Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Systra a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'établissement public Réseau ferré de France (RFF), devenu SNCF Réseau, à lui verser la somme de 4 682 531 euros HT, assortie des intérêts moratoires retenus au taux de 10,25 %, à compter du
10 décembre 2014, eux-mêmes capitalisés, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis dans le cadre de l'exécution du marché forfaitaire de prestations intellectuelles ayant pour objet la réalisation d'études environnementales, techniques et ferroviaires relatives à la construction d'une liaison ferroviaire entre Montpellier et Perpignan.
Par un jugement n° 1400599/3-1 du 23 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 août 2015, la société Systra représentée par la SCP August et Debouzy, Me D...et MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1400599/3-1 du 23 juin 2015 ;
2°) de condamner l'établissement public SNCF Réseau à lui verser une somme de 4 789 863 euros HT, soit 5 667 996 euros TTC, à la date du 24 août 2015, à parfaire ;
3°) de condamner l'établissement public SNCF Réseau à lui verser des intérêts de retard sur le montant de l'indemnisation retenue, au taux de 10,25 %, à compter du 10 décembre 2014 date d'arrêté des comptes à parfaire, eux même capitalisés ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement public SNCF Réseau le versement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- la contestation du décompte général n'était pas tardive en application des stipulations de l'article 8.4.2 du cahier des clauses administratives particulières et que, par suite, ses prétentions indemnitaires étaient recevables ;
- le titulaire d'un marché à prix forfaitaire à un droit à indemnisation ;
- SNCF Réseau est l'origine du retard dans le démarrage des prestations ;
- SNCF Réseau en ne prenant pas de décisions précises sur la mixité et les gares a rendu plus difficile la réalisation des études confiées à la société Systra ;
- SNCF Réseau n'a pas respecté le périmètre du contrat conclu ;
- SNCF Réseau a exigé des prestations supplémentaires ;
- SNCF Réseau ayant bloqué les paiements pendant plusieurs mois, ceci a généré des intérêts moratoires découlant de ce retard de paiement ;
- le retard de paiement sur plus d'une année justifie une révision du prix, ainsi que la prise en compte des frais externes liés à la procédure précontentieuse que ces retards ont générée ;
- la société Systra ne saurait être redevable de la moindre pénalité de retard, dans la mesure où ce retard résulte des fautes commises par SNCF Réseau ;
- si SNCF Réseau devait percevoir des pénalités de retard, celles-ci devraient être limitées à la somme de 146 000 euros HT ;
- SNCF Réseau est forclos à se prévaloir d'une indemnisation dès lors qu'il n'a pas procédé, dans le décompte général et définitif, à une réfaction de la somme avancée sur les sommes dues à la société Systra ;
- en tout état de cause, SNCF Réseau n'a subi aucun préjudice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2016, SNCF Réseau, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Systra la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Systra ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 octobre 2016.
Par une lettre enregistrée le 27 septembre 2017, le président de la formation de jugement a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever un moyen d'ordre public tiré de ce que le jugement attaqué présentant deux dates d'audience et deux dates de lecture différentes, il n'est pas possible d'établir la date à laquelle cette décision est effectivement intervenue.
Une réponse au moyen d'ordre public a été enregistrée le 28 septembre 2017, pour SNCF Réseau.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles SNCF dans son édition d'avril 1997 rectifié le 15 mars 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- les observations de Me B...pour la société Systra,
- et les observations de Me A...pour la SNCF Réseau.
1. Considérant que, dans le cadre d'un projet de construction d'une ligne nouvelle reliant Montpellier à Perpignan, RFF, devenu SNCF Réseau le 1er janvier 2015, a, le 21 mars 2011, notifié à la société Systra un marché forfaitaire de prestations intellectuelles ayant pour objet la réalisation d'études environnementales, techniques et ferroviaires ; qu'à la suite de difficultés tenant notamment au respect des délais contractuels de réalisation des prestations, SNCF Réseau a informé la société Systra, le 5 février 2013, qu'il serait mis fin au marché à la fin de la phase 3 de l'étape 2, sans indemnisation ; que, le 19 juillet 2013, la société Systra a adressé à SNCF Réseau un mémoire de demande de rémunération portant sur la somme de 3 731 724 euros HT ; que, le même jour, elle a adressé à SNCF Réseau un projet de décompte final faisant apparaître un solde créditeur de 4 500 000 euros HT ; que, le 3 septembre 2013, SNCF Réseau a notifié le rejet de ce mémoire de demande de rémunération, ainsi que le décompte général, lequel a été signé avec réserves par la société Systra, le 17 octobre 2013, et reçu par le maître d'ouvrage le 22 octobre suivant ; que la société Systra fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que la responsabilité contractuelle de SNCF Réseau soit engagée à hauteur de 4 682 531 euros HT en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " (...) La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée " ;
3. Considérant que les mentions du jugement attaqué font apparaître deux dates d'audience et deux dates de lecture différentes ;
4. Considérant que la présence de deux dates d'audience différentes, qui résulte d'une erreur purement matérielle, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ; qu'en revanche, le fait que ce jugement comporte deux dates de lecture différentes ne permet pas d'établir la date à laquelle le jugement du Tribunal administratif de Paris est effectivement intervenu ; que, dès lors, et alors même que cette erreur n'a lésé aucune des deux parties à l'instance, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit, pour ce seul motif, être annulé ; que, par suite, il y a lieu de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la société Systra tendant à la condamnation de SNCF Réseau, à lui verser la somme de 4 682 531 euros HT, assortie des intérêts moratoires retenus au taux de 10,25 %, à compter du 10 décembre 2014, eux-mêmes capitalisés, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis dans le cadre de l'exécution du marché forfaitaire de prestations intellectuelles ayant pour objet la réalisation d'études environnementales, techniques et ferroviaires relatives à la construction d'une liaison ferroviaire entre Montpellier et Perpignan ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8.4.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable : " (...) Le maître d'ouvrage notifie au titulaire le décompte général et l'état du solde dans les quarante cinq (45) jours suivant la réception du décompte final. Le titulaire dispose de quarante cinq (45) jours pour signer et renvoyer au maître d'ouvrage ce décompte général, sans ou avec réserves accompagné de sa facture de solde. Si le décompte général n'est pas retourné par le prestataire dans le délai fixé, il est réputé être accepté sans réserves. Ce décompte général devient ainsi le décompte général et définitif du marché " ; qu'aux termes de l'article 5.3 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de prestations intellectuelles de la SNCF et de RFF : " Lorsque, en exécution des stipulations du marché qui a été notifié, un document doit être remis, dans un délai fixé, par le prestataire à la SNCF ou réciproquement, ou encore lorsque la remise d'un document marque le point de départ d'un délai, le document doit être remis au destinataire contre récépissé ou lui être adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal. La date du récépissé ou de l'avis de réception postal est retenue comme date de remise du document. Toutefois, si le marché l'autorise, toute autre forme de transmission peut être utilisée à condition qu'elle permette de déterminer de manière certaine le signataire du document et la date de remise " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le décompte général a été notifié par SNCF Réseau à la société Systra le 3 septembre 2013 ; qu'en application des stipulations combinées des articles précités 8.4.2 du CCAP intitulé " Décompte général et définitif du marché " et 5.3 du CCAG intitulé " Décompte des délais - Formes des notifications ", sans que le premier de ces deux articles ne prévale sur le second, ni n'y déroge, le premier ayant trait à la durée du délai et le second aux modalités de sa computation, la société Systra disposait d'un délai de 45 jours, soit jusqu'au
18 octobre 2013 à minuit, pour notifier au maître d'ouvrage les réserves qu'elle entendait apporter au décompte général ; que la réponse formulée par l'appelante à ce décompte général n'est toutefois parvenue à SNCF réseau que le 22 octobre suivant, soit postérieurement à l'expiration du délai fixé par les stipulations contractuelles applicables ; que si la société Systra fait valoir que le retard pris dans l'acheminement de sa réponse serait du à une erreur de la Poste, qui reconnaît avoir, dans un premier temps, adressé à tort le courrier à un tiers, il résulte en tout état de cause de l'instruction, qu'en expédiant ce courrier, le 17 octobre 2013, soit la veille du jour où le délai imparti venait à expiration, l'appelante n'a pas accompli les diligences minimales permettant que son courrier, dans des conditions normales d'acheminement, puisse être reçu par le maître d'ouvrage avant l'achèvement du délai fixé par le contrat ; que, par ailleurs, la circonstance que la réponse au décompte général ait été doublée d'un envoi par courriel le 17 octobre 2013, ne saurait pallier cette tardiveté, dans la mesure où aucune stipulation du marché n'autorisait expressément qu'une forme de transmission autre que la remise en mains propres contre récépissé ou l'envoi par lettre recommandée avec avis de réception puisse être utilisée ; qu'enfin, le fait que les parties aient pu entrer en phase de négociation à la fin de l'année 2013 ne saurait valoir une renonciation par SNCF Réseau de la forclusion de la contestation du décompte général par l'appelante, qu'elle persiste, d'ailleurs, à invoquer dans une lettre datée du 9 décembre 2013 ; que, dans ces conditions, la société Systra doit être regardée comme ayant tacitement accepté le décompte général sans réserves, lequel est devenu définitif et, par conséquent, intangible ; que, par conséquent, les conclusions de la société Systra tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle de SNCF Réseau à hauteur de 4 682 531 euros HT en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis dans le cadre de l'exécution du marché en litige doivent être rejetées comme irrecevables ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions énoncées par l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de SNCF Réseau, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la société Systra réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Systra une somme de 2 000 euros à verser à SNCF Réseau sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1400599/3-1 du 23 juin 2014 est annulé.
Article 2 : La demande de la société Systra devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La société Systra versera à SNCF Réseau une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à SNCF Réseau et à la société Systra.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 octobre 2017.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre chargé des transports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03384