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06/11/2017 | FRANCE | N°16PA02538

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 06 novembre 2017, 16PA02538


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, de condamner la commune de Moorea-Maiao à lui verser la somme de 301 312 F CFP au titre de la perte de chance de trouver un emploi durable pendant sa période d'embauche, ainsi que la somme de 903 936 F CFP en réparation du préjudice lié à la précarité de son statut, d'autre part, de mettre à la charge de la commune de Moorea-Maiao la somme de 113 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrati

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Par un jugement n° 1500589 du 21 juin 2016, le Tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, de condamner la commune de Moorea-Maiao à lui verser la somme de 301 312 F CFP au titre de la perte de chance de trouver un emploi durable pendant sa période d'embauche, ainsi que la somme de 903 936 F CFP en réparation du préjudice lié à la précarité de son statut, d'autre part, de mettre à la charge de la commune de Moorea-Maiao la somme de 113 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500589 du 21 juin 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 août 2016 et le 12 janvier 2017, M. C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500589 du 21 juin 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de condamner la commune de Moorea-Maiao à lui verser la somme de 301 312 F CFP au titre de la perte de chance de trouver un emploi durable pendant sa période d'embauche, ainsi que la somme de 903 936 F CFP en réparation du préjudice lié à la précarité de son statut ;

3°) d'enjoindre à la commune de Moorea-Maiao de l'intégrer dans la fonction publique communale ;

4°) de condamner la commune de Moorea-Maiao à lui verser la somme de 113 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commune de Moorea-Maiao a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en l'employant sur la base de contrats à durée déterminée successifs sans respecter les conditions de durée et de recours à de tels contrats fixées par l'article 8 de l'ordonnance du 4 janvier 2005 ;

- la commune de Moorea-Maiao a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne l'intégrant pas dans la fonction publique communale alors, d'une part, qu'elle le lui avait promis, d'autre part, qu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée en vertu de l'article 73 de l'ordonnance du 4 janvier 2005 ;

- il a subi un préjudice lié à la précarité de son statut professionnel et un préjudice tenant à la perte de chance de trouver un emploi stable durant sa période d'activité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2016, la commune de Moorea-Maiao, représentée par la SELARL Manavocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en ne proposant pas à M. C...d'occuper l'un des postes budgétaires créés par une délibération du 19 février 2014 de son conseil municipal ;

- elle n'était pas tenue d'intégrer M. C...dans la fonction publique communale en application des articles 73 et 74 de l'ordonnance du 4 janvier 2005 dès lors que l'intéressé n'était pas titulaire d'un contrat à durée indéterminée de droit public ;

- aucune faute n'étant susceptible d'être retenue à son égard, M. C...n'est pas fondé à demander l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs, modifiée par la loi n° 2011-664 du 15 juin 2011 ;

- l'arrêté n° 1118/DIPAC du 5 juillet 2012 fixant le statut particulier du cadre d'emplois " application " ;

- l'arrêté n° 1119/DIPAC du 5 juillet 2012 fixant le statut particulier du cadre d'emplois " exécution " ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jardin,

- et les conclusions de M. Platillero, rapporteur public.

1. Considérant que M. C... a été employé sans interruption par la commune de Moorea-Maiao du 18 avril 2011 au 31 décembre 2014, dans le cadre de contrats à durée déterminée, comme agent de la voie publique à la brigade de police municipale, auxiliaire de police municipale puis agent de service ; que par un courrier du 5 octobre 2015, il a sollicité de la commune l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de ces recrutements temporaires répétés ; que par un courrier du 29 octobre 2015, le maire a rejeté sa demande indemnitaire ; que M. C... relève appel du jugement du 21 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant notamment à la condamnation de la commune de Moorea-Maiao à lui verser une indemnité de 1 205 248 F CFP ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Sur la responsabilité :

2. Considérant, en premier lieu, que l'article 73 de l'ordonnance du 4 janvier 2005, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-664 du 15 juin 2011, dispose : " Les agents qui occupent un emploi permanent des collectivités et des établissements mentionnés à l'article 1er sont réputés titulaires d'un contrat à durée indéterminée de droit public s'ils remplissent les conditions énoncées ci-après à la date de promulgation de la loi n° 2011-664 du 15 juin 2011 actualisant l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs : a) Etre en fonction ou bénéficier d'un congé ; b) Avoir accompli des services continus d'une durée minimale d'un an dans un emploi permanent des collectivités ou des établissements mentionnés à l'article 1er au cours des trois années civiles précédentes ou être bénéficiaire d'un contrat d'une durée de plus de douze mois ou renouvelé par tacite reconduction pendant une durée totale supérieure à douze mois. " ; qu'aux termes de l'article 74 de la même ordonnance : " Les agents mentionnés à l'article 73 ont vocation à être intégrés sur leur demande, après inscription sur une liste d'aptitude établie par l'autorité de nomination après avis d'une commission spéciale, dans les cadres d'emplois de fonctionnaires régis par le présent statut général s'ils remplissent les trois conditions suivantes : a) Etre en fonction ou bénéficier d'un congé à la date de l'intégration ; b) Avoir accompli, à la date de l'intégration, des services effectifs d'une durée minimale d'un an dans un emploi permanent d'une collectivité ou d'un établissement mentionné à l'article 1er ; c) Remplir les conditions énumérées à l'article 4 pour avoir la qualité de fonctionnaire. (...) " ; qu'aux termes de son article 75 : " Dans un délai de trois ans au plus à compter de la publication de chaque statut particulier, les organes délibérants des collectivités et des établissements mentionnés à l'article 1er ouvrent, par délibération, les emplois correspondants (...) " ;

3. Considérant qu'à la date de promulgation de la loi du 15 juin 2011, M. C..., recruté à compter du 18 avril 2011, avait accompli moins de deux mois de service et n'était bénéficiaire que d'un contrat d'une durée de six mois ; que, par suite, et même si son contrat initial a été renouvelé à son expiration pour une durée de six mois supplémentaires, il ne peut être réputé titulaire d'un contrat à durée indéterminée de droit public, en application de l'article 73 de l'ordonnance du 4 janvier 2005 et ne bénéficiait donc pas d'un droit à intégration dans la fonction publique communale ; qu'ainsi, la commune de Moorea-Maiao n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en n'intégrant pas l'intéressé dans la fonction publique communale, notamment suite à la création le 19 février 2014 par son conseil municipal de neuf postes relevant du cadre d'emplois " exécution " et de six postes d'agent de police municipale relevant du cadre d'emplois " application " ; qu'en outre, si M. C... soutient qu'il bénéficiait d'une promesse d'intégration dans la fonction communale émanant de la commune de Moorea-Maiao, il ne l'établit pas ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 4 janvier 2005 : " I. - Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que soit pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité ou d'un congé parental, ou de l'accomplissement du service civil ou national et des obligations de la réserve opérationnelle, soit pour faire face temporairement, pour une durée maximale d'un an, à la vacance d'un emploi qui ne peut être pourvu dans les conditions prévues par les articles 40 à 45, 47, 56 et 57. Ils peuvent, en outre, recruter des agents non titulaires pour exercer des fonctions correspondant à un besoin saisonnier pour une durée maximale de six mois pendant une même période de douze mois et conclure pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une seule fois à titre exceptionnel, des contrats pour faire face à des besoins occasionnels. Cette durée maximale de trois mois est portée à douze mois renouvelables une fois dans les communes isolées dont la liste est fixée par arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française. II. - Des emplois permanents peuvent également être occupés par des agents non titulaires dans les cas suivants : 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois susceptible d'assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois de niveau "conception et encadrement" mentionnés au a de l'article 6, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. Les agents ainsi recrutés sont engagés par des contrats d'une durée maximale de deux ans, renouvelables une seule fois. " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C... a été recruté, sur le fondement du 1° du II de l'article 8 de l'ordonnance du 4 janvier 2005, comme agent de la voie publique à compter du 18 avril 2011 afin de répondre aux " besoins permanents en effectif pour le renfort de la brigade de police municipale " ; que ce contrat d'une durée de six mois a été prolongé d'un an sur le même fondement et pour le même motif ; que la commune de Moorea-Maiao pouvait légalement employer pour cette durée M. C...sur l'emploi permanent d'agent de la voie publique dès lors qu'il n'existait pas de cadre d'emplois susceptible d'assurer les fonctions correspondantes, la création du statut particulier des quatre cadres d'emplois des fonctionnaires des communes de la Polynésie française, des groupements de communes et de leurs établissements publics administratifs n'étant intervenue que par des arrêtés du 5 juillet 2012 du haut-commissaire de la République ; que, postérieurement à l'entrée en vigueur de ces arrêtés, la commune pouvait légalement continuer à recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents dès lors qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 75 de l'ordonnance du 4 janvier 2005 le délai de trois ans laissé par ce texte pour créer les emplois permettant le recrutement de fonctionnaires communaux n'était pas expiré ; qu'en revanche, une fois ces emplois créés, le commune ne pouvait plus procéder à de tels recrutements que dans les conditions prévues par le I de l'article 8 de la même ordonnance ; que la commune n'a fourni aucune explication sur les motifs pour lesquels elle a conclu des contrats à durée déterminée d'une durée de trois mois avec M. C... les 28 mars, 29 juillet et 28 octobre 2014 alors que ces contrats se bornent à viser " les nécessités du service " ; que ces recrutements, en l'absence de motifs répondant aux exigences du I de l'article 8 de l'ordonnance du 4 janvier 2005, doivent être regardés comme illégaux et sont par suite susceptible d'engager la responsabilité de la commune ;

Sur le préjudice :

6. Considérant que M. C... demande la condamnation de la commune à lui verser une indemnité correspondant à six mois de salaire en réparation du préjudice lié à la " précarité de son statut " sans préciser la nature de ce préjudice et alors qu'au surplus il a bénéficié de recrutements qui n'auraient pas dû être effectués ; qu'il demande également la condamnation de la commune à lui verser une indemnité correspondant à deux mois de salaire en réparation de la perte de chance de trouver un emploi durable pendant la période où il a travaillé pour la commune sans établir la réalité de cette prétendue perte de chance et l'existence d'un lien de causalité direct avec les fautes de la commune ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que les conclusions de M. C... tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Moorea-Maiao de l'intégrer dans la fonction publique communale ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées dès lors qu'il ne bénéficiait d'aucun droit à intégration dans la fonction publique communale comme il a été dit au point 3 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Moorea-Maiao, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C...demande au titre des frais d'avocat exposés par lui ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...le versement de la somme que la commune de Moorea-Maiao demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Moorea-Maiao présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... C... et à la commune de Moorea-Maiao.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 novembre 2017.

L'assesseur le plus ancien,

D. DALLELe président-rapporteur

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02538


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02538
Date de la décision : 06/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Nature du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Claude JARDIN
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : DUMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-06;16pa02538 ?
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