanu 916 sur le territoire de la Polynésie française, a, sur le fondement de l'article 345-22 du même code, demandé le remboursement d'un crédit de taxe d'un montant de 138 884 francs CFP dont elle disposait, selon elle, à l'expiration du 1er trimestre 2011 ; que l'administration fiscale, qui a estimé que les factures établies par la société Tahiti Automobiles et M. A... présentaient un caractère fictif, a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ces véhicules et, le 7 décembre 2012 puis le 3 octobre 2013, a notifié au représentant fiscal de la SNC Amanu 916 des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2010, 2011 et 2012, assortis des intérêts de retard, pour un montant total de 418 440 francs CFP, qui ont été mis en recouvrement le 4 décembre 2013 ; que la réclamation présentée le 7 juillet 2014 concernant ces rappels de taxe a ensuite été rejetée le 4 février 2015 ; que, le 12 octobre 2015, la SARL Domigestion Pacifique a déposé une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée et a demandé le remboursement d'un crédit de taxe de 238 911 francs CFP dont elle disposait, selon elle, à l'expiration du 3ème trimestre de l'année 2015 ; que, le 6 avril 2016, cette réclamation a été rejetée ; que la SNC Amanu 916 relève appel des jugements des 13 octobre 2015 et 27 septembre 2016 par lesquels le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décharge de ces rappels de taxe et, d'autre part, au remboursement de crédits de taxe, d'un montant de 138 884 francs CFP et de 238 911 francs CFP au titre du 1er trimestre 2011 et du 3ème trimestre 2015 ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation, de décharge et de remboursement :

En ce qui concerne la partie du jugement n° 1500063 statuant sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 345-4 du code des impôts de la Polynésie française : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation (...) " ; qu'aux termes de l'article 345-10 du même code : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est : / (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures " ; qu'aux termes de l'article 345-15 de ce code : " La déduction initialement opérée fait l'objet d'une régularisation, par imputation ou remboursement, lorsque la déduction s'avère supérieure ou inférieure à celle que l'assujetti était en droit d'opérer ou lorsque des modifications des éléments ayant servi à déterminer le montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment : / (...) lorsqu'une facture ou le document en tenant lieu ne correspond pas effectivement à la livraison d'un bien ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur (...) " ; qu'aux termes de l'article 345-19 de ce code : " Pour les entreprises placées sous le régime réel d'imposition, l'obligation de régularisation prévue aux articles 345-15 à 345-18 doit être accomplie sur la déclaration déposée au titre de la période au cours de laquelle l'événement qui la motive est intervenu. Les régularisations de déduction auxquelles les assujettis procèdent sont mentionnées distinctement sur les déclarations de chiffres d'affaires ou de recettes. Pour les entreprises placées sous le régime simplifié d'imposition, l'obligation de régularisation doit être accomplie sur la déclaration récapitulative déposée au plus tard le 31 mars de l'année suivante " ; qu'aux termes de l'article 345-20-1 du même code : " Le droit à déduction de la taxe qui a grevé l'acquisition, la construction ou la création en Polynésie française de biens mobiliers ou immobiliers ouvrant droit à défiscalisation métropolitaine ne peut s'exercer que par cinquième au cours de la période de 60 mois durant laquelle les investisseurs métropolitains sont tenus de maintenir l'investissement correspondant dans le territoire. / Le montant de la déduction opérée annuellement est à ajuster au prorata temporis de la date de début d'exploitation " ; qu'aux termes de l'article 345-22 de ce code : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut intervenir sur demande de l'assujetti ou de son représentant fiscal dûment accrédité. La demande peut porter sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de l'année civile précédente, sous réserve d'atteindre un montant minimal de 20 000 F CFP. Sous peine de forclusion, la demande doit être déposée au plus tard le 31 janvier pour les entreprises placées sous le régime réel d'imposition et au plus tard le 31 mars pour les entreprises placées sous le régime simplifié d'imposition " ; qu'aux termes de l'article 345-24 du même code : " Les demandes de remboursement sont formulées sur un imprimé dont le modèle est fixé par arrêté pris en conseil des ministres. / S'il s'agit de la première demande en restitution et en tout état de cause à toute réquisition de la direction des impôts et des contributions publiques, le demandeur est tenu de produire le relevé des documents d'importation et des factures d'achat justifiant de la taxe déductible " ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de service ; que, dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

S'agissant de la facture du 17 avril 2009 identifiée au point 2 :

7. Considérant que, pour refuser à la SNC Amanu 916 le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture émise par M. A..., dont il est constant qu'il est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fait valoir que cette facture ne comporte qu'une désignation sommaire du véhicule ; qu'elle justifie également avoir procédé, sur le fondement de l'article 411-1 du code des impôts de la Polynésie française, à une demande de renseignements auprès de M. F... A...le 10 octobre 2011, tendant à obtenir des justificatifs de l'achat, de la revente et de l'utilisation du matériel figurant dans l'opération réalisée avec la SNC Amanu 916 ainsi que des justificatifs du paiement effectif du véhicule ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la notification de redressements du 7 décembre 2012 et de la réponse aux observations du contribuable du 3 octobre 2013, que M. A... n'a pas retiré le pli comportant cette demande et n'a donc pas justifié de l'acquisition et le financement de ce bien et que les seuls documents produits par la SNC Amanu 916 dans sa réponse du 8 février 2013, et en particulier les justificatifs du financement par l'exploitant, ne lui ont pas davantage permis de justifier de la réalité du matériel vendu ; que l'administration apporte ainsi des éléments suffisants permettant de penser que la facture litigieuse ne correspond pas à une opération réelle ;

8. Considérant que si la SNC Amanu 916 produit une télécopie datée du 4 juin 2009 ayant pour objet une demande de virement bancaire d'une somme de 8 596,67 euros du compte de " Domigestion Central 2009 " vers le compte de " Tahiti Automobiles " ayant pour motif " Amanu 916-A... ", elle n'apporte toutefois pas la preuve que ce virement a bien été effectué en se bornant à produire un extrait du compte bancaire détenu par la " SARL Domigestion 2009 " auprès de BNP Paribas mentionnant un " virement faveur tiers remise " d'un montant de 63 906,87 euros effectué le 5 juin 2009 ; que, par ailleurs, si cette somme de 8 596,67 euros, soit 1 025 855 francs CFP, correspond bien au montant qui devait être payé par la SNC à la société Tahiti Automobiles en vertu du contrat de vente conclu entre la SNC Amanu 916 et M. A... le 17 avril 2009, cette somme est incohérente avec les mentions figurant sur la " facture définitive " établie par la société Tahiti Automobiles indiquant qu'une partie du véhicule, soit

567 780 francs CFP, a été réglée par des " apports SNC-Défisc " ;

9. Considérant que la société requérante n'apporte pas davantage d'éléments probants de nature à établir que la somme de 3 391 925 francs CFP, soit 28 424,33 euros, correspondant au montant qui aurait dû être directement réglé par le locataire en vertu de ce contrat de " crédit vendeur ", qu'elle a pourtant signé, et conformément aux documents intitulés " attestation de l'exploitant des biens d'équipement " et " attestation de facture acquittée et attestation de prix net " établis le 17 avril 2009, a été effectivement réglé à la société Tahiti Automobiles ; qu'en effet, elle se borne à produire un " reçu " établi par la société Tahiti Automobiles indiquant que M. C... a versé, le 29 janvier 2009, une somme, en espèces, de 700 000 francs CFP, un document retraçant les conditions particulières d'un contrat de prêt établi par la banque Socredo au profit de M. C..., d'un montant de 3 150 000 francs CFP, pour l'acquisition d'un véhicule neuf de marque Ford et un document en date du 6 février 2013 par lequel M. A... reconnaît devoir à M. C... une somme de 3 850 000 francs CFP pour l'acquisition de ce véhicule ; que cette reconnaissance de dettes, établie sous seing privé plusieurs années après la vente du véhicule, est dépourvue de date certaine et n'a aucune valeur probante ; que les montants indiqués sur ce document sont incohérents avec les mentions figurant sur les documents intitulés " attestation de l'exploitant des biens d'équipement " et " attestation de facture acquittée et attestation de prix net " établis le 17 avril 2009 dans lesquels M. A... indique qu'il a réglé à la société Tahiti Automobiles la somme de 3 391 923 francs CFP sur ses " fonds personnels " ; qu'en outre, la société requérante ne produit aucun document prouvant que la somme de 3 391 923 francs CFP, ou même de 3 150 000 francs CFP, aurait été effectivement versée par M. C... à la société Tahiti Automobiles ; que si la société requérante a versé au dossier différents documents signés par M. A..., et notamment un contrat de location et une promesse d'achat, tous datés du 17 avril 2009, ces documents ne permettent pas, à eux-seuls, compte tenu de ce qui vient d'être dit en l'absence de preuve du paiement, d'établir la réalité de l'opération ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère fictif, que la société ne pouvait ignorer compte tenu du dispositif contractuel évoqué ci-dessus, de l'opération commerciale en cause ; que, par suite, l'administration était fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui est mentionnée sur la facture en litige ;

S'agissant de la facture du 8 mai 2009 identifiée au point 3 :

10. Considérant que, pour refuser à la SNC Amanu 916 le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture émise par la société Tahiti Automobiles, dont il est constant qu'elle est régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fait valoir que cette facture n'est pas numérotée et ne comporte qu'une désignation sommaire du véhicule ; qu'elle justifie également avoir procédé, sur le fondement de l'article 411-1 du code des impôts de la Polynésie française, à une demande de renseignements auprès de Mme D...B...le 10 octobre 2011, tendant à obtenir des justificatifs de l'achat, de la revente et de l'utilisation du matériel figurant dans l'opération réalisée avec la SNC Amanu 916 ainsi que des justificatifs du paiement effectif du véhicule ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la notification de redressements du 7 décembre 2012 et de la réponse aux observations du contribuable du 3 octobre 2013, que Mme B...n'a pas justifié de l'acquisition et du financement de ce bien et que les seuls documents produits par la SNC Amanu 916 dans sa réponse du 8 février 2013, et en particulier les justificatifs du financement par l'exploitant, ne lui ont pas davantage permis de justifier de la réalité du matériel vendu ; que l'administration apporte ainsi des éléments suffisants permettant de penser que la facture litigieuse ne correspond pas à une opération réelle ;

11. Considérant que si la SNC Amanu 916 produit une télécopie datée du 5 juin 2009 ayant pour objet une demande de virement bancaire d'une somme de 6 429,56 euros du compte de " Domigestion Central 2009 " vers le compte de " Tahiti Automobiles " ayant pour motif " Amanu 916-B... Chrétienne ", elle n'apporte toutefois pas la preuve que ce virement a bien été effectué en se bornant à produire un extrait du compte bancaire détenu par la " SARL Domigestion 2009 " auprès de BNP Paribas mentionnant un " virement faveur tiers remise " d'un montant de 64 817,15 euros effectué le 5 juin 2009 ; que, par ailleurs, si cette somme de 6 429,56 euros, soit 767 251 francs CFP, correspond bien au montant qui devait être payé par la SNC à la société Tahiti Automobiles en vertu du contrat de location et du contrat de financement conclus entre la SNC Amanu 916 et Mme B...le 10 mai 2009, la date à laquelle cette somme aurait été virée sur le compte de la société Tahiti Automobiles est incohérente avec les mentions figurant sur la " facture définitive " établie par la société Tahiti Automobiles indiquant qu'une partie du véhicule, soit 767 251 francs CFP, a été " perçue " par des " apports SNC-Défisc " le 8 mai 2009 ;

12. Considérant que la société requérante n'apporte pas davantage d'éléments probants de nature à établir que la somme de 2 143 868 francs CFP, soit 17 965,61 euros, correspondant au montant qui aurait dû être directement réglé par le locataire en vertu du contrat de location et du contrat de financement, qu'elle a pourtant signés, et conformément aux documents intitulés " attestation de l'exploitant des biens d'équipement " et " attestation de facture acquittée et attestation de prix net " établis le 10 mai 2009, a été effectivement réglée à la société Tahiti Automobiles ; qu'en effet, elle se borne à produire un extrait du relevé de compte détenu par M. G... auprès de la banque Socredo mentionnant un virement au profit de la société Tahiti Automobiles, le 21 avril 2009, d'un montant de 2 143 869 francs CFP, pour l'achat d'une " voiture neuve Ford " et un document en date du 17 janvier 2013 par lequel Mme B...reconnaît devoir à M. G... une somme de 2 143 869 francs CFP pour l'acquisition de ce véhicule ; que cette reconnaissance de dettes, établie sous seing privé plusieurs années après la vente du véhicule, est dépourvue de date certaine et n'a aucune valeur probante ; que les montants indiqués sur ces documents sont contradictoires avec les mentions figurant sur les documents intitulés " attestation de l'exploitant des biens d'équipement " et " attestation de facture acquittée et attestation de prix net " établis le 10 mai 2009 dans lesquels Mme B...indique que la somme de 2 143 868 francs CFP " sera " réglée à la société Tahiti Automobiles par " l'utilisation de fonds propres " alors qu'il apparaît que cette somme aurait déjà été réglée par un tiers le 21 avril 2009 ; que si la société requérante a versé au dossier différents documents signés par MmeB..., et notamment un contrat de location et une promesse d'achat, tous datés du 10 mai 2009, ces documents ne permettent pas, à eux-seuls, compte tenu de ce qui vient d'être dit et en l'absence de preuve du paiement, d'établir la réalité de l'opération ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère fictif, que la société ne pouvait ignorer compte tenu du dispositif contractuel évoqué ci-dessus, de l'opération commerciale en cause ; que, par suite, l'administration était fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui est mentionnée sur la facture en litige ;

13. Considérant, en second lieu, que si, en application des dispositions des articles 345-15 à Lp. 345-21 du code des impôts de la Polynésie française, les contribuables assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ont l'obligation, dans certaines situations et dans un délai déterminé, de régulariser des déductions de taxe précédemment opérées lorsque les déclarations qu'ils ont antérieurement souscrites comportent une déduction de taxe erronée, ces dispositions ne font par elles-mêmes pas obstacle à ce que l'administration fiscale polynésienne exerce le pouvoir de contrôle défini au titre Ier de la deuxième partie du même code et procède, le cas échéant, à des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée procédant de taxe déduite à tort par des contribuables n'ayant pas, antérieurement à ce contrôle, spontanément régularisé leurs déclarations antérieures ; qu'il ne résulte pas davantage de ces dispositions que l'administration fiscale serait tenue de demander au contribuable de procéder à une régularisation avant de procéder à des rappels de taxe qui aurait été déduite à tort ;

14. Considérant, dès lors, que la société requérante ne peut pas utilement soutenir que l'administration, en procédant aux rappels de taxe litigieux au lieu d'opérer une régularisation de la taxe initialement déduite pour une opération fictive au titre de l'année au cours de laquelle le manquement a été constaté, aurait méconnu les dispositions combinées des articles 345-15 et 345-19 du code des impôts de la Polynésie française ;

15. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SNC Amanu 916 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe en litige ;

En ce qui concerne la partie du jugement n° 1500063 statuant sur la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 138 884 francs CFP :

16. Considérant, en premier lieu, que la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée sur le fondement des dispositions des articles 345-22 et suivants du code des impôts de la Polynésie française constitue une réclamation au sens de l'article 5 de l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 ; que, dès lors, en application de l'article 9 de la même ordonnance et de l'article 611-8, alors applicable, du code des impôts de la Polynésie française, la décision prise sur une telle demande doit être contestée directement devant le tribunal administratif de la Polynésie française dans un délai de trois mois à compter du jour de sa réception ; que, toutefois, le contribuable peut saisir ce tribunal dès l'expiration d'un délai de six mois après la présentation de sa demande lorsqu'il n'a reçu aucune décision ;

17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 11 avril 2011, le représentant fiscal de la SNC Amanu 916, la SARL Domigestion Pacifique, a déposé une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre du 1er trimestre de l'année 2011 et a demandé le remboursement d'un crédit de taxe de 138 884 francs CFP ; que si l'administration, le 7 décembre 2012 puis le 3 octobre 2013, lui a notifié des redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée, il ne résulte pas de l'instruction que le président de la Polynésie française aurait par ailleurs expressément statué, sur le fondement du premier alinéa de l'article 611-8 du code des impôts de la Polynésie française, sur cette réclamation tendant au remboursement de ce crédit de taxe ; que, dès lors, la SNC Amanu 916, en application du deuxième alinéa de l'article 611-8, était recevable à saisir le tribunal administratif dès le 12 octobre 2011 ;

18. Considérant, en second lieu, que, dès lors qu'elles présentent un lien suffisant avec les demandes contentieuses initiales, des conclusions distinctes présentées en cours d'instance ne sont pas nouvelles et ne sont par suite pas irrecevables pour ce motif ;

19. Considérant que si la demande tendant au remboursement de crédit de taxe, qui n'a été expressément présentée que dans le mémoire en réplique de la SNC Amanu 916 enregistré au greffe du tribunal administratif de la Polynésie française le 25 juin 2015, est distincte de la demande tendant à la décharge des rappels de taxe, présentée dans la requête introductive d'instance de la SNC enregistrée le 21 janvier 2015, le refus implicite qui a été opposé à la réclamation présentée le 11 avril 2011 tendant au remboursement de ce crédit de taxe est toutefois directement lié aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés les 7 décembre 2012 et 3 octobre 2013 dès lors que ces redressements ont eu pour effet d'effacer le crédit de taxe dont disposait la SNC au titre du 1er trimestre 2011 ; que la demande de remboursement de taxe avait ainsi un lien suffisant avec la demande initiale de décharge des rappels de taxe ; qu'elle n'était dès lors pas nouvelle et n'était donc pas irrecevable pour ce motif ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 19 que la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté comme irrecevable sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe et à demander l'annulation de cette partie du jugement ;

21. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande de remboursement de crédit de taxe ;

22. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés aux points 6 à 14, la SNC Amanu 916 n'est pas fondée à demander le remboursement d'un crédit de taxe de 138 884 francs CFP au titre du 1er trimestre 2011 ; que sa demande doit par suite être rejetée ;

En ce qui concerne le jugement n° 1600156 statuant sur la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 238 911 francs CFP :

23. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés aux points 6 à 12, la SNC Amanu 916 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe de 238 911 francs CFP au titre du 3ème trimestre 2015 ; que ses conclusions aux fins d'annulation et de remboursement doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SNC Amanu 916 au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Amanu 916 le versement de la somme demandée par la Polynésie française au titre de ces mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500063 du tribunal administratif de la Polynésie française en date du 13 octobre 2015 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la SNC Amanu 916 tendant au remboursement d'une somme de 138 884 francs CFP au titre du crédit de taxe relatif au 1er trimestre 2011.

Article 2 : La demande de la SNC Amanu 916 tendant au remboursement d'une somme de 138 884 francs CFP au titre du crédit de taxe relatif au 1er trimestre 2011 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Amanu 916 et à la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 15 novembre 2017.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°16PA00140, 16PA03413 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00140,16PA03413
Date de la décision : 15/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : CERES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-15;16pa00140.16pa03413 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award