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24/10/2017 | FRANCE | N°17PA00232

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 octobre 2017, 17PA00232


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 7 080,84 euros et de 15 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de la demande préalable et la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices matériel et moral que lui a causé le caractère tardif de la délivrance d'un sauf-conduit lui permettant de quitter la République démocratique du Congo et de retourner en France.

Par un jugement n° 1506725-

7 du 24 novembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 7 080,84 euros et de 15 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de la demande préalable et la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices matériel et moral que lui a causé le caractère tardif de la délivrance d'un sauf-conduit lui permettant de quitter la République démocratique du Congo et de retourner en France.

Par un jugement n° 1506725-7 du 24 novembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2017, Mme A... D...et Mme F...-E...C..., représentées par MeB..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1506725 du 24 novembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner l'Etat à verser à Mme A...D...la somme de 4 400,95 euros au titre de son préjudice matériel ainsi que la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;

3°) de condamner l'Etat à verser à Mme C...la somme de 2 679,89 euros au titre de son préjudice matériel ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;

4°) de dire que ces sommes porteront intérêts à compter de la date de la réclamation amiable adressée au préfet de Seine-et-Marne le 22 avril 2015, avec capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à leur verser respectivement en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a implicitement rejeté la demande de MmeC... ; en effet, la requête de Mme C...est recevable et fondée puisqu'elle établit que son préjudice procède des mêmes faits que ceux ayant conduit aux préjudices subis par sa mère, Mme A...D...;

- c'est également à tort que le tribunal a écarté la responsabilité de l'Etat à raison de la faute commise par le préfet de Seine-et-Marne et caractérisée par le juge administratif dans son ordonnance du 26 juin 2013 découlant du caractère tardif de la délivrance d'un sauf-conduit permettant à Mme A...D...de quitter la République démocratique du Congo et de retourner en France ;

- l'injonction faite au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un document de voyage dans un délai de quinze jours n'a pas été exécutée par les services de l'Etat dans les conditions fixées par l'ordonnance du 26 juin 2013 puisque ladite ordonnance n'a été exécutée que trois mois après le délai de quinze jours fixé par le juge ;

- leurs prétentions indemnitaires sont fondées sur les illégalités fautives susmentionnées à l'origine directe et certaine de préjudices de nature matérielle et morale qu'elles ont subis pendant la période de huit mois qui s'est écoulée avant que les services de l'Etat n'interviennent pour protéger un de ses ressortissants en danger de mort à la fois en raison de son état de santé et de sa présence comme réfugiée politique dans son pays d'origine ;

- le préjudice matériel de Mme A...D...s'élève à 4 400,95 euros ;

- le préjudice matériel de Mme C...s'élève à 2 679,89 euros ;

- le préjudice moral de Mme A...D...s'élève à 15 000 euros ;

- le préjudice moral de Mme C...s'élève à 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2017, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- ses services ne sont pas responsables de la situation dans laquelle s'est trouvée Mme A...D..., aucune gestion fautive n'ayant été commise dans l'examen de son dossier administratif ;

- Mme A...D..., qui a obtenu le statut de réfugiée politique, a décidé de se rendre à ses risques et périls dans son pays d'origine dont les services de l'immigration lui ont confisqué son sauf-conduit ;

- les prétentions de Mme A...D...relatives au montant de son préjudice matériel sont disproportionnées ;

- Mme A...D...ne démontre pas l'étendue du préjudice moral qu'elle allègue.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2008-1176 du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.

1. Considérant que Mme F... A...D..., née le 25 décembre 1945, de nationalité congolaise, ayant obtenu le statut de réfugiée politique, s'est vue délivrer par le Préfet de Seine et Marne un sauf-conduit valable du 26 octobre 2012 au 26 novembre 2012 pour se rendre en République démocratique du Congo afin de prendre en charge l'inhumation de sa mère ; qu'à son arrivée à l'aéroport de Kinshasa le 26 octobre 2012, le sauf-conduit lui a été confisqué par les services congolais de l'immigration ; qu'elle a alors effectué des démarches auprès de l'ambassade de France à Kinshasa puis de la préfecture de Seine-et-Marne pour obtenir un nouveau document lui permettant de rentrer en France ; qu'elle ne s'est vu délivrer un nouveau sauf-conduit lui permettant de retourner en France que le 28 août 2013, soit plus de deux mois après l'injonction édictée par l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun en date du 26 juin 2013 ; qu'elle relève appel du jugement du 24 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi résultant du caractère tardif de la délivrance d'un sauf-conduit lui permettant de quitter la République démocratique du Congo et de retourner en

France ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme C...dont ils étaient pourtant saisi ; qu'il suit de là que le jugement du 24 novembre 2016 doit être annulé dans cette mesure ;

3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme C...devant le Tribunal administratif de Melun et de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur celles présentées par Mme A...D...;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par MmeC... :

4. Considérant que les frais engagés par Mme C...résultant de l'achat d'un billet d'avion pour aller voir sa mère à Kinshasa, et d'une assurance annulation ne résultent en aucun cas directement d'une faute commise par le préfet de Seine-et-Marne ; que, par suite, ses conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation présentées par Mme A...D...:

5. Considérant que Mme A...D...soutient avoir subi un préjudice matériel de 4 400,95 euros ainsi qu'un préjudice moral évalué à 15 000 euros en raison de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de rester en République démocratique du Congo pendant une période de onze mois alors qu'elle souffrait d'importants problèmes de santé et que sa vie y était constamment menacée compte tenu de sa qualité de réfugiée ;

6. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que Mme A...D...s'est vue reconnaître en 2007 la qualité de réfugiée en raison de risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine, notamment du fait des autorités de cet Etat ; que la protection qui lui a été accordée en tant que réfugiée ne lui permet pas, en principe, d'effectuer des voyages à destination de la République démocratique du Congo ; qu'elle a tout de même souhaité y retourner volontairement alors qu'elle connaissait les risques qu'elle encourrait en décidant d'effectuer ce voyage et que le formulaire qu'elle a rempli et signé lors de sa demande de sauf-conduit précisait bien qu'il appartient au demandeur bénéficiant d'une protection accordée par l'OFPRA d'estimer les risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine, au titre desquels était notamment mentionné la confiscation de ce document de voyage ; qu'en outre, et en tout état de cause, l'intéressée n'établit pas que ses préjudices tant moral que matériel seraient en lien avec le délai de deux mois dans lequel le sauf-conduit lui permettant de quitter la République démocratique du Congo et de retourner en France lui a été délivré après l'injonction prononcée par le juge des référés du Tribunal administratif de Melun ; que, dans ces conditions, les conclusions à fin d'indemnisation présentées pas Mme A...D...doivent être rejetées ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice subi résultant du caractère tardif de la délivrance d'un sauf-conduit lui permettant de quitter la République démocratique du Congo et de retourner en France ;

Sur les conclusions formées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme A...D...et Mme C...une somme au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Melun du 24 novembre 2016 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de MmeC....

Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A...D..., à Mme E...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 24 octobre 2017.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 17PA00232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00232
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : RENET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-24;17pa00232 ?
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