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14/11/2017 | FRANCE | N°16PA01876

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 14 novembre 2017, 16PA01876


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 en ce qu'elle résulte de la remise en cause des réductions d'impôts afférentes aux investissements réalisées par les sociétés en participation Sunra 121, Sunra 122 et Sunra 123, dont ils étaient associés et des pénalités y afférentes ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer

la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils sont été assujettis a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 en ce qu'elle résulte de la remise en cause des réductions d'impôts afférentes aux investissements réalisées par les sociétés en participation Sunra 121, Sunra 122 et Sunra 123, dont ils étaient associés et des pénalités y afférentes ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils sont été assujettis au titre de l'année 2011 à raison du report sur l'année 2011 du bénéfice des réductions d'impôt afférentes aux investissements réalisés au titre de l'année 2010 par les sociétés en participation dont ils étaient associés ;

3°) de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, à raison des réductions d'impôt afférentes aux investissements réalisés par les sociétés en nom collectif Sungest 98, Sungest 99 et Sungest 100 dont ils étaient associés, dont l'administration leur a refusé le bénéfice au titre de l'année 2009.

Par un jugement n° 1512524/1-3 du 8 avril 2016, le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté l'existence d'un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête des mémoires enregistrés le 8 juin 2016 et les 23 mai, 30 juin et

5 juillet 2017, M. et Mme B..., représentés par MeA..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1512524/1-3 du 8 avril 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 ;

3) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 à raison du report sur cette année du bénéfice de la réduction d'impôt afférente aux investissements réalisés au titre de l'année 2010 ;

4°) d'enjoindre à l'administration de communiquer les documents justifiant les prix retenus pour la réduction d'impôt initialement intervenue au titre de l'année 2010 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'ils n'ont pas demandé la communication des statuts des sociétés en nom collectif (SNC) Sungest 98, Sungest 99 et Sungest 100 mais les statuts des sociétés en participation Sunra 121, Sunra 122 et Sunra 123 ;

- l'administration ne leur a pas communiqué les statuts des sociétés en participation Sunra 121, Sunra 122 et Sunra 123 ;

- le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est la livraison des immobilisations, les centrales photovoltaïques étant productives dès leur livraison, et ce, alors même qu'elle n'aurait pas été mises en service ; en retenant comme critères l'absence de demande de raccordement au réseau électrique et de l'obtention du certificat de conformité de Consuel avant le 31 décembre de l'année 2010, le tribunal administratif a ainsi ajouté à la loi ;

- outre la lettre de l'article 199 undecies B du code général des impôts, le critère de la livraison résulte également de l'intention du législateur ; les modifications induites par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 attestent de la mauvaise lecture par l'administration et le tribunal du terme " réalisés " ;

- l'article 199 undecies B dans sa version applicable au litige méconnaît, du fait de son absence d'intelligibilité, les principes constitutionnels d'égalité devant les charges publiques et de sécurité juridique et devrait conduire à solliciter l'analyse du Conseil constitutionnel par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

- selon le paragraphe 22 de l'instruction BOI 5 B-2-07, un investissement productif se définit par l'acquisition d'un bien neuf et non par la mise en service d'un bien ; selon le paragraphe 148 de ladite instruction, le fait générateur intervient à la livraison du bien ;

- à titre subsidiaire, ils peuvent bénéficier de la réduction d'impôt au titre de l'année 2011 dès lors qu'ils satisfont aux conditions de la réponse ministérielle faite à MmeD..., n° 31108, publiée au Journal officiel du 24 juin 2014, toutes les demandes de raccordement des SEP exploitantes ayant été déposées le 11 mars 2011 ;

- l'exclusion des SEP du champ de l'application de l'article 199 undecies B du code général des impôts n'est pas justifiée tant au regard de la lettre du texte que de l'intention du législateur ; en outre, elle porte atteinte au principe de confiance légitime et à l'article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 avril et 28 juin 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par deux mémoires distincts, enregistrés les 23 mai et 27 juin 2017, M. et Mme B...demandent à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 98 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010.

Par un mémoire enregistré le 13 juin 2017, le ministre défendeur conclut à la non transmission de cette question.

Par ordonnance du 5 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée au

19 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 ;

- la loi de finances pour 2011 n°2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du Conseil d'Etat n° 398405 du 26 avril 2017.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. et Mme B....

Une note en délibéré, enregistrée le 20 octobre 2017, a été présentée par Me A...pour M. et MmeB....

1. Considérant que M. et Mme B... ont porté dans la déclaration de revenus qu'ils ont souscrite au titre de l'année 2010, le montant de la réduction d'impôt dont ils pensaient pouvoir bénéficier sur le fondement du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts à raison des investissements que les sociétés en participation Sunra 121, Sunra 122 et Sunra 123, dont ils étaient les associés, avaient déclaré avoir réalisé dans le département de La Réunion et qui consistaient en l'acquisition de panneaux photovoltaïques destinés à être donnés en location à des exploitants locaux ; qu'à l'issue du contrôle sur pièces de la déclaration de M. et Mme B..., l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'impôt pratiquée par les contribuables, au motif que les centrales photovoltaïques mises à la disposition des sociétés exploitantes n'étaient pas, à la date du 31 décembre 2010, raccordées au réseau électrique et qu'elles n'avaient pas reçu l'attestation de conformité du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (Consuel), de sorte que les investissements correspondants ne pouvaient être regardés comme ayant été réalisés au sens du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts ; que M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 8 avril 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé par l'administration en cours d'instance, a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 en conséquence de la reprise de cette réduction d'impôt ; qu'ils demandent, à titre subsidiaire, le report de cette réduction d'impôt sur l'année 2011 ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des

articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-5 du code de justice administrative : " Sauf s'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. Il leur est imparti un bref délai pour présenter leurs observations. " ;

4. Considérant que M. et Mme B... soutiennent que les dispositions de l'article 98 de la loi de finances pour 2011 n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, en ce qu'elles excluent du bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, à compter de l'année 2011, les investissements réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation, ont une portée rétroactive en privant les citoyens d'un droit qui leur paraissait acquis sans qu'aucun motif d'intérêt général ne justifie une telle atteinte ;

5. Considérant que la réalisation de l'investissement productif doit s'apprécier au regard de l'existence d'une activité de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil pour laquelle l'investissement a été réalisé ; que la date du fait générateur pour un investissement livré effectivement dans le département d'outre-mer est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et donc celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité ; que dès lors que la réduction d'impôt ne trouve à s'appliquer que l'année de l'exploitation effective de l'investissement et non celle du versement des fonds, un contribuable ne saurait se prévaloir d'une disposition législative en vigueur au cours d'une année antérieure à celle du fait générateur ; que le contribuable ne peut donc légitimement attendre, par anticipation, l'application de la réduction d'impôt liée, comme le prévoit l'article 199 undecies B du code général des impôts, au respect dans le futur de certaines conditions, ni soutenir que la situation était légalement acquise ou qu'il pouvait légitimement attendre des effets d'une telle situation, à la date de versement des fonds alors même qu'à cette date les conditions requises pour bénéficier de l'avantage fiscal sollicité n'étaient pas remplies ; que le contribuable ne peut davantage soutenir que l'article 98 de la loi de finances pour 2011 n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 aurait un caractère rétroactif emportant une atteinte à son droit de propriété dès lors que sa situation n'était pas légalement acquise à la date d'entrée en vigueur de cette loi ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme B... ne présente pas un caractère sérieux ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de transmettre cette question au Conseil d'Etat ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. Considérant que les requérants soutiennent que le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'ils n'ont pas demandé la communication des statuts des sociétés en nom collectif (SNC) Sungest 98, Sungest 99 et Sungest 10 mais les statuts des sociétés en participation Sunra 121, Sunra 122 et Sunra 123 ; que, toutefois, les premiers juges ont indiqué, au point 3 du jugement attaqué, " qu'il n'appartenait pas à l'administration de communiquer à M. et Mme B...le statut des sociétés en participation Sunra 121, Sunra 122 et Sunra 123, mais à la société DIANE, gérante de ces SEP ; qu'au demeurant M. B...a envoyé, le

19 janvier 2015, un courrier au liquidateur de la société Diane, afin d'avoir communication des copies des statuts desdites sociétés des procès-verbaux des assemblées générales et des déclarations 2031 ; que l'administration ne saurait être tenue responsable de la réponse du liquidateur qui indique n'avoir pas le pouvoir d'agir au nom de la société et précise le nom de la responsable de la société Diane susceptible de lui fournir les informations demandées ; qu'au surplus, et en tout état de cause, les rehaussements litigieux n'ont pas été établis à partir de ces documents " ; que le moyen invoqué doit ainsi être écarté ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

8. Considérant qu'à supposer que les requérants aient entendu soutenir que le refus de l'administration de leur communiquer le statut des sociétés en participation Sunra 121, Sunra 122 et Sunra 123 ait été de nature à vicier la procédure, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les rehaussements litigieux aient été établis sur le fondement de ces documents ; que, dès lors, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la demande de réduction d'impôt au titre de l'année 2010 :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (... ) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) " ; qu'aux termes du vingtième alinéa du même article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. (...). " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer ; que, dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus ; que, par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date ; qu'il est constant que les centrales photovoltaïques dans lesquelles avaient investi les SEP dont les requérants étaient associés n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité au 31 décembre 2010 ; que, par suite, et dès lors qu'il n'est pas contesté que l'électricité produite n'avait pas vocation à être consommée et stockée par les sociétés exploitantes, l'administration était fondée, pour ce seul motif, à remettre en cause la réduction d'impôt reportée par M. et Mme B...sur leur impôt sur le revenu de l'année 2010 ; que, dans ces conditions, les requérants ne sauraient utilement soutenir que l'administration fiscale, en retenant comme critères le raccordement au réseau électrique et l'obtention du certificat de conformité de Consuel avant le 31 décembre de l'année 2010, impose le respect de conditions non prévues par la loi dont la réalisation dépend d'un tiers ; que, par suite, c'est à bon droit que le service a considéré que ces investissements n'étaient pas éligibles au titre de l'année 2010 à la réduction d'impôt prévue par ces dispositions ;

11. Considérant que M. et Mme B... ne sauraient davantage se prévaloir utilement de l'intention du législateur en invoquant les dispositions de l'article 21 de la loi du

29 décembre 2013 de finances pour 2014, modifiant le vingtième alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts dont l'entrée en vigueur est postérieure à l'année d'imposition en litige ;

12. Considérant que M. et Mme B... soutiennent que l'article 199 undecies B dans sa version applicable au litige méconnaît, du fait de son absence d'intelligibilité, les principes constitutionnels d'égalité devant les charges publiques et de sécurité juridique ; que, toutefois, ce moyen, qui n'est pas présenté dans un mémoire distinct conformément aux dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative, n'est pas recevable ;

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

13. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. " ;

14. Considérant, d'autre part que selon le paragraphe n° 148 de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, relatif à l'année au titre de laquelle la réduction d'impôt est pratiquée : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...)/ Conformément à cette règle, les immobilisations non achevées au 31 décembre d'une année ne peuvent donner lieu à une réduction d'impôt au titre de cette année alors même que l'entreprise, dans le cadre de laquelle cet investissement est réalisé, en devient propriétaire au fur et à mesure de leur fabrication " ; que, selon les paragraphes 22 et 23 de la même instruction fiscale, relatifs aux investissements ouvrant droit à réduction d'impôt : " 22. Conformément aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition, la création ou la prise en crédit-bail est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. La notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome. (...) " ;

15. Considérant que ces énonciations, qui se bornent à expliciter la notion de livraison de l'immobilisation, ne donnent pas une interprétation différente du dispositif légal de celle mentionnée au point 10. ci-dessus en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt, subordonné, ainsi qu'il a été dit, à la condition tenant à l'exploitation effective de l'immobilisation ; qu'elles ne sauraient dès lors être utilement invoquées sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

16. Considérant que M. et Mme B... entendent se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle faite à Mme D..., députée, publiée le 24 juin 2014 ; que, toutefois, les contribuables ne sont en droit d'invoquer, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A, lorsque l'administration procède à un rehaussement d'impositions antérieures que des interprétations antérieures à l'imposition primitive, ou sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 80 A, qu'il s'agisse d'impositions primitives ou supplémentaires, que des interprétations antérieures à l'expiration du délai de déclaration ; qu'en l'espèce, les interprétations invoquées sont postérieures tant aux impositions primitives qu'au délai de déclaration et ne peuvent dès lors faire échec à l'application de la loi fiscale à la situation des requérants ;

En ce qui concerne la demande subsidiaire de report sur l'année 2011 de la réduction d'impôt reprise au titre de l'année 2010 :

17. Considérant qu'aux termes de l'article 36 de la loi n° 2010-1657 du

29 décembre 2010 de finances pour 2011 : " I. - Le seizième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa ne s'applique pas aux investissements portant sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil. " (...) VI.- 1. Les I et III s'appliquent à compter du 29 septembre 2010. Toutefois, la réduction ou la déduction d'impôt restent applicables, dans les conditions prévues par les dispositions antérieures à la présente

loi : a) Lorsque le bénéfice de la réduction ou de la déduction d'impôt n'est pas subordonné à l'agrément préalable du ministre chargé du budget (...) à ceux [aux investissements] réalisés par les sociétés et groupements mentionnés aux dix-neuvième et vingt-septième alinéas du I de l'article 199 undecies B (...) lorsque la réduction d'impôt ou la déduction à laquelle ils auraient ouvert droit en application de ces mêmes articles a été obtenue à raison d'acquisitions ou de souscriptions de parts faites avant le 29 septembre 2010 (...) " ; qu'aux termes de l'article 98 de la même loi : " I. - Le même code est ainsi modifié : 1° A la première phrase du dix-neuvième alinéa du I de l'article 199 undecies B et à l'avant-dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 217 undecies, après la référence : " article 8 ", sont insérés les mots : ", à l'exclusion des sociétés en participation, " ; 2° A la première phrase du premier alinéa du IV de l'article 199 undecies C, après les mots : " présent code ", sont insérés les mots : ", à l'exclusion des sociétés en participation, ". II. - Le présent article est applicable à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011 " ;

18. Considérant que les requérants font valoir que les demandes complètes de raccordement au réseau public d'électricité des centrales photovoltaïques acquises par les sociétés en participation Sunra 121, Sunra 122 et Sunra 123 ont été déposées auprès de la société Electricité de France le 11 mars 2011 et que, dès lors, les investissements correspondants doivent être regardés comme réalisés, au sens des dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts, au cours de l'année 2011, de sorte qu'ils étaient en droit de solliciter le bénéfice de la réduction d'impôt instituée par ces dispositions pour leurs revenus de l'année 2011 et des années suivantes dans les limites prévues par la loi ; qu'il résulte toutefois des dispositions ci-dessus mentionnées de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 que les investissements réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation ne sont plus, à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011, éligibles à la réduction d'impôt prévue par le I de l'article 199 undecies B ; que, dès lors, et en tout état de cause, c'est à bon droit que l'administration a considéré que M. et Mme B... ne pouvaient bénéficier de la réduction d'impôt au titre de l'année 2011 et des années suivantes à raison des investissements réalisés par les sociétés en participation dont ils étaient les associés ;

19. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes" ; que les requérants ne peuvent prétendre au bénéfice de ces stipulations que s'ils peuvent faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ;

20. Considérant que M. et Mme B..., qui n'établissent pas qu'à la date

du 31 décembre 2010 l'investissement pour lequel ils ont sollicité le bénéfice d'une réduction d'impôt pour investissement outre-mer remplissait les conditions prévues par les dispositions de l'article 199 undecies B, dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur de la loi de finances du 29 décembre 2010, et les dispositions réglementaires applicables, en particulier les dispositions précitées de l'article 95 Q de l'annexe II au même code, ne peuvent dès lors se prévaloir d'aucune espérance légitime, devant être regardée comme un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à laquelle la loi de finances du 29 décembre 2010 aurait porté atteinte ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leur requête d'appel ne peut qu'être rejetée, ensemble leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme B....

Article 2 : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2017.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

8

N° 16PA01876


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01876
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : PWC SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-14;16pa01876 ?
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