Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée sous le n° 1406112, le ministre de la défense a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la société TBI Sham à lui verser la somme de 3 172 201,21 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices causés par son refus d'exécuter les prestations contractuelles afférentes au lot n° 3 " gros oeuvre - maçonnerie " et au lot n° 9 " plâtrerie - doublage - plafonds suspendus " du marché de travaux relatif à la restructuration de la tour A de la base aérienne n° 117 à Paris (75015).
Par une requête enregistrée sous le n° 1427042, la société TBI Sham a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 1 552 432 euros TTC, assortie des intérêts moratoires, en règlement du solde de ces deux mêmes marchés.
Par un jugement nos 1406112/3-2 et 1427042/3-2 du 2 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris, après avoir joint ces deux requêtes, a rejeté la demande du ministre de la défense, a mis les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés à la charge de l'Etat, a annulé les retenues pratiquées par le ministre de la défense au sein des décomptes de ces deux marchés, à hauteur de la somme totale de 3 172 201,21 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la société TBI Sham.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 26 avril 2016 et le 17 juillet 2017, le ministre de la défense demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris nos 1406112/3-2 et 1427042/3-2 du 2 mars 2016 en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner la société TBI Sham à lui verser une somme ramenée en appel à 1 891 434,21 euros TTC.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas énoncé les motifs pour lesquels il considère que les surcoûts dont l'indemnisation était demandée ne sont pas au nombre des conséquences onéreuses de la résiliation des deux lots litigieux ;
- la personne publique qui prononce la résiliation simple d'un marché public a droit à être indemnisée des préjudices résultant des fautes contractuelles commises par son co-contractant, dès lors que le préjudice est né avant la résiliation ;
- cette indemnisation doit figurer dans le décompte général du marché ;
- le refus de la société TBI Sham d'exécuter des prestations prévues aux contrats est fautif et justifiait la résiliation des deux marchés ;
- ces fautes ont causé un allongement du délai d'exécution des travaux de trois mois, qui a lui même engendré des surcoûts de maîtrise d'oeuvre de 250 948,97 euros HT soit 300 134,97 euros TTC, des surcoûts d'agrandissement de la base de vie à hauteur de 452 179,15 euros TTC, des surcoûts dans l'exécution des marchés de prestations intellectuelles à hauteur de 225 000 euros HT soit 269 100 euros TTC, des ajournements des travaux exécutés par les titulaires des lots n° 10, n° 6, n°7 et n° 5 indemnisés à hauteur de la somme totale de 430 560 euros TTC, des surcoûts dans l'exécution du lot n° 4 " façades-nacelles-étanchéité " de 211 510,97 euros TTC, des surcoûts dans l'exécution du lot n° 8 " appareils élévateurs " à hauteur de 28 123,95 euros TTC, des surcoûts dans l'exécution du lot n° 11 " peinture " à hauteur de 115 751,86 euros TTC et des surcoûts dans l'exécution du lot n° 12 " peinture-revêtements sols durs-sols souples " à hauteur de 84 073,31 euros TTC ;
- il abandonne sa demande d'indemnisation des loyers supplémentaires à hauteur de 1 280 767 euros ;
- c'est à tort que le tribunal s'est fondé, pour rejeter ses demandes, sur la date des avenants signés après la résiliation, dès lors que ceux-ci avaient pour objet les conséquences onéreuses des fautes commises par TBI Sham survenues avant cette résiliation ;
- le refus d'indemniser les conséquences des fautes commises avant la résiliation est contraire au principe de loyauté dans les relations contractuelles.
Par un mémoire enregistré le 3 février 2017, la société TBI Sham, représentée par
MeB..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'indemnité allouée au ministre de la défense à la somme de 807 565,93 euros TTC ;
3°) à titre reconventionnel, de réformer le jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 552 432 euros TTC assortie des intérêts moratoires ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- faute de stipulation dérogatoire, l'article 46-3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés (CCAG) ne permet de mettre à la charge du titulaire du marché résilié que les mesures de conservation et de sécurité devant être prises avant la fermeture du chantier ;
- les préjudices subis du fait que les travaux sont demeurés interrompus après la résiliation, constatés par des avenants signés en août 2012, n'ont pas à être indemnisés par le titulaire du marché résilié ;
- le retard subi par le chantier avant la résiliation ne peut donner lieu qu'à des pénalités de retard ;
- aucun préjudice né avant la résiliation des marchés ne peut lui être imputé dès lors qu'aucun retard d'exécution ne pouvait lui être reproché, le délai d'exécution n'étant pas expiré à la date de la résiliation ;
- les décomptes de liquidation provisoire ne faisaient état, à la date de la résiliation, que d'un préjudice minime ;
- le principe de loyauté dans les relations contractuelles est sans incidence sur le litige ;
- les préjudices dont se prévaut le ministre de la défense ne sont pas justifiés dans leur quantum par le simple renvoi au rapport d'expertise ou la production de devis ;
- les avenants relatifs aux lots n° 5, n° 6, n° 7, n°10 et n° 12 dont se prévaut le ministre n'ont pas été conclus ;
- les surcoûts de maîtrise d'oeuvre sont relatifs, en partie, à la rémunération des prestations réalisées dans le cadre de l'attribution du nouveau marché conclu avec la société GTM, et ne sont donc pas à la charge du titulaire du lot résilié ;
- les travaux supplémentaires qui lui ont été demandés n'étaient pas contractuellement à sa charge ;
- elle a droit à l'indemnisation de ces travaux en application de l'article 15 du CCAG dès lors que l'augmentation de la masse des travaux est supérieure à 5% pour chacun des deux lots ;
- elle a subi, du fait de la résiliation abusive et du démarrage différé du chantier, des préjudices en termes de mobilisation de personnel supplémentaire et de perte d'industrie, pour un montant total, compte tenu des acomptes déjà versés, de 1 552 432 euros TTC, outre les intérêts moratoires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- les observations de MeA... pour la société TBI Sham.
Une note en délibéré, enregistrée le 22 septembre 2017, a été présentée par le ministre des armées.
1. Considérant que, par acte d'engagement du 4 juin 2010, le ministre de la défense a confié à la société TBI Sham le lot n° 3 " gros oeuvre-maçonnerie ", d'un montant forfaitaire de
1 610 000 euros HT, et le lot n° 9 " cloisons, doublages-plafonds suspendus ", d'un montant forfaitaire de 1 620 007 euros HT, du marché de travaux relatif à la réhabilitation de la tour A de la base aérienne n° 117 du site de Balard à Paris ; que le ministre de la défense a prononcé la résiliation pour faute de ces deux marchés le 22 juillet 2011 ; que, saisi par la société TBI Sham, le juge des référés a ordonné le 5 juillet 2011 une expertise aux fins de déterminer les conditions d'exécution de ces deux marchés et de fournir tous éléments techniques permettant d'établir les comptes entre les parties ; que l'expert ayant remis son rapport le 5 février 2013, le maître d'ouvrage a adressé au titulaire le décompte général de résiliation des lots n° 3 et n° 9, faisant apparaître un solde de respectivement 1 698 412,65 euros et 1 058 603,90 euros en faveur de l'Etat, après imputation, notamment, au débit de la société TBI Sham, d'une somme totale de 3 172 201,21 euros TTC au titre des préjudices subis par l'Etat ; que, par courrier du 17 avril 2014, la société TBI Sham a refusé de signer les décomptes généraux qui lui avaient été notifiés et a adressé un mémoire de réclamation portant sur la somme totale de 1 552 432 euros TTC ; que le ministre de la défense a rejeté ces réclamations ; que le Tribunal administratif de Paris, saisi par le ministre de la défense d'une demande de condamnation de la société TBI Sham à l'indemniser des préjudices résultant pour lui de cette résiliation, ainsi que par la société TBI Sham d'une demande de condamnation de l'Etat à rectifier le solde des deux marchés pour en exclure les indemnités imputées par l'Etat et y ajouter le montant de ses réclamations, a joint ces deux requêtes pour les rejeter ; que le ministre de la défense relève appel de ce jugement, la société TBI Sham demandant par la voie incidente qu'il soit fait droit à ses conclusions de première instance ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'en ayant relevé aux points 10 et 11 que le maître d'ouvrage d'un marché résilié " n'est pas fondé à demander réparation du dommage qu'il aurait subi du fait que les travaux sont demeurés interrompus après la résiliation ", puis que le ministre demande l'indemnisation de surcoûts résultant d'avenants signés postérieurement à la résiliation, avant d'en déduire que " ces surcoûts ne sont pas au nombre des conséquences onéreuses de la résiliation des deux lots litigieux ", les premiers juges ont suffisamment énoncé les motifs pour lesquels ils ont rejeté ces conclusions ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne le droit à indemnisation de l'Etat :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 49 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction issue du décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 applicable au marché en litige : " 49.1. A l'exception des cas prévus au 22 de l'article 15 et au 16 de l'article 46, lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit (...) / 49.2. Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée, ou la résiliation du marché peut être décidée (...) / 49.4. La résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être, soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur. / Dans les deux cas, les mesures prises en application du 3 de l'article 46 sont à sa charge. (...) " ; qu'aux termes de l'article 2.52 du même cahier : " (...) A l'exception des seuls cas que prévoient le 22 de l'article 15 (...), l'entrepreneur se conforme strictement aux ordres de services qui lui sont notifiés, qu'ils aient ou non fait l'objet de réserves de sa part. " ; qu'aux termes de l'article 15.21 de ce cahier : " (...) l'entrepreneur est tenu de mener à son terme la réalisation des ouvrages faisant l'objet du marché, quelle que soit l'importance de l'augmentation de la masse des travaux qui peut résulter de sujétions techniques ou d'insuffisance des quantités prévues dans le marché ou encore de toute cause de dépassement autre que celles qui sont énoncées au 22 du présent article. " ; qu'enfin l'article 15.22 de ce cahier stipule que : " L'entrepreneur n'est tenu d'exécuter des travaux qui correspondent à des changements dans les besoins ou les conditions d'utilisation auxquels les ouvrages faisant l'objet du marché doivent satisfaire, que si la masse des travaux de cette espèce n'excède pas le dixième de la masse initiale des travaux. / Dès lors, l'entrepreneur peut refuser de se conformer à un ordre de service l'invitant à exécuter des travaux de l'espèce définie à l'alinéa précédent s'il établit que la masse cumulée des travaux de ladite espèce, prescrits par ordre de service depuis la notification du marché ou depuis celle du dernier avenant intervenu, y compris l'ordre de service dont l'exécution est refusée, excède le dixième de la masse initiale des travaux. /(...). " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise qui n'est pas contesté sur ce point, que les travaux de percements relatifs au lot n° 3 et de gaines de désenfumage et coupe-feu relatifs au lot n°9, que l'entreprise TBI Sham a refusé d'exécuter malgré les ordres de service qui lui ont été notifiés, qui étaient prévus par les prescriptions techniques des lots n° 3 et n° 9, étaient nécessaires à l'achèvement de ces deux lots, et ne constituaient pas des changements dans les besoins ou les conditions d'utilisation auxquels les ouvrages faisant l'objet du marché doivent satisfaire, au sens des stipulations précitées de l'article 15.22, de nature à justifier un refus d'exécution ; que, dès lors, la société TBI Sham ayant méconnu ses obligations contractuelles résultant des stipulations précitées en refusant de se conformer aux ordres de services régulièrement notifiés, le ministre de la défense était fondé à prononcer la résiliation simple, pour faute, des deux marchés attribués à la société TBI Sham ;
5. Considérant, d'autre part, que si le choix, par l'Etat, de prononcer la résiliation simple, et non aux frais et risques du titulaire, des marchés relatifs aux lots n° 3 et n° 9 fait obstacle à ce que soient mises à la charge de la société TBI Sham les conséquences onéreuses de la passation des marchés de substitution, cette circonstance est par elle-même sans incidence sur le droit de l'Etat à être indemnisé des conséquences dommageables de l'interruption des travaux, dès lors que ces conséquences sont antérieures à la résiliation des marchés, et sans qu'y fasse obstacle l'existence, dans les marchés en litige, de clauses contractuelles prévoyant des pénalités en cas de retard dans l'exécution des prestations ;
En ce qui concerne les préjudices :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du libellé des avenants aux marchés relatifs aux lots n° 1 portant sur l'élargissement de la base de vie, pour un montant de
452 179,15 euros TTC, n° 4 intitulé " façades, nacelles, étanchéité ", pour un montant de 211 510,97 euros, n° 8 " appareils élévateurs ", pour un montant de 28 123,95 euros TTC et n° 11 " peinture, sols ", pour un montant de 115 751,86 euros, que ces avenants, s'ils ont été signés par les parties postérieurement à la résiliation des deux marchés en litige, ont pour objet le paiement aux entreprises de prestations supplémentaires réalisées antérieurement à cette résiliation, et étant imputables au refus d'exécution de ses propres prestations par la société TBI Sham au titre des lots n° 3 et n° 9 ; que l'Etat est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a refusé de faire droit à ses conclusions tendant à ce que le montant de ces avenants, soit la somme totale de 807 56593 euros TTC, soit mis à la charge de la société TBI Sham ;
7. Considérant, en revanche, que l'Etat n'est pas fondé à demander l'indemnisation des préjudices correspondant, d'une part, à l'avenant au marché du lot n° 12 faute de signature de cet avenant, d'autre part à l'augmentation des prestations intellectuelles et à la suspension des marchés relatifs aux lots n° 5, n° 6, n° 7 et n° 10, faute de tout avenant ou devis signé établissant la réalité et le quantum de ces préjudices ; qu'enfin, il n'est pas non plus fondé à demander l'indemnisation des préjudices résultant de l'augmentation des prestations de maîtrise d'oeuvre, dès lors qu'il résulte des termes de l'avenant au marché de maîtrise d'oeuvre sur lequel est fondée cette demande que la somme demandée à ce titre comporte, sans qu'elles puissent être isolées, le paiement de prestations relatives à la passation du marché de substitution, dont les conséquences onéreuses ne peuvent être mises à la charge de la société TBI Sham ; que le surplus de ces conclusions du ministre de la défense doit dès lors être rejeté ;
Sur l'appel incident :
En ce qui concerne les travaux supplémentaires :
8. Considérant que dans le cadre d'un marché à prix forfaitaire l'entrepreneur a droit à l'indemnisation des travaux supplémentaires qui n'ont pas été prévus par le forfait si de tels travaux ont été autorisés par le maître d'ouvrage ou par le maître d'oeuvre ;
9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1.1 du cahier des clauses techniques communes (CCTC) aux lots du marché en litige : " L'Entrepreneur doit exécuter, sans exception ni réserve, tous les travaux de sa profession et donc inclure dans son Marché forfaitaire, non seulement les travaux et fournitures décrits dans ces documents mais encore ceux qui auraient pu échapper aux détails de la description et qui sont indispensables pour le complet achèvement des ouvrages Tous Corps d'Etat, suivant les plans remis et les règles de l'art. / Chaque Entrepreneur suppléera par ses connaissances professionnelles aux détails qui pourraient être mal indiqués ou omis dans les Cahier des Clauses Techniques Particulières et les plans. / (...) En conséquence, l'Entrepreneur ne peut jamais arguer des erreurs ou omissions aux plans et pièces écrites pour se dispenser d'exécuter tous les travaux de son corps d'état ou pour demander une indemnité. / (...) l'Entrepreneur est supposé avoir pris connaissance (...) de toutes sujétions générales et propres aux travaux pour lesquels il soumissionne. Tous les frais de quelque nature et d'importance qu'ils soient sont à la charge de l'Entrepreneur. (...) " ;
10. Considérant que si la société TBI Sham soutient qu'elle a droit au paiement des travaux supplémentaires relatifs au lot n° 3 que représentent les percements de trémies qui lui ont été demandés par les ordres de service qu'elle a refusé d'exécuter, faute de la signature d'avenants, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 4, que ces percements étaient contractuellement à sa charge, seul leur nombre exact étant impossible à déterminer compte tenu de l'imprécision des documents graphiques annexés au dossier de consultation des entreprises ; que la société TBI Sham n'est dès lors pas fondée à soutenir que les travaux de percements de trémies dont elle demande le paiement, à hauteur d'une somme de 1 058 414,29 euros HT, au demeurant contestée par l'expert, constituaient des travaux supplémentaires devant donner lieu à indemnisation ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas plus fondée à invoquer les stipulations de l'article 15.3 du cahier des clauses administratives générales relatives à l'indemnisation de l'augmentation de la masse des travaux au-delà du vingtième de la masse initiale ; qu'en outre, il est constant qu'au titre de l'indemnisation de ces travaux, le ministre de la défense a inscrit dans le décompte général du marché, au profit de la société TBI Sham, une somme de 151 322,96 euros HT correspondant à l'évaluation de ces travaux par l'expert ;
11. Considérant, en second lieu, que si la société TBI Sham soutient qu'elle a droit au paiement des travaux supplémentaires relatifs au lot n° 9 que représente la réalisation de conduits coupe-feu, qui lui ont été demandés par les ordres de service qu'elle a refusé d'exécuter, faute de la signature d'avenants, il résulte également de l'instruction que ces travaux étaient contractuellement à sa charge ; que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10, elle n'est pas fondée à demander le paiement de ces travaux ; qu'au demeurant, il est constant qu'au titre de l'indemnisation de ces travaux, le ministre de la défense a inscrit dans le décompte général du marché, au profit de la société TBI Sham, une somme de 18 311 euros HT correspondant à l'évaluation de ces travaux par l'expert ;
En ce qui concerne les difficultés rencontrées en cours de chantier :
12. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ;
13. Considérant, d'une part, que si la société TBI Sham soutient qu'elle a droit à l'indemnisation des préjudices résultant pour elle des surcoûts engendrés par l'inversion de l'ordonnancement des travaux, elle n'établit pas plus en appel qu'en première instance la réalité et l'étendue de ces surcoûts en se bornant à faire référence aux termes de sa réclamation, sans produire aucune pièce justificative ;
14. Considérant, d'autre part, que s'il est constant que le démarrage des travaux relatifs aux lots n° 3 et n° 9 en litige a été ordonné, par ordres de service des 8 et 22 décembre 2010, avec un décalage de respectivement six mois et seize mois, la société TBI Sham se borne à invoquer la faute qu'aurait commise le maître d'ouvrage en refusant d'établir des avenants pour les travaux ayant fait l'objet des ordres de services contestés ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 10 et 11 que le refus de paiement de ces travaux, prévus aux marchés, ne présente aucun caractère fautif ; qu'en outre, la réalité et l'étendue des surcoûts d'encadrement dont la société TBI Sham se prévaut à ce titre, à hauteur de 363 754 euros, ne sont pas établis par la simple évaluation forfaitaire qu'elle en fait ;
En ce qui concerne l'indemnisation pour résiliation abusive :
15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la résiliation pour faute des marchés relatifs aux lots n° 3 et n° 9 était fondée ; que dès lors c'est à bon droit que les conclusions de la société TBI Sham tendant à l'indemnisation, à hauteur de la somme de 437 188 euros HT, des conséquences dommageables de la résiliation abusive de ces marchés ont été rejetées ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions incidentes de la société TBI Sham doivent être intégralement rejetées ;
Sur le solde du marché relatif au lot n° 3 :
17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour établir le décompte général du marché relatif au lot n° 3, faisant apparaître un solde débiteur pour l'entreprise TBI Sham de 1 698 412,65 euros TTC, le ministre de la défense, compte tenu des montants initiaux équivalents des deux marchés en litige, a imputé, au débit de l'entreprise, une somme de 1 797 133,63 euros TTC correspondant à la moitié des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait des avenants conclus sur les autres lots de l'opération, à laquelle s'ajoute l'intégralité des préjudices résultant selon lui de l'ajournement de certains lots et des prestations intellectuelles supplémentaires ;
18. Considérant que, compte tenu de ce qui a été jugé aux points 6 à 16, en l'absence de contestation sur les autres postes du décompte général et notamment sur les acomptes déjà payés ainsi que sur la répartition des préjudices entre les deux lots, le montant porté au débit de la société TBI Sham au titre des préjudices subis par l'Etat doit être fixé pour le lot n° 3 à la somme de
403 783 euros, correspondant à la moitié des préjudices subis par l'Etat du fait de l'interruption du chantier avant la résiliation ; que, par suite, le solde de ce marché doit être arrêté à la somme de
305 062,03 euros TTC au profit de l'Etat ;
Sur le solde du marché relatif au lot n° 9 :
19. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour établir le décompte général du marché relatif au lot n° 9, faisant apparaître un solde débiteur pour l'entreprise TBI Sham de 1 266 090,26 euros TTC, le ministre de la défense, appliquant la même répartition que pour le lot n°3, a imputé, au débit de l'entreprise, une somme de 1 375 067,58 euros TTC correspondant à la moitié des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait des avenants conclus sur les autres lots de l'opération ;
20. Considérant que, compte tenu de ce qui a été jugé aux points 6 à 16, en l'absence de contestation sur les autres postes du décompte général et notamment sur les acomptes déjà payés ainsi que sur la répartition des préjudices entre les deux lots, le montant porté au débit de la société TBI Sham au titre des préjudices subis par l'Etat doit être fixé, pour le lot n° 9, à la somme de
403 783 euros, correspondant à la moitié des préjudices subis par l'Etat du fait de l'interruption du chantier avant la résiliation ; que, par suite, le solde de ce marché doit être arrêté à la somme de
294 805,68 euros TTC au profit de l'Etat ;
21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la défense est seulement fondé à demander la réformation du jugement et la condamnation de la société TBI à lui verser, au titre du solde des deux marchés en litige, une somme totale de 599 867, 71 euros TTC ;
Sur les frais d'expertise :
22. Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 18 371,95 euros TTC, à la charge de la société TBI Sham ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société TBI Sham demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er: La société TBI Sham est condamnée à verser à l'Etat (ministre des armées) la somme de 599 867,71 euros TTC.
Article 2 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 18 371,95 euros TTC euros, sont mis à la charge de la société TBI Sham.
Article 3 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Paris du 2 mars 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions de la société TBI Sham présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à la société TBI Sham.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. Dellevedove, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 octobre 2017.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVEN
Le greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA01418