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19/10/2017 | FRANCE | N°15PA01913

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 19 octobre 2017, 15PA01913


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 25 juillet 2014 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 20 janvier 2014 refusant d'autoriser la société Adagio à procéder à son licenciement et par laquelle il a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1420203/3-2 du 18 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistré

e le 11 mai 2015, M. D... représenté par Me Doudet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 25 juillet 2014 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 20 janvier 2014 refusant d'autoriser la société Adagio à procéder à son licenciement et par laquelle il a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1420203/3-2 du 18 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 mai 2015, M. D... représenté par Me Doudet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1420203/3-2 du 18 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 25 juillet 2014 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 20 janvier 2014 refusant d'autoriser la société Adagio à procéder à son licenciement et par laquelle il a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du ministre est entachée d'un vice de procédure dès lors que la demande d'autorisation de licenciement du 18 novembre 2013 n'était pas accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 12 novembre 2013 portant sur le projet de licenciement du salarié protégé, en violation de l'article R. 2421-20 du code du travail ;

- ce procès-verbal, qui n'a pas fait l'objet d'une approbation lors d'une séance ultérieure du comité d'entreprise, comporte de nombreuses anomalies et interprétations biaisées à son détriment ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il n'a jamais eu un comportement agressif et violent à l'égard des autres salariés de la société comme en témoignent de nombreux collègues.

Par un mémoire enregistré le 9 juin 2016, la société Adagio représentée par Me H...conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D...du versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en tant qu'elle ne comporte aucun moyen de critique du jugement attaqué, en violation de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et ne demande l'annulation que de la seule décision du 24 juillet 2014 ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience publique.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2017 :

- le rapport de MmeF..., première conseillère,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Doudet, avocat de M.D...,

- et les observations de Me Decroix, avocat de la société Adagio.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...a été embauché par la société Adagio le 1er avril 2007 en qualité de réceptionniste et y exerçait en dernier lieu les fonctions de gouvernant. Il détenait au moment des faits litigieux les mandats de délégué du personnel titulaire, de représentant syndical au comité d'entreprise et de délégué syndical FO. La société Adagio a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier par courrier en date du 18 novembre 2013. Cette autorisation a été refusée par une décision de l'inspectrice du travail du 20 janvier 2014. La société Adagio a adressé, le 11 février 2014, un recours hiérarchique contre cette décision au ministre du travail, qui, par une décision en date du 25 juillet 2014, a retiré sa décision implicite de rejet du recours, annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé le licenciement de M.D.... Ce dernier relève appel du jugement du 18 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :

2. Aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. Elle est accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise ". L'article R. 2325-3 du même code dispose : " Les délibérations des comités d'entreprise sont consignées dans des procès-verbaux établis par le secrétaire et communiqués à l'employeur et aux membres du comité. ".

3. M. D...soutient que la décision litigieuse est entachée d'irrégularité dès lors que le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 12 novembre 2013 n'a pas été transmis avec la demande d'autorisation du 18 novembre 2013 adressée par la société Adagio à l'inspection du travail, que ce procès-verbal n'a pas fait l'objet d'une approbation lors de la séance suivante du comité d'entreprise et que la version qui est parvenue à l'inspectrice n'était pas fidèle aux contenus des échanges. Toutefois, l'appelant n'établit pas plus en appel qu'en première instance que le procès-verbal susmentionné n'aurait pas été conforme à la réalité de la délibération, laquelle s'est conclue par un vote de deux voix favorables et deux voix défavorables au licenciement de

M.D.... En outre, aucune norme n'impose que les procès-verbaux fassent l'objet d'une approbation lors d'une réunion ultérieure du comité d'entreprise. Enfin, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par M.D..., que l'inspectrice du travail disposait au moment où elle a pris sa décision, le 20 janvier 2014, du procès-verbal du comité d'entreprise qui lui avait été communiqué par courriel le 17 janvier 2014. Ainsi, le moyen ne peut qu'être écarté.

4. Lorsque le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié qui, ne méconnaissant pas les obligations découlant pour lui de son contrat de travail, ne constitue pas une faute, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Adagio, que celle-ci a demandé à être autorisée à licencier M. D... en raison du comportement que ce salarié a adopté dans l'exercice de ses fonctions représentatives consistant en des injures, menaces et intimidations à l'égard d'autres salariés rendant impossible son maintien dans l'entreprise. Pour établir la réalité de ces griefs, la société Adagio a produit huit témoignages émanant de salariés et établis lors du rapport d'enquête interne commanditée par la direction de l'entreprise. Il ressort de l'audition du 14 août 2013 du directeur des ressources humaines, M.G..., que celui-ci fait état de menaces qu'aurait proféré M. D... à son endroit, qui lui ont été rapportées par une autre salariée le 1er août 2013, et de l'attitude habituellement virulente et moqueuse de M. D...lors des réunions des institutions représentatives du personnel rendant sa tâche de directeur des ressources humaines impossible. Le témoignage du 16 août 2013 de MmeA..., chef de réception et membre suppléante du comité d'entreprise, confirme que M. D...aurait proféré des menaces à l'encontre du directeur des ressources humaines et son attitude agressive lors des réunions du comité d'entreprise. L'entretien du 21 août 2013 avec MmeC..., responsable qualité, relate des menaces de mort proférées par M.D..., à l'issue d'un comité d'entreprise du 20 mars 2013, à l'encontre du directeur des ressources humaines et de son attitude toujours agressive et méprisante envers ce dernier. MmeB..., adjointe de direction à l'hôtel F1 de Marseille, relate avoir été choquée par la colère de M. D...le 2 avril 2013, faits survenus pendant les heures de délégation de M. D..., qui l'ont conduit à taper " sur le desk " en proférant des insultes.

6. Si, à l'appui de sa requête, M. D...produit de nombreuses attestations de collègues de travail témoignant d'un comportement professionnel correct et de son implication dans ses fonctions représentatives, il ne conteste pas plus en appel qu'en première instance la matérialité des faits qui lui sont reprochés et qui sont de nature à faire regarder comme établie l'impossibilité de son maintien dans l'entreprise.

7. Il en résulte que M.D..., par les moyens qu'il invoque, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre chargé du travail du 25 juillet 2014 retirant sa décision implicite, annulant la décision de l'inspectrice du travail du 20 janvier 2014 et autorisant son licenciement.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Adagio, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. D...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de ce dernier une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Adagio.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : M. D...versera à la société Adagio une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à la ministre du travail et à la société Adagio.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- MmeF..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2017.

La rapporteure,

M. F...Le président,

J. LAPOUZADE Le greffier,

A. CLEMENT La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 15PA01913


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01913
Date de la décision : 19/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Comportement du salarié en dehors du travail.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : DOUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-19;15pa01913 ?
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