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05/10/2017 | FRANCE | N°17PA01402,17PA01403

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 octobre 2017, 17PA01402,17PA01403


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat de la biologie libérale européenne a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 mai 2015 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics et le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ont refusé de lui reconnaître un caractère représentatif et d'enjoindre au ministre des finances et des comptes publics et au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes de réexaminer sa situation dans un délai de deux

mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreint...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat de la biologie libérale européenne a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 mai 2015 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics et le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ont refusé de lui reconnaître un caractère représentatif et d'enjoindre au ministre des finances et des comptes publics et au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1512885/6-2 du 28 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision attaquée du 28 mai 2015 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics et le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ont refusé de reconnaître le caractère représentatif du Syndicat de la biologie libérale européenne, et, d'autre part, a enjoint au ministre de l'économie et des finances et au ministre des affaires sociales et de la santé de procéder au réexamen de la demande du Syndicat de la biologie libérale européenne tendant à la reconnaissance de sa représentativité, dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

I/ Par une requête, enregistrée le 27 avril 2017 sous le n° 17PA01403, et un mémoire en réplique enregistré le 15 septembre 2017, la ministre des affaires sociales et de la santé demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1512885/6-2 du 28 février 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de mettre à la charge du Syndicat de la biologie libérale européenne le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le jugement attaqué, l'adhésion aux organisations syndicales au sens des dispositions de l'article R. 162-54-1 du code de la sécurité sociale doit être entendue comme une adhésion effectuée par des personnes physiques, individuellement exprimée ;

- les premiers juges ont mal apprécié le motif de refus opposé au Syndicat de la biologie libérale européenne dans la décision attaquée du 28 mai 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2017, le Syndicat de la biologie libérale européenne, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la ministre des solidarités et de la santé de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et à ce que le versement de la somme de 10 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des affaires sociales et de la santé ne sont pas fondés.

II/ Par une requête, enregistrée le 27 avril 2017 sous le n° 17PA01402, et un mémoire en réplique enregistré le 15 septembre 2017, la ministre des affaires sociales et de la santé demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1512885/6-2 du 28 février 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de mettre à la charge du Syndicat de la biologie libérale européenne le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'il existe des moyens sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué au sens des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2017, le Syndicat de la biologie libérale européenne, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint à la ministre des solidarités et de la santé de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et à ce que le versement de la somme de 10 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en ce que la demande de sursis à exécution du jugement ne peut être fondée de manière cumulative sur les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la ministre des affaires sociales et de la santé ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment son préambule,

- le code de la sécurité sociale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Robin-Chevalier, avocat du Syndicat de la biologie libérale européenne.

Après avoir pris connaissance des notes en délibéré produites le 22 septembre 2017 par le ministre des solidarités et de la santé.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 17PA01403 et n° 17PA01402 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. En conséquence, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 17PA01403 :

2. Aux termes de l'article L. 162-14 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance. maladie et les directeurs de laboratoires privés d'analyses médicales sont définis par une convention nationale conclue pour une durée au plus égale à cinq ans entre une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives des directeurs de laboratoire de biologie médicale et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ". Aux termes de l'article L. 162-33 du même code : " Sont habilitées à participer aux négociations des conventions mentionnées aux articles L. 162-14-1, L. 162-16-1 et L. 162-32-1 les organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Les conditions sont fixées par décret en Conseil d'Etat et tiennent compte de leur indépendance, d'une ancienneté minimale de deux ans à compter de la date de dépôt légal des statuts, de leurs effectifs et de leur audience. ". Aux termes de l'article R. 162-54-1 du même code : " La représentativité des organisations syndicales habilitées à participer aux négociations conventionnelles est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : (...) 1° L'indépendance, notamment financière. Ces organisations sont soumises aux obligations du code du travail relatives à la certification et à la publicité des comptes des organisations syndicales et professionnelles ; 2° Les effectifs d'adhérents à jour de leur cotisation ; 3° Une ancienneté minimale de deux ans à compter de la date de dépôt légal des statuts. Toutefois un syndicat constitué à partir de la fusion de plusieurs syndicats dont l'un d'entre eux remplit cette condition d'ancienneté est réputé la remplir ; 4° L'audience, établie en fonction des résultats aux dernières élections aux unions régionales des professionnels de santé lorsque les membres qui les composent sont élus conformément à l'article L. 4031-2 du code de la santé publique, ou appréciée en fonction de l'activité et de l'expérience lorsque les membres qui les composent ne sont pas élus ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'après la réalisation de l'enquête de représentativité prévue à l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale, le ministre des finances et des comptes publics et le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, par la décision attaquée en date du 28 mai 2015, ont refusé de reconnaître le caractère représentatif du Syndicat de la biologie libérale européenne, aux motifs qu'il ne pouvait " être reconnu comme représentatif car il ne remplissait pas le critère de représentativité lié aux effectifs posé par l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale. En effet, les effectifs des laboratoires de biologie médicale sont appréciés au regard des personnes qui adhèrent et cotisent à titre individuel au syndicat. ".

4. D'une part, il ne résulte ni des dispositions législatives et réglementaires précitées, ni d'aucune autre disposition législative et réglementaire, ni du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, selon lequel " Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ", que le critère des effectifs d'adhérents à jour de leur cotisation servant à déterminer la représentativité des organisations syndicales habilitées à participer aux négociations conventionnelles doive être compris comme s'appliquant aux seules personnes physiques directement et personnellement adhérentes à une organisation syndicale, à l'exclusion des personnes morales adhérentes à cette organisation qui regrouperaient des personnes physiques, devenues ainsi adhérentes par l'intermédiaire de cette personne morale.

5. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme le soutient la ministre, les premiers juges auraient mal apprécié le motif de refus opposé au syndicat de la biologie libérale européenne dans la décision attaquée du 28 mai 2015. En effet, il ne ressort pas de la brève motivation précitée de cette décision que les ministres des finances et des comptes publics et des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes auraient été dans l'impossibilité matérielle, du fait de l'adhésion collective au Syndicat de la biologie libérale européenne, de déterminer ses effectifs, au surplus à jour de leur cotisation, les ministres s'étant placés, par cette décision, sur le seul terrain du principe abstrait en déniant à une organisation syndicale à laquelle ses adhérents n'auraient pas adhéré individuellement la possibilité de se prévaloir du critère de représentativité lié aux effectifs posé par l'article L. 162-33 du code de la sécurité sociale.

6. Au surplus, il ne ressort ni des statuts du Syndicat de la biologie libérale européenne, qui prévoient que peuvent y adhérer les laboratoires ou sociétés d'exercice libéral - l'ensemble des directeurs ou des directeurs adjoints devenant alors membres du syndicat -, que tout membre peut librement quitter le syndicat à tout moment et que les biologistes partant en retraite ou cessant provisoirement leur fonction peuvent rester adhérents au syndicat, ni des échanges de courriers électroniques entre les services du ministère des affaires sociales et le Syndicat de la biologie libérale européenne, que le décompte des laboratoires ou société d'exercice libéral membres du syndicat d'une part et des adhérents individuels d'autre part aurait été impossible, en droit comme en fait.

7. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les effectifs du Syndicat de la biologie libérale européenne devaient être regardés comme constitués de l'ensemble de ses adhérents, indépendamment des modalités de leur adhésion, et qu'en refusant de prendre en compte, pour déterminer les effectifs de ce syndicat, les adhésions des directeurs et directeurs adjoints des laboratoires et société d'exercice libéral dans lesquels ils exercent et qui ont eux-mêmes adhéré au syndicat, le ministre des finances et des comptes publics et le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes avaient commis une erreur de droit au regard des dispositions précitées de l'article R. 162-54-1 du code de la sécurité sociale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des affaires sociales et de la santé n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision attaquée du 28 mai 2015 par laquelle elle avait, avec le ministre des finances et des comptes publics, refusé de reconnaître le caractère représentatif du Syndicat de la biologie libérale européenne, et, d'autre part, leur a enjoint de procéder au réexamen de la demande du Syndicat de la biologie libérale européenne tendant à la reconnaissance de sa représentativité, dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement.

Sur la requête n° 17PA01402 :

9. Il résulte de ce qui précède, que la Cour se prononçant au fond, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17PA01402 tendant à ce que soit prononcé le sursis à exécution du jugement du 28 février 2017 du Tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais d'instance soient mis à la charge du Syndicat de la biologie médicale européenne, lequel n'est pas la partie perdante à l'instance. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat (ministre des solidarités et de la santé) le versement de la somme de 1 500 euros au Syndicat de la biologie médicale européenne en application des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête n° 17PA01403 de la ministre des affaires sociales et de la santé tendant à l'annulation du jugement n° 1512885/6-2 du 28 février 2017 du Tribunal administratif de Paris sont rejetées.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17PA01402 tendant à ce que soit prononcé le sursis à exécution du jugement attaqué.

Article 3 : Les conclusions présentées par la ministre des affaires sociales et de la santé tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : L'Etat (ministre des solidarités et de la santé) versera au Syndicat de la biologie libérale européenne la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des solidarités et de la santé et au Syndicat de la biologie libérale européenne.

Copie du présent arrêt sera adressée au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2017.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 17PA01402, N° 17PA01403


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01402,17PA01403
Date de la décision : 05/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SELARL CLEMENT DELPIANO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-10-05;17pa01402.17pa01403 ?
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