Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1500131/2-2 du 18 mai 2016 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juillet 2016 et le 9 août 2016, M. A...B..., représentée par Me Cosich, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500131/2-2 du 18 mai 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu ;
2°) de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a été relaxé du chef de fraude fiscale par un arrêt du 17 décembre 2014 définitif du juge pénal dont les constatations de fait sont revêtues de l'autorité de chose jugée ;
- la comptabilité de la société B...A...et Frères a été regardée à tort comme non probante ;
- la méthode de reconstitution des recettes de cette société est radicalement viciée ou, à tout le moins, excessivement sommaire et aboutit à des résultats disproportionnés ;
- il propose une méthode de reconstitution plus précise ;
- il n'y a dans ces conditions aucun excédent de chiffre d'affaires non déclaré susceptible d'être regardé comme un revenu lui ayant été distribué.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me Cosich, avocat de M.B....
1. Considérant que la SARL B...A...et Frères, dont M. A...B...est associé à hauteur de 50 % des parts et dont il était le gérant de droit jusqu'en février 2008 puis le gérant de fait, exploite sous l'enseigne " Le Clou de Paris " un café-brasserie à Paris, 6ème arrondissement ; que cette société a fait l'objet d'un contrôle inopiné le 9 novembre 2010 suivi d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 septembre des années 2007, 2008 et 2009 dans le cadre de laquelle le service a écarté la comptabilité comme non probante et procédé à la reconstitution des recettes de la période vérifiée par la méthode des boissons alcoolisées ; que les minorations de recettes toutes taxes comprises révélées par cette reconstitution au titre des exercices clos les 30 septembre 2008 et 2009 ont été regardées par l'administration comme distribuées par cette société à M.B..., en sa qualité de maître de l'affaire ; que, dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'administration lui a notifié par une proposition de rectification du 1er août 2011 les rehaussements correspondants dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et les compléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux correspondants, résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice ; que M. B...relève appel du jugement du 18 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de ces compléments d'impositions et des pénalités correspondantes ;
Sur le bien-fondé des compléments d'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; que lorsqu'un contribuable n'a pas accepté la rectification de son revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers résultant d'une reconstitution de recettes d'une entreprise assujettie à l'impôt sur les sociétés, il appartient à l'administration fiscale d'établir l'existence, le montant et l'appréhension d'une distribution de bénéfices ;
En ce qui concerne l'autorité de l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 17 décembre 2014 :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêt définitif du 17 décembre 2014, la Cour d'appel de Paris, après avoir relevé que M. B...avait reconnu devant elle être le gérant de fait de la société requérante, a prononcé sa relaxe des poursuites pour fraude fiscale dont il était l'objet pour des charges de soustraction en sa qualité de gérant de fait de la SARL B...A...et Frères au paiement de l'impôt sur les sociétés exigible au titre des exercices clos le 30 septembre 2008 et le 30 septembre 2009 et au paiement partiel de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009 ; que les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par juge pénal s'imposent au juge de l'impôt ; qu'en revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité et, notamment, sur la nature des opérations effectuées ; que par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui ;
En ce qui concerne le montant des recettes distribuées par la société B...A...et Frères :
S'agissant du rejet de la comptabilité de la société B...A...et Frères :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que lors des opérations de contrôle sur place la société B...A...et Frères n'a pas été en mesure de présenter les pièces justificatives des recettes concernant les exercices clos en 2007, 2008 et 2009 ni les inventaires de stocks ; que le service vérificateur a notamment constaté que la comptabilisation des recettes était globale et journalière, sans aucune information sur la nature de l'opération réalisée mais seulement sur le mode de paiement utilisé, et que les tickets de caisse journaliers, dits " tickets z ", de la période vérifiée n'avaient pas été conservés ; que si le requérant soutient que les " tickets z " des exercices en litige ont été accidentellement détruits par un dégât des eaux survenu en septembre 2009, il n'établit pas cette destruction ; que, par ailleurs, s'il se prévaut de l'arrêt susmentionné du 17 décembre 2014 de la Cour d'appel de Paris l'ayant relaxé des poursuites pour fraude fiscale dont il était l'objet, les constatations de faits du juge pénal s'imposant au juge de l'impôt se limitent sur ce point au seul constat de la survenance d'un dégât de eaux dans la cave qui servait de lieu d'archivage à la société B...A...et Frères ; qu'en tout état de cause, à supposer même que la destruction accidentelle des pièces comptables de cette société par ce dégât des eaux soit regardée comme établie, le dégât des eaux en cause ne revêtait pas à l'égard de la société vérifiée un caractère de force majeure la dispensant de son obligation légale de produire les justificatifs de ses recettes dès lors que le constat d'huissier du 8 septembre 2009 produit ne mentionne qu'une hauteur d'eau de deux centimètres devant la cave en cause et que le stockage de documents comptables sous forme papier sur le sol d'une cave, à proximité en outre de pompes de relevages mentionnées par ce constat, ne peut être regardé comme relevant d'une gestion prudente de ses archives comptables par un chef d'entreprise, qui pouvait raisonnablement prévoir le risque de survenance d'un tel dommage ; que l'absence de présentation des justificatifs des recettes étant à elle seule de nature à priver la comptabilité de caractère probant, il s'ensuit que l'administration était en droit d'écarter la comptabilité de la société B...A...et Frères et de procéder à la reconstitution des recettes de ces exercices ;
5. Considérant, en second lieu, qu'à supposer que le requérant ait entendu se prévaloir du bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, il ne peut en tout état de cause utilement, pour contester le rejet de la comptabilité de la société, invoquer les termes de l'instruction fiscale référencée BOI-CF-IOR-10-20 dès lors que celle-ci est postérieure aux exercices en litige ;
S'agissant de la méthode de reconstitution :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des précisions détaillées aux pages 4 et suivantes de la proposition de rectification du 1er août 2011, que l'administration a appliqué la méthode des boissons alcoolisées consistant à évaluer le chiffre d'affaire de la société B...A...et Frères à partir des ventes de boissons alcoolisées ; qu'à cette fin, elle a tout d'abord procédé à la détermination du rapport existant entre les recettes des boissons alcoolisées et les recettes totales à partir des données comptables de l'entreprise ; que, pour ce faire, elle s'est fondée sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée CA 12 déposée par cette société le 31 décembre 2010 au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010, exercice immédiatement postérieur à ceux vérifiés, du fait que depuis le 1er juillet 2009 seules les ventes de boissons alcoolisées demeuraient imposables au taux normal et que dès lors le chiffre d'affaires TTC au taux normal correspondait à celui des ventes de boissons alcoolisées ; que l'administration a constaté que les ventes TTC de boissons alcoolisées sur cet exercice s'étaient élevées à 193 222 euros soit 22,93 % des recettes déclarées par la société et constaté que ce rapport n'était pas soumis aux variations saisonnières dès lors que le même rapport calculé sur la période du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009 était de 21 % ; que le service a relevé qu'aucune modification n'étant intervenue dans les conditions d'exploitation, les recettes totales des exercices litigieux pouvaient être déterminées par application aux recettes des boissons alcoolisées du pourcentage de 22,93 % ressortant de la CA 12 de la période du 1er octobre 2009 au 30 décembre 2010 couvrant une année d'exploitation, plus favorable à la société que celui déterminé de 21 % pour le troisième trimestre 2009 ; que la reconstitution des recettes des boissons alcoolisées a ensuite été effectuée à partir du dépouillement des factures d'achat de chacun des exercices litigieux pour déterminer les quantités achetées par produit et en déduire, après prise en compte des pertes, des consommations du personnel et des consommations offertes, le nombre de consommations servies par produit ; que les recettes ont ensuite été déterminées par application des prix de vente aux quantités vendues ; qu'à cet égard, le vérificateur a retenu les prix constatés sur la carte du restaurant lors des opérations de contrôle en 2010, après avoir relevé que M. B...A...avait confirmé qu'aucune augmentation des prix des boissons n'était intervenue au cours de la période vérifiée ; que le chiffre d'affaire total des trois exercices a enfin été déterminé par application du ratio de 22,93 % précédemment mentionné ;
7. Considérant que le requérant soutient, d'une part, que la méthode ainsi utilisée serait radicalement viciée au motif que, pour la reconstitution du chiffre d'affaires des exercices clos les 30 septembre 2007, 2008 et 2009, cette méthode se fonde sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée de la période postérieure allant du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010 au lieu des déclarations de taxe de chacun des exercices vérifiés ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration n'a pris en compte les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée de l'exercice allant du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2010 que du fait que, s'agissant du premier exercice pour lequel l'intégralité des recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal correspondaient aux recettes des seules boissons alcoolisées, ces déclarations lui permettaient d'identifier pour cet exercice la part précise du chiffre d'affaires de l'établissement correspondant à la seule vente de boissons alcoolisées ; que, par ailleurs, le requérant ne soutient pas que la part du chiffre d'affaires correspondant aux recettes de boissons alcoolisées par rapport au chiffre d'affaires total annuel des exercices clos en 2007, 2008 et 2009 serait différente de celle constatée au titre de l'exercice 2010 et ne conteste pas que, comme l'a relevé le vérificateur pour retenir le ratio litigieux, aucune modification n'était intervenue dans les conditions d'exploitation ;
8. Considérant, d'autre part, que si le requérant soutient que le vérificateur n'aurait pas pris en compte la variation saisonnière, il résulte de l'instruction que le service a constaté la faiblesse de la variation saisonnière entre le ratio des recettes de boissons calculé sur l'année ou sur la période de juillet à septembre et a retenu le ratio le plus favorable à la société B...A...et Frères ;
9. Considérant, de troisième part, que M. B...ne soutient pas utilement que l'administration aurait pu procéder à une reconstitution plus précise en utilisant les " tickets z " saisis lors du contrôle inopiné, dès lors que ces tickets étaient ceux de l'exercice 2010 alors que la reconstitution a été fondée sur le dépouillement des factures d'achats des exercices contrôlés et que, s'il fait valoir que la reconstitution des recettes opérées par la proposition de rectification initiale du 20 décembre 2010, limitée à l'exercice clos en 2007, à laquelle s'est substituée celle du 1er août 2011 avait été fondée sur l'analyse de ces " tickets z ", il résulte également de cette proposition de rectification que la méthode de reconstitution qu'elle retenait aboutissait à des recettes dissimulées supérieures aux recettes évaluées pour le même exercice par la méthode retenue par la proposition de rectification du 1er août 2011 ;
10. Considérant, de quatrième part, qu'il est constant que la reconstitution des recettes des exercices clos en 2008 et 2009 a été effectuée par le service à partir des prix qui étaient en vigueur en 2010 au moment des opérations de contrôle ; que les constatations de faits opérées par le juge pénal sur ce point dans l'arrêt du 17 décembre 2014, dont le requérant se prévaut, se limitent à la seule prise en compte par le service des tarifs de l'année 2010 pour la reconstitution d'exercices antérieurs, la Cour d'appel de Paris n'ayant pas opéré de constat d'une différence effective entre les prix en vigueur en 2010 et ceux en vigueur au cours des exercices clos en 2009 et 2008 ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction qu'alors que le service avait expressément relevé dans la proposition de rectification que M. B...lui avait indiqué que les prix appliqués au cours des opérations de contrôle étaient les mêmes que ceux en vigueur en 2010, la société vérifiée avait attendu l'entretien avec l'interlocuteur départemental pour alléguer pour la première fois, par des allégations non assorties de justificatifs probants, que les tarifs 2010 étaient supérieurs à ceux des exercices en litige ; que, dans ces conditions, le requérant ne critique pas utilement les prix retenus par le vérificateur pour la reconstitution des exercices vérifiés en se bornant à alléguer que des augmentation de prix seraient intervenues au cours de la période vérifiée, sans justifier par des éléments précis et probants que les prix hors taxes appliqués en 2010 étaient inférieurs à ceux appliqués au cours des exercices clos en 2008 et 2009 ;
11. Considérant, enfin, que si le requérant soutient que la méthode retenue aboutirait a un prorata excessif des recettes espèces, il n'en justifie pas en alléguant que les montants des recettes correspondant aux autres modes de paiement seraient par nature certains ;
12. Considérant, par ailleurs, que dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la comptabilité de la société B...A...et Frères a été écartée à bon droit comme non probante, le requérant n'établit pas le caractère exagéré de la reconstitution des recettes de cette société par la méthode qu'il propose, fondée sur les encaissements mentionnés dans les cahiers manuscrits sur lesquels cette société retranscrivait ses recettes journalières, et qui aboutit au surplus à des chiffres d'affaires inférieurs à ceux qu'elle avait elle-même déclarés ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'administration établit l'existence et le montant des minorations de recettes qu'elle a regardées comme distribuées par la société B...A...et Frères ;
En ce qui concerne la preuve des distributions à M.B... :
14. Considérant que l'administration établit que M. B...avait au cours des exercices clos en 2008 et 2009 la qualité de maître de l'affaire de la société B...A...et Frères dès lors qu'il était associé à 50 % de la société B...A...et Frères et détenait seul la signature du compte bancaire de cette société, dont il était le gérant de droit jusqu'en février 2008, avant, comme il l'a reconnu devant la Cour d'appel de Paris aux termes de son arrêt du 17 décembre 2014, de devenir son gérant de fait pour le surplus de la période ayant donné lieu aux recettes reconstituées ; que, dans ces conditions, elle établit ainsi que les sommes regardées comme distribuées par la société B...A...et Frères avaient été appréhendées par le requérant ; 15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 novembre 2017.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNI
Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02312