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29/09/2017 | FRANCE | N°15PA04794

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 29 septembre 2017, 15PA04794


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Erbalunga 2006 a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2009, 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500106 du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2015

, la SNC Erbalunga 2006, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Erbalunga 2006 a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2009, 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500106 du 13 octobre 2015, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2015, la SNC Erbalunga 2006, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2009, 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 230 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SNC Erbalunga 2006 soutient que :

- la facture émise par la SARL LPTS n'est pas fictive ;

- le service, en procédant aux rappels de taxe litigieux au lieu d'opérer une régularisation de la taxe initialement déduite pour une opération fictive au titre de l'année au cours de laquelle le manquement a été constaté, a méconnu les dispositions combinées des articles 345-15 et 345-19 du code des impôts de la Polynésie française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2016, la Polynésie française, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SNC Erbalunga 2006 le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Polynésie française soutient que les moyens soulevés par la SNC Erbalunga 2006 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.

1. Considérant que, dans le cadre d'une opération de défiscalisation des investissements outre-mer, la société International Brokerage Services a établi, le 20 décembre 2006, une facture, libellée à l'attention de " LPTS ", mentionnant un montant hors taxes de 7 545 000 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 1 207 200 francs CFP pour la vente d'un " " tapis convoyeur " et d'un " groupe électrogène " ; que, le 22 décembre 2006, la SARL La Polynésienne des Travaux et Services (LPTS) a établi une facture d'un même montant et désignant le même matériel libellée à l'attention de la SNC Erbalunga 2006 ; que, par un contrat de location signé le 22 décembre 2006, la SNC Erbalunga 2006 a mis à la disposition de la SARL LPTS ce matériel pour une durée de cinq ans ;

2. Considérant que la SNC Erbalunga 2006, conformément à l'article 345-20-1 du code des impôts de la Polynésie française, a notamment déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ce matériel au titre des années 2009 à 2011 ; que l'administration fiscale, qui a estimé que la facture établie par la SARL LPTS présentait un caractère fictif, a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ce matériel et, le 10 octobre 2012 puis le 7 janvier 2013, a notifié au représentant fiscal de la SNC Erbalunga 2006 des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2009, 2010 et 2011, assortis des intérêts de retard, pour un montant total de 838 938 francs CFP, qui ont été mis en recouvrement le 11 mars 2013 ; que la réclamation présentée le 1er septembre 2014 sur ces rappels de taxe a été rejetée le 26 décembre 2014 ; que la SNC Erbalunga 2006 relève appel du jugement du 13 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 345-4 du code des impôts de la Polynésie française : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation (...) " ; qu'aux termes de l'article 345-10 du même code : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est : / (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures " ; qu'aux termes de l'article 345-15 de ce code : " La déduction initialement opérée fait l'objet d'une régularisation, par imputation ou remboursement, lorsque la déduction s'avère supérieure ou inférieure à celle que l'assujetti était en droit d'opérer ou lorsque des modifications des éléments ayant servi à déterminer le montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment : / (...) lorsqu'une facture ou le document en tenant lieu ne correspond pas effectivement à la livraison d'un bien ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur (...) " ; qu'aux termes de l'article 345-19 de ce code : " Pour les entreprises placées sous le régime réel d'imposition, l'obligation de régularisation prévue aux articles 345-15 à 345-18 doit être accomplie sur la déclaration déposée au titre de la période au cours de laquelle l'événement qui la motive est intervenu. Les régularisations de déduction auxquelles les assujettis procèdent sont mentionnées distinctement sur les déclarations de chiffres d'affaires ou de recettes. Pour les entreprises placées sous le régime simplifié d'imposition, l'obligation de régularisation doit être accomplie sur la déclaration récapitulative déposée au plus tard le 31 mars de l'année suivante " ; qu'aux termes de l'article 345-20-1 du même code : " Le droit à déduction de la taxe qui a grevé l'acquisition, la construction ou la création en Polynésie française de biens mobiliers ou immobiliers ouvrant droit à défiscalisation métropolitaine ne peut s'exercer que par cinquième au cours de la période de 60 mois durant laquelle les investisseurs métropolitains sont tenus de maintenir l'investissement correspondant dans le territoire. / Le montant de la déduction opérée annuellement est à ajuster au prorata temporis de la date de début d'exploitation " ; qu'aux termes de l'article 345-22 de ce code : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut intervenir sur demande de l'assujetti ou de son représentant fiscal dûment accrédité. La demande peut porter sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de l'année civile précédente, sous réserve d'atteindre un montant minimal de 20 000 F CFP. Sous peine de forclusion, la demande doit être déposée au plus tard le 31 janvier pour les entreprises placées sous le régime réel d'imposition et au plus tard le 31 mars pour les entreprises placées sous le régime simplifié d'imposition " ; qu'aux termes de l'article 345-24 du même code : " Les demandes de remboursement sont formulées sur un imprimé dont le modèle est fixé par arrêté pris en conseil des ministres. / S'il s'agit de la première demande en restitution et en tout état de cause à toute réquisition de la direction des impôts et des contributions publiques, le demandeur est tenu de produire le relevé des documents d'importation et des factures d'achat justifiant de la taxe déductible " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de service ; que, dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

5. Considérant que, pour refuser à la SNC Erbalunga 2006 le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture émise le 22 décembre 2012 par la SARL LPTS, dont il est constant qu'elle est régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fait valoir que cette facture comporte des anomalies dès lors que, notamment, elle n'est pas numérotée et ne procède qu'à une désignation sommaire du matériel vendu ; qu'elle justifie également avoir procédé, sur le fondement de l'article 411-1 du code des impôts de la Polynésie française, à une demande de renseignements auprès de la SARL LPTS, le 14 juin 2012, tendant à obtenir des justificatifs de l'achat, de la revente et de l'utilisation du bien figurant dans l'opération réalisée avec la SNC Erbalunga 2006 ainsi que des justificatifs du paiement effectif de ce bien ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la notification de redressements du 10 octobre 2012, de la réponse de la SNC Erbalunga 2006 du 17 décembre 2012 et de la réponse aux observations du contribuable du 7 janvier 2013, que la SARL LPTS n'a pas justifié de l'acquisition et du financement de ce bien ; que l'administration apporte ainsi des éléments suffisants permettant de penser que la facture litigieuse ne correspond pas à une opération réelle ;

6. Considérant, il est vrai, que la SNC Erbalunga 2006, par la production d'une télécopie datée du 26 décembre 2006 ayant pour objet une demande de virement bancaire d'une somme de 18 968,13 euros du compte de " Domigestion compte centralisateur " vers le compte de " SARL LPTS ", et sur lequel est mentionné le motif " apport Girardin-SNC Erbalunga 2006-LPTS " et d'un extrait du compte bancaire détenu par " Domigestion compte centralisateur " auprès de Fortis mentionnant un " virement émis SNC Erbalunga 2006-SARL LPTS " d'un même montant effectué le 27 décembre 2006, est réputée apporter la preuve que cette somme de 18 968,13 euros, soit 2 263 500 francs CFP, a été versée à la SARL LPTS conformément aux stipulations de l'article 3 du contrat de vente conclu entre la SNC Erbalunga 2006 et la SARL LPTS le 22 décembre 2006 ;

7. Considérant, toutefois, que la société requérante n'apporte pas d'élément probant de nature à établir que la SARL LPTS a réglé à la société International Brokerage Services tout ou partie de la somme de 8 752 200 francs CFP, qui est la somme dont elle aurait dû s'acquitter auprès de cette société les 20 et 22 décembre 2006, en se bornant à produire une " attestation de facture acquittée et attestation de prix net " de cette dernière société et une " attestation " de la SARL LPTS datée du même jour, sans apporter aucun autre élément financier attestant de la réalité de cette acquisition, alors que, conformément au contrat de vente du 22 décembre 2006, que l'intéressée a pourtant signé, le financement de ce bien, par la SARL LPTS, constitue un élément déterminant pour s'assurer de la réalité de l'opération dès lors que, compte tenu des clauses relatives à l'avance sur loyers payés par compensation et de " crédit vendeur " figurant dans le contrat de vente, aucun flux financier n'était contractuellement prévu entre la SNC Erbalunga 2006 et la SARL LPTS au cours de la période de location du matériel ; que, par ailleurs, le procès-verbal de livraison daté du 22 décembre 2006 ne comporte qu'une désignation sommaire du matériel livré ; que si la société requérante a versé au dossier différents documents signés par la SARL LPTS, et notamment un contrat de location du matériel, un contrat de vente et une promesse d'achat, tous datés du 22 décembre 2006, ces documents ne permettent pas, compte tenu de ce qui vient d'être dit et en l'absence de preuve du paiement, d'établir la réalité de l'opération ; que, dès lors, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère fictif, que la société ne pouvait ignorer compte tenu du dispositif contractuel évoqué ci-dessus, des opérations commerciales en cause ; que, par suite, l'administration était fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui est mentionnée sur cette facture ;

8. Considérant, en second lieu, que si, en application des dispositions des articles

345-15 à Lp. 345-21 du code des impôts de la Polynésie française, les contribuables assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ont l'obligation, dans certaines situations et dans un délai déterminé, de régulariser des déductions de taxe précédemment opérées lorsque les déclarations qu'ils ont antérieurement souscrites comportent une déduction de taxe erronée, ces dispositions ne font par elles-mêmes pas obstacle à ce que l'administration fiscale polynésienne exerce le pouvoir de contrôle défini au titre Ier de la deuxième partie du même code et procède, le cas échéant, à des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée procédant de taxe déduite à tort par des contribuables n'ayant pas, antérieurement à ce contrôle, spontanément régularisé leurs déclarations antérieures ; qu'il ne résulte pas davantage de ces dispositions que l'administration fiscale serait tenue de demander au contribuable de procéder à une régularisation avant de procéder à des rappels de taxe qui aurait été déduite à tort ;

9. Considérant, dès lors, que la société requérante ne peut pas utilement soutenir que l'administration, en procédant aux rappels de taxe litigieux au lieu d'opérer une régularisation de la taxe initialement déduite pour une opération fictive au titre de l'année au cours de laquelle le manquement a été constaté, aurait méconnu les dispositions combinées des articles 345-15 et 345-19 du code des impôts de la Polynésie française ;

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SNC Erbalunga 2006 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe en litige ; que ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge présentées à ce titre doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SNC Erbalunga 2006 au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Erbalunga 2006 le versement de la somme demandée par la Polynésie française au titre de ces mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SNC Erbalunga 2006 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Erbalunga 2006 et à la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 septembre 2017.

Le rapporteur,

L. BOISSY

Le président,

M. HEERSLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N 15PA04794 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04794
Date de la décision : 29/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : CERES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-09-29;15pa04794 ?
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