La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/2017 | FRANCE | N°17PA00112

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 06 novembre 2017, 17PA00112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...-C... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner l'Etat à lui verser la somme de " 1.193.320 F CFP (soit 10.000 euros) " en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison des agissements fautifs de l'administration constitutifs d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1600013 du 11 octobre 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoire

s, enregistrés le 10 janvier 2017, le 24 mai 2017 et le 22 juillet 2017, M. B... -C..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...-C... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner l'Etat à lui verser la somme de " 1.193.320 F CFP (soit 10.000 euros) " en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison des agissements fautifs de l'administration constitutifs d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1600013 du 11 octobre 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 10 janvier 2017, le 24 mai 2017 et le 22 juillet 2017, M. B... -C..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600013 du 11 octobre 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison des fautes de l'administration ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il était en droit en application de l'article 225-1 du code civil, dont le contenu est rappelé par la circulaire n° 2012-0070 du ministre de l'éducation nationale du 30 mars 2012, de porter à titre de nom d'usage le nom de son épouse par adjonction au sien, de sorte que l'administration de l'éducation nationale, plus particulièrement le vice-rectorat de la Polynésie française, a engagé sa responsabilité pour faute à son égard en cessant de façon sciemment illégale entre février 2014 et février 2015 d'utiliser son nom d'usage B...-C... en dépit de ses demandes répétées ;

- l'administration de l'éducation nationale a engagé sa responsabilité à son égard par les accusations graves et infondées et les menaces portées à son encontre notamment par le secrétaire général du vice-rectorat, plus particulièrement par son courrier du 29 janvier 2014 ainsi que l'envoi d'une copie de ce courrier, adressée dans le but de porter atteinte à sa crédibilité, à sa probité et à son image, à l'administrateur général des finances publiques et au ministre de l'éducation de la Polynésie française, son autorité hiérarchique d'accueil ; l'erreur ayant conduit au versement d'un double traitement entre septembre et décembre 2013 est exclusivement imputable à l'administration et il établit être à l'origine de sa découverte par le vice-rectorat pour avoir informé son administration d'accueil dès le 23 janvier 2014 de cette situation ;

- l'administration a encore engagé sa responsabilité à son égard par les conditions et motifs du report de la date de l'inspection précédant sa titularisation et par sa convocation devant le jury d'académie alors qu'aucun élément de son dossier ne permettait d'envisager un refus de titularisation, par les entraves apportées à son droit d'accès à son dossier individuel et celles au bon fonctionnement des sites internet ECO-GEST et I-PROF quant à leur accès et aux informations le concernant et par les conditions du refus initial de renouvellement de sa mise à disposition de la Polynésie française ;

- la répétition dans le temps et le cumul de ces faits sont en outre constitutifs de harcèlement moral à son encontre, au sens de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, ce qui lui ouvre droit à indemnisation ; dès lors qu'il a établi la réalité des faits susceptibles de faire présumer l'existence des atteintes qu'il subit, la charge de la preuve de l'absence de harcèlement moral incombe à l'administration ;

- l'ensemble de ces fautes et le harcèlement moral subi sont causes d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni ;

- les conclusions de M. Platillero, rapporteur public,

- et les observations de MmeG..., chef du bureau des consultations et du contentieux relatif aux établissements et à la vie scolaire, pour le ministre de l'éducation nationale.

1. Considérant que M. B...-C..., à la suite de sa réussite au concours du CAPET externe de l'académie de Polynésie française organisé par le vice-rectorat de la Polynésie française, a été nommé à compter du 1er septembre 2013 en qualité de professeur certifié stagiaire d'économie et gestion au lycée Paul-Gauguin de Papeete pour l'année scolaire 2013-2014 en position de détachement auprès du vice-rectorat de la Polynésie française, par un arrêté du 1er octobre 2013 du ministre de l'éducation nationale, puis, par un arrêté du 28 mars 2014, mis à disposition du gouvernement de la Polynésie française à compter du 13 août 2014 pour une durée de deux ans et affecté au même lycée ; que, par une lettre du 25 août 2014, M. B...-C... a saisi le ministre de l'éducation nationale d'une demande préalable indemnitaire de versement d'une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence causés par les agissements fautifs, constitutifs en outre d'un harcèlement moral, dont il s'estimait victime de la part des services du vice-rectorat de la Polynésie française et de l'administration centrale de l'éducation nationale ; que sa demande ayant fait l'objet d'un rejet implicite, M. B...-C... a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande de condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1.193.320 francs CFP, soit 10 000 ,02 euros, par application du taux fixe de parité prévu à l'article D. 712-1 du code monétaire et financier, en réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence causés par ces agissements ; que, par le jugement du 11 octobre 2016 dont il relève appel, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : "Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; qu'à cet égard, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;

3. Considérant que M. B...-C... fait notamment valoir qu'à la suite d'une erreur des services gestionnaires du vice-rectorat de la Polynésie française, une double rémunération lui a été versée au titre des mois de septembre à décembre 2013, un traitement lui ayant été alloué sous le nom de " C...F... " et un autre sous le nom de " B...F... " ; qu'il explique qu'après avoir signalé cette situation le 23 janvier 2014 à son administration d'accueil, le ministère de l'éducation nationale de la Polynésie française, qui en a informé le jour même les services du vice-rectorat de la Polynésie française, il a fait l'objet de la part de certains fonctionnaires du vice-rectorat, et particulièrement de son secrétaire général, d'un comportement fautif réitéré et constitutif de harcèlement moral, notamment par des menaces verbales violentes, des accusations de détournement de fonds publics et de faute professionnelle lourde, assorties de menaces de poursuites disciplinaires et pénales pouvant aller jusqu'à son exclusion de la fonction publique par un refus de titularisation, des accusations diffamatoires portant atteinte à sa réputation, à son honneur et à son image et que ces accusations ont été répercutées auprès des services centraux du ministère de l'éducation nationale par un agent nommé quelques mois plus tard à la direction des ressources humaines du vice-rectorat de la Polynésie française et que, pendant un an, le vice-rectorat a refusé d'utiliser son nom d'usage de B...-C..., qu'il portait légalement depuis son mariage en 2011 et sous lequel il était connu de l'administration depuis son entrée dans la fonction publique, pour utiliser divers autres noms pour le désigner dans les correspondances le concernant ; qu'il soutient également que l'administration l'a convoqué devant le jury d'académie dans le cadre de sa procédure de titularisation alors qu'aucun élément de son dossier ne permettait d'envisager un refus de titularisation, seul de nature à justifier un passage devant ce jury, et se prévaut de diverses entraves apportées à son droit d'accès à son dossier individuel pour l'exercice duquel il s'est vu contraint de saisir la commission d'accès aux documents administratifs ainsi que des conditions du refus initial de renouvellement de sa mise à disposition de la Polynésie française ;

4. Considérant que M. B...-C..., à qui il appartient de justifier d'éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement, établit notamment, d'une part, que par une lettre non datée signée par M. C..-P.., par délégation du vice-recteur de la Polynésie française, il a fait l'objet de graves accusations de manque de probité, été menacé de poursuites disciplinaires et pénales et informé que de la suspension de sa rémunération afférente au mois de janvier 2014, dans les termes suivants : " affecté à compter du 1er septembre 2013 au lycée Paul Gauguin, vous êtes rémunéré par le vice-rectorat en qualité de professeur certifié stagiaire d'économie gestion. Le contrôle des opérations de rémunération, effectué lors de la vérification de la paie de janvier 2014, a permis de déceler le paiement de deux rémunérations à votre profit sur votre compte de la banque de Polynésie depuis le 1er septembre 2013. En effet, un traitement est alloué à monsieur C...F...et un autre est alloué à monsieur B...-F... alors qu'il s'agit de la même personne physique, c'est-à-dire vous-même. Je ne peux que déplorer votre absence complète de réaction depuis le début du versement irrégulier de ces deux traitements, chaque mois. Les suites disciplinaires et le cas échéant pénales à donner à votre comportement qui contrevient aux dispositions prévues par le statut général de la fonction publique et les normes financières régissant l'exécution budgétaire de l'Etat sont en cours d'analyse " et que cette lettre lui a été notifiée par le vice-rectorat par la voie hiérarchique par remise en main propre par son chef d'établissement, avec copie à l'administrateur général des finances publiques, trésorier payeur de la Polynésie française, et au ministre de l'éducation de la Polynésie française, son administration d'accueil ; que la publicité ainsi donnée à cette lettre, sans qu'aucune demande antérieure de reversement de l'indu n'ait été faite et alors qu'il n'avait aucune responsabilité dans cet état de fait, était de nature à porter gravement atteinte à la dignité et à la réputation du requérant auprès de l'ensemble de son entourage professionnel et à compromettre fortement son avenir professionnel, alors qu'il était fonctionnaire stagiaire, en attente de titularisation ; qu'il fait valoir que M. C..-P.., lui a adressé à diverses reprises des menaces et accusations verbales, pour la première fois le 23 janvier 2014 au soir, et produit une lettre adressée le 3 mars 2014 par laquelle la secrétaire territoriale du syndicat SNES informe le vice-recteur que M. C..-P.. avait réitéré devant elle le 24 février 2014 ses menaces contre M. B... -C... et l'informe notamment que " devant la gravité de la situation nous informons le SNES national des procédés inacceptables et intolérables utilisés dans la présente affaire rappelant étrangement ceux qui furent utilisés récemment contre notre collègue M... T..., professeur certifié de SVT. Nous pensions qu'une leçon avait été tirée de cette lamentable affaire et que de tels abus cesseraient. Ce n'est manifestement pas le cas puisqu'il y a récidive, avec cette fois comme victime M. B...-C... " ; qu'il établit que, par lettre du 31 janvier 2014, signée par M. C..-P.., il s'est vu enjoint de justifier qu'il avait signalé l'erreur de versement de salaires alors qu'il prouve, en produisant les attestations des agents concernés, qu'il avait signalé les versements indus par téléphone le 23 janvier 2014 à son administration d'accueil et que ceux-ci en avait informé le jour même par téléphone M. C..-P.., lui-même ;

5. Considérant, d'autre part, que le requérant fait valoir qu'il portait légalement comme nom d'usage B...-C... depuis son mariage en 2011 avec MmeB..., et établit qu'il s'était inscrit le 26 juin 2011 au concours du CAPET externe de l'académie de la Polynésie française organisé par le vice-rectorat de la Polynésie française comme ayant pour nom de famille C...et nom d'usage B...-C..., et que c'est sous son nom d'usage de B...-C... qu'il a été nommé à compter du 1er septembre 2013 en qualité de professeur certifié stagiaire et affecté à effet de la même date pour l'année scolaire 2013-2014 dans l'académie de la Polynésie française ; qu'il produit l'état de ses services établi le 16 janvier 2014 faisant apparaître qu'il était toujours désigné à cette date par son nom d'usage par la direction des enseignements secondaires de Papeete et qu'il l'était encore dans le cadre de la lettre remise en main propres le 29 janvier 2014 par laquelle le vice-recteur de la Polynésie française l'a informé de la suspension de son traitement ; qu'il démontre qu'en revanche, à compter de la décision du 17 février 2014 par laquelle le vice-recteur a rejeté son recours hiérarchique contre la suspension de sa rémunération et demandant qu'il soit mis fin à la situation de harcèlement moral qu'il subissait de la part du secrétaire général du vice-rectorat, le vice-rectorat a remis en cause son identité et cessé d'utiliser son nom d'usage pour lui substituer les noms de M.C..., M. B... ou M. C...-B... sur les documents et correspondances le concernant en dépit de ses multiples demandes de voir respecter son identité ; qu'il fait notamment valoir que par un arrêté du 21 mai 2014, l'arrêté ministériel du 28 mars 2014 le mettant à disposition auprès du gouvernement de la Polynésie française a été rétroactivement modifié par substitution comme nom de l'intéressé de " M. F...C...époux B..." au lieu de " M. F...B...-C... ", au motif mensonger que l'intéressé aurait présenté une demande de modification en ce sens, et justifie que cet arrêté a été signé au nom du ministre par un agent en lien avec le vice-rectorat de Polynésie française auprès duquel il a été affecté peu après et que l'administration a du procéder au retrait de cet arrêté faute d'être en mesure de produire la prétendue demande de M. B...-C..., et il expose qu'il lui a fallu un an et de multiples démarches avant que l'administration respecte à nouveau à compter de février 2015 son droit de voir utiliser son nom d'usage ; qu'ainsi, dans les conditions très particulières de l'espèce, il résulte de l'instruction que le refus par les services du vice-rectorat d'utiliser son nom d'usage entre février 2014 et février 2015 en dépit de ses demandes réitérées de voir respecter son identité avait pour objet de porter préjudice au requérant ;

6. Considérant que les divers agissement ainsi soumis à la Cour par M. B...-C... sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de M. B...-C... au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; que, dès lors, il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause étaient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ;

7. Considérant qu'à cet égard, le ministre soutient que le comportement de M. C..-P.. n'avait pas outrepassé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique dès lors qu'il était justifié par le fait que M. B...-C... n'avait pas signalé le fait qu'il percevait deux traitements depuis le mois de septembre 2013, que les services du vice-rectorat avaient seuls découvert cette situation, que M. C..-P.., contestait en avoir été informé par le cabinet du ministre de l'éducation de Polynésie française et que le requérant avait indiqué au secrétaire général du vice-rectorat que le versement à tort des traitements en cause pendant quatre mois lui donnait un droit acquis à les conserver ; que, toutefois, d'une part, il n'assortit d'aucun justificatif ses allégations selon lesquelles la découverte de l'erreur de versement n'aurait pas eu lieu à l'initiative de M. B...-C... alors que le requérant produit devant la Cour des attestations de deux membres du cabinet du ministre de l'éducation de la Polynésie française, qui attestent que M. B...-C... avait informé son administration d'accueil le 23 janvier 2014 des indus de rémunération qui lui étaient versés et que celle-ci en avait informé M. C..-P.., par téléphone, le jour même ; qu'en effet, par son attestation datée du 12 décembre 2016, M. E..., inspecteur général de l'administration et de l'éducation nationale et de la recherche, atteste qu'alors qu'il " occup[ait] les fonctions de directeur de cabinet du ministre de l'éducation, de l'enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports de Polynésie française [...] M. B...-C..., à l'époque professeur certifié stagiaire, a pris l'initiative d'informer par entretien téléphonique en date du 23 janvier 2014, M. Bernard Meret, conseiller en charge du second degré au sein du cabinet ministériel, du fait qu'il percevait une double rémunération depuis le début de l'année scolaire de la part des services du vice-rectorat. J'ai immédiatement et personnellement téléphoné à Monsieur C.. P.., secrétaire général du vice-rectorat pour l'en informer. Ce dernier [...] m'a indiqué qu'il allait immédiatement demander aux services de procéder aux vérifications qu'imposait cette information " ; que, par une attestation du 10 juillet 2017, M. A...atteste que M. B...-C... l'a informé le 23 janvier 2014 en sa qualité de conseiller technique du ministre de l'éducation de la Polynésie française qu'il continuait à percevoir de façon indue une seconde rémunération, qu'en sa présence son directeur de cabinet a informé le jour même de cette situation M. C..-P.., que le requérant était connu des deux administrations sous le nom de B...-C... et que M. C..-P.. a fait preuve pendant la même année du même comportement, caractérisé par des violences verbales et des menaces, envers trois autres agents de l'Etat mis à disposition de la Polynésie française ;

8. Considérant, d'autre part, que le ministre ne produit aucun élément de nature à établir que le secrétaire général du vice-rectorat aurait demandé au requérant de reverser les sommes indument perçues avant de lui faire notifier par son chef d'établissement le 29 janvier 2014 une lettre mettant en cause sa probité et le menaçant de poursuites pénales et disciplinaires avec copie aux services financiers et à son administration d'accueil et notifiée par remise en main propre par son chef d'établissement ; qu'enfin, le ministre ne produit aucun justificatif à l'appui de ses allégations selon lesquelles le requérant aurait indiqué au secrétaire général du vice-rectorat de la Polynésie française avoir un droit acquis à conserver les sommes versées indûment depuis plus de quatre mois et que, dans ces conditions, la réponse du secrétaire général du vice-rectorat de la Polynésie française lui indiquant qu'il compromettait sérieusement ses perspectives de titularisation et qu'il s'exposait à des poursuites disciplinaires n'était pas fautive mais ne constituait qu'un avertissement nécessaire et proportionné au manquement de M. B... -C... à son devoir de probité et à l'attitude particulièrement discourtoise dont il aurait fait preuve à l'encontre de ce dernier ; qu'au contraire, par une lettre du 31 janvier 2014, le requérant a rappelé au vice-rectorat qu'il avait lui-même signalé l'indu et qu'il entendait reverser l'intégralité des sommes qui lui avaient été versées à tort, en précisant : " [...] Enfin, la règle de droit étant que les trop-perçus sont récupérés par l'administration au moyen d'un avis de trop-perçu puis d'un titre de perception, je suis en attente d'un tel ordre pour régler par chèque la totalité de la somme correspondant audit trop-perçu (versement des rémunérations indue des mois de septembre à décembre 2013), précisant toutefois qu'une décision individuelle explicite à caractère purement pécuniaire est créatrice de droit, même si elle est illégale, au-delà d'un délai de quatre mois suivant la prise de décision. Mon honnêteté et ma loyauté dans l'exercice de mes fonctions de professeur, pour avoir tout d'abord signalé cette situation, me fait vous annoncer dans un second temps que je n'envisage en aucun cas opposer ledit délai de prescription jurisprudentielle [...] " ;

9. Considérant, enfin, que le ministre ne fait état d'aucun autre fait imputé à M. B...-C... autre que la perception pendant quelques mois d'un double traitement indu, dont il ressort de l'instruction qu'il n'est pas à l'origine et dont il a signalé lui-même l'existence, et ne conteste pas que le dossier pédagogique du requérant ne comportait par ailleurs aucun élément défavorable ; qu'il ne résulte ainsi pas de l'instruction que le comportement du secrétaire général du vice-rectorat de la Polynésie française soit justifié par celui du requérant ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des autres faits et agissements évoqués par le requérant à l'appui de sa requête, que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la responsabilité pour faute de l'administration et refusé la qualification de harcèlement moral aux agissements répétés du secrétaire général du vice-rectorat de la Polynésie française à l'encontre de M. B...-C... ; qu'il est à cet égard sans incidence que le requérant a en dépit de cette situation bénéficié du soutien de son entourage professionnel et obtenu sa titularisation ; que, dans les circonstances de l'espèce, la gravité, la répétition et la publicité des accusations et des menaces de poursuites pénales et disciplinaires dont M. B...-C... a fait l'objet, qui avaient pour objet de porter atteinte à sa dignité auprès de l'ensemble de son entourage professionnel et de compromettre son avenir professionnel alors qu'il se trouvait dans une situation particulièrement vulnérable en tant que professeur certifié stagiaire en attente de titularisation, étaient de toute manière de nature à engager la responsabilité pour faute de l'Etat à l'encontre de son agent ;

11. Considérant, en ce qui concerne le préjudice indemnisable, que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de M. B...-C... tendant à condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros qu'il demande en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis dès lors qu'il justifie leur importance par la publicité donnée par le vice-rectorat aux allégations de manque de probité et aux menaces de poursuites pénales et disciplinaires portées à son encontre par la lettre du 29 janvier 2014 et par le fait que les divers agissements fautifs qu'il établit ont eu lieu alors qu'il se trouvait dans une situation professionnelle particulièrement vulnérable en tant que fonctionnaire stagiaire dans l'attente de sa titularisation ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...-C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 10 000 euros ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B...-C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1600013 du 11 octobre 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à M. B...-C... la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...-C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B...-C... et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique le 6 novembre 2017.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

C. JARDIN Le greffier

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA00112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00112
Date de la décision : 06/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.

Travail et emploi - Conditions de travail - Médecine du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : MESTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-06;17pa00112 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award