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29/09/2017 | FRANCE | N°16PA03438

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 29 septembre 2017, 16PA03438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Filao 2006 D a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 779 159 francs CFP au titre de l'année 2015 assorti des intérêts de retard à compter du 10 octobre 2011 ;

Par un jugement n° 1600123 du 27 septembre 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistr

ée le 27 novembre 2016, la SNC Filao 2006 D, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Filao 2006 D a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de lui accorder le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 779 159 francs CFP au titre de l'année 2015 assorti des intérêts de retard à compter du 10 octobre 2011 ;

Par un jugement n° 1600123 du 27 septembre 2016, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2016, la SNC Filao 2006 D, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accorder le remboursement de ce crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 230 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

- les factures en litige ne sont pas fictives et la réalité de l'opération commerciale n'est pas sérieusement contestée ni même contestable ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2017, la Polynésie française, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mis à la charge de la SNC Filao 2006 D le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La Polynésie française soutient que les moyens soulevés par la SNC Filao 2006 D ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, et la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

1. Considérant que dans le cadre d'une opération de défiscalisation des investissements outre-mer, la SNC Filao 2006 D a, d'une part, conclu une convention prévoyant l'acquisition, auprès de M.A..., d'un véhicule automobile kiamotors de type K2700 4x4 platea ; que M. A...avait lui-même acheté ce véhicule à la société Tahitienne d'Automobiles ; que, par un contrat de location non daté, la SNC Filao 2006 D a mis le matériel à la disposition de M. A...pour une durée de cinq ans ; que la société Tahitienne d'Automobiles a établi le 15 juin 2006 une facture mentionnant un montant hors taxes de 2 359 957 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 377 953 francs CFP ; que, d'autre part, la SNC Filao 2006 D a conclu une convention prévoyant l'acquisition, auprès de la société Tahitienne d'Automobiles, d'un véhicule automobile kiamotors de type K 2700 Benne AC ; que, par un contrat de location non daté, la SNC Filao 2006 D a mis le matériel à la disposition de la SARL Les Fare Pilot pour une durée de cinq ans ; que la société Tahitienne d'Automobiles a établi le 29 décembre 2012 une facture mentionnant un montant hors taxes de 2 479 957 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 396 793 francs CFP ; que les deux biens ont été achetés par un contrat dit de " crédit vendeur " où le locataire paye au vendeur la majorité du prix du bien ; que conformément à l'article

345-20-1 du code des impôts de Polynésie française, la société a exercé son droit à déduction par cinquième pendant les cinq années de location ; que l'administration fiscale, qui a estimé que les factures établies par la société Tahitienne d'Automobiles présentaient un caractère fictif à la suite des procédures de contrôle prévues aux articles 411-1 et 411-2 du code des impôts de Polynésie française, a refusé le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat des biens pour le 3ème trimestre 2015 par un courrier du 4 février 2016 ; que la SNC Filao 2006 D relève appel du jugement du 27 septembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du 3ème trimestre 2015 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 345-4 du code des impôts de la Polynésie française : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation. (...) " ; qu'aux termes de l'article 345-10 du même code : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est : / (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures. " ; qu'aux termes de l'article 345-22 de ce code : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut intervenir sur demande de l'assujetti ou de son représentant fiscal dûment accrédité. La demande peut porter sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de l'année civile précédente, sous réserve d'atteindre un montant minimal de 20 000 F CFP. Sous peine de forclusion, la demande doit être déposée au plus tard le 31 janvier pour les entreprises placées sous le régime réel d'imposition et au plus tard le 31 mars pour les entreprises placées sous le régime simplifié d'imposition " ; qu'aux termes de l'article 345-24 du même code : " Les demandes de remboursement sont formulées sur un imprimé dont le modèle est fixé par arrêté pris en conseil des ministres. / S'il s'agit de la première demande en restitution et en tout état de cause à toute réquisition de la direction des impôts et des contributions publiques, le demandeur est tenu de produire le relevé des documents d'importation et des factures d'achat justifiant de la taxe déductible " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

S'agissant du locataire M. B...A... :

4. Considérant que pour refuser à la SNC Filao 2006 D le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture établie par la société Tahitienne d'Automobiles, société régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fait valoir que la facture produite par la société tahitienne d'automobiles et la facture produite par le locataire à la suite de la vente du bien au requérant ne sont pas numérotées, que la facture de la société Tahitienne d'Automobiles procède à une désignation seulement sommaire du bien, qu'aucun document justifiant la réalité de leur livraison n'est produit, que le requérant ne produit aucun document pour prouver le financement du bien, que selon une attestation du 15 juin 2006 du locataire, la facture a été intégralement payée par ce dernier, que le locataire n'a pas pu justifier du financement des biens défiscalisés à la suite des procédures de contrôle prévues aux articles 411-1 et 411-2 du code des impôts de Polynésie française ; qu'ainsi, l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle ;

5. Considérant que la SNC Filao 2006 D n'apporte pas d'élément probant de nature à établir que la somme de 654 352 francs CFP, correspondant au montant qu'elle aurait dû régler à la société Tahitienne d'Automobiles en vertu de ce contrat de " crédit vendeur " soit 25 % du bien, a été effectivement versée à cette dernière ; qu'elle ne prouve pas davantage que le locataire ait payé les 75 % restants correspondant à ce que ce dernier devait payer à la société Tahitienne d'Automobiles ; qu'en effet, le contrat de location, le contrat de vente du bien à la requérante par le locataire, le certificat d'immatriculation et l'attestation d'engagement du locataire, ne permettent pas, à eux seuls, de démontrer le règlement de ces sommes ; que, dès lors, les documents produits ne permettent pas d'établir la réalité des paiements effectués par la SNC Filao 2006 D ou par le locataire pour l'acquisition du matériel figurant sur la facture en litige ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'administration doit être regardée comme établissant le caractère fictif, que la société ne pouvait ignorer compte tenu du dispositif contractuel évoqué ci-dessus, des opérations commerciales en cause ; que c'est par suite à juste titre que l'administration a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures s'y rapportant ;

S'agissant du locataire SARL Fare Pilot :

7. Considérant que pour refuser à la SNC Filao 2006 D le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture établie par la société Tahitienne d'Automobiles, société régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fait valoir que la facture produite par la société Tahitienne d'Automobiles et la facture produite par le locataire à la suite de la vente du bien au requérant ne sont pas numérotées, que la facture de la société Tahitienne d'Automobiles procède à une désignation seulement sommaire du bien, qu'aucun document justifiant la réalité de leur livraison n'est produit ; que par ailleurs, le virement date du 29 janvier 2007 alors que la facture est datée du 29 décembre 2006 ; que si, selon une attestation non datée du locataire, la facture a été intégralement payée par ce dernier, le locataire n'a pas pu justifier du financement du bien défiscalisé à la suite des procédures de contrôle prévues aux articles 411-1 et 411-2 du code des impôts de Polynésie française ; qu'ainsi, l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle ;

8. Considérant que la SNC Filao 2006 D, par la production d'une télécopie datée du 29 janvier 2007 ayant pour objet une demande de virement bancaire d'une somme de 5 507,24 euros du compte de " Domigestion compte centralisateur " vers le compte " société tahitienne automobiles " où les numéros de compte correspondent aux numéros de compte figurant sur les factures, et par la production d'un extrait du compte bancaire détenu par " Domigestion compte centralisateur " auprès de la banque Fortis mentionnant un même montant effectué le 28 janvier 2007, est réputée apporter la preuve que la somme de 5 507,24 euros, a été versée au vendeur ; que toutefois, le contrat de " crédit vendeur " rappelé dans les contrats de financement et de location produits faisait état d'un investissement à hauteur de 26,5 % du prix du bien, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que dès lors, la SNC FILAO 2006 D ne démontre pas avoir investi dans le bien à hauteur du montant auquel elle s'était engagée ;

9. Considérant, qu'en tout état de cause, si la somme payée par la SNC était censée correspondre au montant non couvert par le contrat de financement qui a été conclu entre la SNC Filao 2006 D et la SARL Fare Pilot, la société requérante n'apporte pas d'élément probant de nature à établir que le reste de la somme due, correspondant au montant qui aurait dû être directement réglé par le locataire à la société Tahitienne d'Automobiles en vertu de ce contrat de " crédit vendeur ", a été effectivement versée à cette dernière ; qu'en effet, une attestation du locataire déclarant sur l'honneur que ce dernier a payé cette somme ne permet pas à elle seule de démontrer le règlement de cette somme ; que, dès lors, le document produit ne permet pas d'établir la réalité des paiements effectués par la SNC Filao 2006 D pour l'acquisition du matériel figurant sur la facture en litige ; que les autres documents, établis par les parties elles-mêmes, n'apportent pas non plus de justifications suffisantes concernant la réalité de l'opération figurant sur la facture établie par la société Tahitienne d'Automobiles ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'administration doit être regardée comme établissant le caractère fictif, que la société ne pouvait ignorer compte tenu du dispositif contractuel évoqué ci-dessus, des opérations commerciales en cause ; que c'est par suite à juste titre que l'administration a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures s'y rapportant ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Filao 2006 D n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SNC Filao 2006 D demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Filao 2006 D le versement à la Polynésie française de la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SNC Filao 2006 D est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Filao 2006 D et à la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 septembre 2017.

Le président-rapporteur,

M. HEERSL'assesseur le plus ancien,

B. AUVRAYLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 16PA03438


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03438
Date de la décision : 29/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : CERES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-09-29;16pa03438 ?
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