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14/11/2017 | FRANCE | N°16PA01354

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 14 novembre 2017, 16PA01354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, le reliquat de réduction d'impôt non utilisé pouvant être reporté sur les années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement.

Par un jugement n° 1502545/1-3 du 19 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

19 avril 2016 Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, le reliquat de réduction d'impôt non utilisé pouvant être reporté sur les années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement.

Par un jugement n° 1502545/1-3 du 19 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2016 Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1502545/1-3 du 19 février 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 en ce qu'elles résultent de la remise en cause des réductions d'impôts afférentes aux investissements réalisés par les sociétés en participation dont elle était associée ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de prononcer le dégrèvement des compléments d'impôt sur le revenu des années 2011 et 2012, le reliquat du crédit d'impôt non utilisé devant être reporté sur les années suivantes jusqu'à la cinquième inclusivement ;

4°) d'assortir les dégrèvements des intérêts moratoires ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts est acquise l'année où l'investissement productif est livré et non de l'exploitation effective de celui-ci ; les centrales photovoltaïques en cause ont été livrées aux sociétés exploitantes avant les 31 décembre 2009 et 2010 de sorte que les investissements étant réalisés, la réduction d'impôt devait être pratiquée au titre des années 2009 et 2010 ;

- l'administration a illégalement ajouté des conditions à celles prévues par l'article 199 undecies B du code général des impôts pour l'obtention de la réduction d'impôt prévue par cet article et a fait une inexacte application de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code ; c'est ainsi à tort que l'administration fiscale conditionne le bénéfice de l'avantage fiscal, d'une part à l'envoi d'une demande de raccordement auprès d'Electricité de France alors que les équipements photovoltaïques constituent des matériels autonomes et, d'autre part, à l'obtention de l'attestation du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité, qui n'est pas réglementairement obligatoire ;

- la doctrine administrative 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 ne mentionne la notion " d'investissement productif " que sous l'angle de l'acquisition de la " propriété " d'un bien et non de sa mise en service ;

- faire du dépôt " du dossier complet " de raccordement à Electricité de France et de la certification Consuel le fait générateur de la réduction fiscale, alors notamment que le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 a suspendu l'obligation d'achat d'électricité par Electricité de France pour une durée de 3 mois, porte atteinte à la sécurité juridique qui doit s'attacher à la mise en oeuvre des dispositions fiscales ;

- les modifications règlementaires et législatives, qui la privent du bénéfice de l'avantage fiscal en cause, méconnaissent les principes d'égalité devant les charges publiques et d'espérance légitime dès lors qu'elle a été privée de toute perspective de pouvoir bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu à compter de l'année 2011 en raison de la suppression de l'éligibilité des sociétés en participation (SEP) de ce dispositif ;

- elle satisfait aux conditions de la réponse ministérielle n° 18868 faite à

M. E...D..., député, publiée au Journal officiel du 4 juin 2013, dès lors que toutes les demandes de raccordement des SEP exploitantes ont été déposées au plus tard en septembre 2011 ;

- l'administration ne prend pas en considération les modifications induites par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 et méconnaît ainsi le principe constitutionnel de lisibilité et d'effet utile d'une loi.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête et par la voie de l'appel incident, demande à la Cour de réformer le jugement n° 1502545/1-3 du 19 février 2016 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il s'est prononcé sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles Mme C... a été assujettie au titre des années 2009 et 2010.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles Mme C... a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 ne sont pas recevables en appel dès lors que, dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal, l'intéressée se bornait à solliciter la décharge des cotisations initiales d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 24 octobre 2016 à 11h20, Mme C... demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance

n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la question relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 98 de la loi de finances pour 2011

n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, en ce qu'elles excluent du bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, à compter de l'année 2011, les investissements réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation.

Par ordonnance du 26 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au

24 octobre 2016 à 12h00.

Par lettre du 27 septembre 2017, la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident du ministre des finances et des comptes publics.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958, et notamment son article 61-1 et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-12 ;

- la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, notamment ses articles 2, 3, 4 et 5 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

- et les observations de MeB..., représentant MmeC....

1. Considérant que Mme C...a imputé sur son impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant d'investissements productifs réalisés outre-mer par les sociétés en participation PV26, PV28 et PV29 au titre de l'année 2009 et PV94, PV95 et PV96 au titre de l'année 2010, dont elle était associée, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques, mises en location auprès de sociétés exploitantes dédiées ; que cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale au motif que les centrales n'ayant pas reçu d'attestation de conformité à la réglementation en vigueur, ni été raccordées au réseau électrique avant la fin des années 2009 et 2010, elles ne sauraient ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre desdites années ; que Mme C...a demandé à l'administration fiscale, par réclamation, de lui accorder le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012 pour des montants respectifs de 27 645 euros et 6 001 euros ; que Mme C...relève appel du jugement du 19 février 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012 ; qu'elle demande également à la Cour de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 ;

Sur la recevabilité de l'appel incident :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance " ; que cet appel est recevable pour autant que la partie qui le forme y a intérêt ;

3. Considérant que le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement n° 1502545/1-3 du 19 février 2016 du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il s'est prononcé sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles Mme C... a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 ; que le ministre doit ainsi être regardé comme demandant la réformation des motifs retenus par les premiers juges ; qu'en effet, le dispositif du jugement lui donne entièrement satisfaction dans la mesure où il était défendeur en première instance, se bornait à conclure au rejet de la requête présentée par Mme C...et que le tribunal a rejeté ladite requête ; que, par suite, et quels que soient les motifs retenus par les premiers juges, l'appel du ministre n'est pas recevable ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des

articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-5 du code de justice administrative : " Sauf s'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. Il leur est imparti un bref délai pour présenter leurs observations. ". ;

6. Considérant que Mme C...soutient que les dispositions de l'article 98 de la loi de finances pour 2011 n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, en ce qu'elles excluent du bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts, à compter de l'année 2011, les investissements réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation, ont une portée rétroactive en privant les citoyens d'un droit qui leur paraissait acquis sans qu'aucun motif d'intérêt général ne justifie une telle atteinte ;

7. Considérant que la réalisation de l'investissement productif doit s'apprécier au regard de l'existence d'une activité de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil pour laquelle l'investissement a été réalisé ; que la date du fait générateur pour un investissement livré effectivement dans le département d'outre-mer est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et donc celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité ; que dès lors que la réduction d'impôt ne trouve à s'appliquer que l'année de l'exploitation effective de l'investissement et non celle du versement des fonds, un contribuable ne saurait se prévaloir d'une disposition législative en vigueur au cours d'une année antérieure à celle du fait générateur ; que le contribuable ne peut donc légitimement attendre, par anticipation, l'application de la réduction d'impôt liée, comme le prévoit l'article 199 undecies B du code général des impôts, au respect dans le futur de certaines conditions, ni soutenir que la situation était légalement acquise ou qu'il pouvait légitimement attendre des effets d'une telle situation à la date de versement des fonds, alors même qu'à cette date les conditions requises pour bénéficier de l'avantage fiscal sollicité n'étaient pas remplies ; que le contribuable ne peut davantage soutenir que l'article 98 de la loi de finances pour 2011 n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 aurait un caractère rétroactif emportant une atteinte à son droit de propriété, dès lors que sa situation n'était pas légalement acquise à la date d'entrée en vigueur de cette loi ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme C...ne présente pas un caractère sérieux ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de renvoyer cette question au Conseil d'Etat ;

Sur la fin de non recevoir opposée aux conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles Mme C...a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 :

9. Considérant qu'ainsi que le fait valoir le ministre des finances et des comptes publics, Mme C...se bornait, dans sa requête devant le tribunal, à solliciter la décharge des cotisations initiales d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 ; que, dès lors, les conclusions, nouvelles en appel, tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles l'intéressée a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, sont irrecevables ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les conclusions tendant à la décharge des cotisations initiales d'impôt sur le revenu au titre des années 2011 et 2012 :

S'agissant de l'application de la loi :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...) " ; qu'aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée (...) " ; qu'aux termes du dix-neuvième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction issue du 1° du I de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 : " Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8, à l'exclusion des sociétés en participation (...) " ;

11. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison de l'article 199 undecies B du code général des impôts et de l'article 95 Q de l'annexe II à ce code, que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer ; que, dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus ; que, par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date ; qu'il est constant que les centrales photovoltaïques dans lesquelles avaient investi les SEP dont la requérante était associée n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité au 31 décembre 2010 ;

12. Considérant, d'autre part, qu'il résulte du dix-neuvième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction issue du 1° du I de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010, applicables à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011 en vertu du II du même article, que les investissements réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation n'ouvrent plus droit au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts ; que la circonstance que la requérante aurait, au cours des années 2011 et 2012, déposé des demandes complètes de raccordement, est sans incidence sur le régime applicable ; que, par suite, et en tout état de cause, Mme C...n'est pas fondée à solliciter le bénéfice de la réduction d'impôt au titre des années 2011 et 2012 à raison des investissements réalisés par les sociétés en participation dont elle est associée ;

13. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts (...) " ; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; que, par ailleurs, si ces stipulations ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier ;

14. Considérant que le législateur a, par l'article 36 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, modifié le seizième alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts en prévoyant que " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa ne s'applique pas aux investissements portant sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil. (...) VI.- 1. Les I et III s'appliquent à compter du

29 septembre 2010. (...) " ; qu'ainsi, la loi de finances du 29 décembre 2010 a supprimé, à compter du 29 septembre 2010, le bénéfice de la réduction d'impôt relative aux investissements portant sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil ;

15. Considérant que MmeC..., qui n'établit pas qu'à la date du 31 décembre 2010 les investissements pour lesquels elle a sollicité le bénéfice d'une réduction d'impôt pour investissement outre-mer remplissaient les conditions prévues par les dispositions de l'article 199 undecies B, dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur de la loi de finances du

29 décembre 2010, et les dispositions réglementaires applicables, en particulier les dispositions précitées de l'article 95 Q de l'annexe II au même code, ne peut dès lors se prévaloir d'aucune espérance légitime, devant être regardée comme un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à laquelle la loi de finances du 29 décembre 2010 aurait porté atteinte ;

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

16. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. " ;

17. Considérant, d'autre part que selon le paragraphe n° 148 de l'instruction fiscale BOI 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, relatif à l'année au titre de laquelle la réduction d'impôt est pratiquée : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail (...)/ Conformément à cette règle, les immobilisations non achevées au 31 décembre d'une année ne peuvent donner lieu à une réduction d'impôt au titre de cette année alors même que l'entreprise, dans le cadre de laquelle cet investissement est réalisé, en devient propriétaire au fur et à mesure de leur fabrication " ; que, selon le paragraphe 22 de la même instruction fiscale, relatif aux investissements ouvrant droit à réduction d'impôt : " 22. Conformément aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition, la création ou la prise en crédit-bail est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. La notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome. (...) " ;

18. Considérant qu'il ne ressort pas des énonciations de cette instruction que l'administration ait entendu donner, en ce qui concerne le fait générateur de la réduction d'impôt, une interprétation du texte fiscal différente de celle qui figure au point 11. ci-dessus, qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédure fiscales ;

19. Considérant que Mme C...n'est pas plus fondée à se prévaloir de la réponse ministérielle à la question n° 18868 de M. E...D..., député, du 4 juin 2013, eu égard à la date de cette réponse ;

En ce qui concerne les autres conclusions :

20. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit, les conclusions à fin de report sur les cinq années suivantes du bénéfice des réductions d'impôt non admises au titre des années 2011 et 2012, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il en va de même des conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, ensemble ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme C....

Article 2 : La requête de Mme C... et le recours incident du ministre des finances et des comptes publics sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 novembre 2017.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01354
Date de la décision : 14/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : PWC SOCIÉTÉ D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-14;16pa01354 ?
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