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28/09/2017 | FRANCE | N°16PA00450

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 28 septembre 2017, 16PA00450


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement l'administration et la direction de l'urbanisme de la ville de Paris et sa sous-direction du permis de construire et du paysage de la rue à réparer les préjudices subis par elle du fait de leurs agissements fautifs, soit les sommes de 10 000 euros au titre de son préjudice moral et 8 089,83 euros au titre de son préjudice matériel.

Par un jugement n° 1432018/7-3 du 30 novembre 2015, le tribunal administratif de Paris

a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner solidairement l'administration et la direction de l'urbanisme de la ville de Paris et sa sous-direction du permis de construire et du paysage de la rue à réparer les préjudices subis par elle du fait de leurs agissements fautifs, soit les sommes de 10 000 euros au titre de son préjudice moral et 8 089,83 euros au titre de son préjudice matériel.

Par un jugement n° 1432018/7-3 du 30 novembre 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 1er février 2016 et le 15 mars 2016, MmeA..., représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1432018/7-3 du 30 novembre 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner solidairement l'administration et la direction de l'urbanisme de la ville de Paris et sa sous-direction du permis de construire et du paysage de la rue à lui verser les sommes de 10 000 euros au titre de son préjudice moral et 8 089,83 euros au titre de son préjudice matériel ;

3°) de mettre à la charge solidairement de l'administration et de la direction de l'urbanisme de la ville de Paris et de sa sous-direction du permis de construire et du paysage de la rue une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car entaché de deux erreurs, l'une portant sur la date de l'audience, l'autre sur l'existence d'une note en délibéré présentée par la requérante et enregistrée le 27 novembre 2015 ;

- sa requête est recevable devant la juridiction administrative ;

- le tribunal a méconnu la réalité de sa demande en déclarant qu'elle ne relevait pas de la compétence de la juridiction administrative ;

- l'administration a commis des fautes administratives en instrumentalisant la procédure pénale, et notamment en édictant un procès-verbal afin de faire pression, et en entravant la bonne marche de la procédure de régularisation qu'elle avait initiée, ainsi qu'en s'obstinant à méconnaître la réalité des ouvertures qui existaient en façade de son immeuble avant qu'elle ne l'oblige à entamer une démarche de régularisation ;

- ces fautes ont porté atteinte à ses droits fondamentaux, tels que le droit de propriété et le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; elles sont constitutives d'un harcèlement moral ; il en résulte un préjudice moral et un préjudice financier résultant des sommes exposées pour des déplacements, des recherches documentaires, historiques et juridiques, de rédaction, de secrétariat et d'administration.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2017, la ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est régulier, les erreurs invoquées étant de simples erreurs de plume ;

- la juridiction administrative est bien incompétente pour connaitre d'une action en responsabilité fondée sur l'irrégularité d'une procédure pénale ;

- seul l'Etat peut être tenu pour responsable des actes de procédure pénale effectués par un maire ; l'action est mal dirigée ;

- l'administration n'a pas commis de faute pouvant donner lieu à indemnisation ;

- Mme A...n'est pas fondée à demander l'indemnisation de préjudices subis par la SCI Les Oliviers.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Falala, avocat de la ville de Paris.

1. Considérant que la société civile immobilière (SCI) Les Oliviers, dont Mme A... est cogérante, est propriétaire de trois immeubles sis 3-5 rue Saint-Bruno et 14 rue Affre à Paris (18ème arrondissement) ; que le 17 février 2014 le maire de Paris s'est opposé à la déclaration de travaux qu'elle avait déposée le 31 janvier 2014 pour régulariser les ouvertures du mur pignon s'élevant, au sud de cette parcelle, en limite du square Alain Bashung ; que le 21 février 2014 un procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme a été dressé par un agent assermenté de la ville de Paris, sur le fondement de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme et a été transmis au ministère public le 9 mai 2014 ; que MmeA..., qui estime la procédure suivie entachée d'illégalités et constitutive de harcèlement à son encontre, a adressé au maire de Paris, le

28 août 2014, une réclamation préalable en vue de la réparation des préjudices qu'elle dit avoir subis ; qu'elle relève régulièrement appel du jugement du 30 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de condamnation de la ville de Paris à réparer les préjudices allégués ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " (...) La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée (...) " ;

3. Considérant que si le jugement attaqué mentionne en page 2 la date du

29 octobre 2015 comme étant celle de l'audience, et non la date exacte, soit le

12 novembre 2015, qui figure en page 1 et en page 4 du même jugement, cette erreur purement matérielle est sans influence sur la régularité de ce jugement dès lors qu'au regard de la procédure de première instance aucune équivoque n'est possible sur la date d'audience ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...) " ;

5. Considérant que Mme A...soutient que c'est à tort que le jugement attaqué mentionne qu'elle a déposé une note en délibéré le 27 novembre 2015 ; qu'il résulte toutefois des pièces de la procédure de première instance que l'avocat de Mme A... a adressé le

27 novembre 2015 au tribunal un courrier lui demandant d'écarter de la procédure un mémoire adverse ; que ce courrier parvenu après l'audience et avant la lecture de la décision juridictionnelle a pu être régulièrement visé comme constituant une " note en délibéré " ;

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier , II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) / Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public. " ;

7. Considérant qu'un premier procès-verbal d'infraction a été dressé le

17 décembre 2010, alors que des travaux avaient été entrepris, sans dépôt d'une déclaration préalable par la SCI les Oliviers, sur le mur pignon sud de l'un des trois bâtiments dont elle est propriétaire, implanté au droit de la limite séparative avec la parcelle appartenant à la ville de Paris sur laquelle a été créé un jardin public et située 16 rue Jessaint à Paris

(18ème arrondissement) ; que la SCI a ensuite déposé à titre de régularisation une déclaration pour la pose de pavés de verre pour assurer la fermeture d'ouvertures créées sur cette façade ; que, toutefois, le 14 octobre 2013, il a été constaté que les pavés de verre avaient été déposés et que l'ensemble des baies étaient rouvertes sur le fonds de la ville de Paris ; que la déclaration de travaux déposée en régularisation le 31 janvier 2014 a fait l'objet d'une nouvelle opposition des services de la ville de Paris le 17 février 2014 ; que Mme A...recherche la responsabilité de la ville de Paris à raison de l'établissement à son encontre, dès le 21 février 2014, d'un nouveau procès-verbal d'infraction, et soutient que le maire de Paris instrumentalise la procédure pénale afin notamment de la décourager d'exercer les recours administratifs qui lui sont ouverts ;

8. Considérant, toutefois, qu'en dressant un procès-verbal d'infraction en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme et en le transmettant au parquet, le maire ne fait qu'exercer, au nom de l'Etat et sous le contrôle du seul juge judiciaire, les pouvoirs que lui confère le code de l'urbanisme ; que l'ensemble des actes liés à cette procédure judiciaire ne sont pas susceptibles d'être discutés devant le juge administratif et ne peuvent donner lieu à une action en responsabilité devant celui-ci, notamment à raison de leurs mentions, de la date ou des circonstances dans lesquelles ils interviennent ; que la demande de Mme A...ne peut donc qu'être rejetée en tant qu'elle invoque les circonstances selon elle fautives dans lesquelles les agents de la ville de Paris ont établi les procès-verbaux d'infraction des 17 décembre 2010 et

21 février 2014 ou les ont transmis au parquet ; qu'elle ne peut non plus faire utilement valoir que la mise en oeuvre de cette procédure pénale aurait méconnu le principe de confiance devant exister entre elle et l'administration, constitué une " entrave à la procédure administrative " ou fait obstacle à ses droits à exercer un recours contre la décision d'opposition à sa déclaration de travaux ; que la circonstance que les agents qui l'ont informée avoir transmis, les 14 janvier 2011 et 9 mai 2014, les procès-verbaux d'infraction au parquet l'ont invitée à procéder à la remise des lieux dans leur état d'origine dans le délai d'un mois ne peut être qualifiée de " harcèlement " ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...reproche à la ville de Paris d'avoir fait volte-face sur la question de la " restitution des ouvertures " de la façade sud de son immeuble, à laquelle elle ne s'était pas dans un premier temps opposée en 2009 lors du ravalement de cette façade, et d'avoir délibérément ignoré les éléments de preuve qu'elle avait apportés dès août 2010 de l'existence antérieure de fenêtres qui n'étaient pas de simples jours de souffrance ; qu'elle soutient notamment qu'après avoir reçu par courrier du 14 janvier 2011 l'injonction de déposer toutes les fenêtres, elle a été contrainte de solliciter le 15 février 2011, sous la dictée des agents de la ville, une déclaration de travaux pour pourvoir à leur remplacement par des pavés de verre, demande qui a été acceptée le 9 mai 2011 ; que cependant elle n'établit pas qu'en l'incitant à déposer cette demande, dont il n'est pas démontré qu'elle n'aurait pas été volontaire, les agents de la commune auraient sciemment méconnu la consistance des droits dont elle pouvait se prévaloir et ainsi commis une faute ; que la circonstance que l'administration a cherché par la suite à ce qu'elle exécute les travaux qui avaient été autorisés pour mettre fin à une situation irrégulière, notamment en lui envoyant un courrier en ce sens le 13 avril 2012 ou en lui laissant un message téléphonique le 6 août 2012, ne peut être considérée comme une attitude fautive, alors notamment que ce n'est pas au motif de l'absence d'infraction que la procédure initiée par le procès-verbal de décembre 2010 avait été classée sans suite par le procureur le

24 mai 2012 ;

10. Considérant, en dernier lieu, que Mme A...expose les circonstances dans lesquelles elle a étudié à compter d'août 2012, avec l'aide d'une association et la coopération des services de la ville, et déposé, le 31 janvier 2014, une nouvelle déclaration de travaux ; qu'elle n'invoque ce faisant aucune faute de la commune et de ses agents ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris les conclusions tendant à ce que la ville de Paris, qui n'est pas partie perdante, supporte les frais de procédure en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens, inexistants dans la présente instance ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... une somme à verser à la ville de Paris sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 septembre 2017.

Le rapporteur,

A. LEGEAILa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M.B... La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00450


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00450
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

17-03-01-02-01 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par des textes spéciaux. Attributions légales de compétence au profit des juridictions judiciaires. Compétence des juridictions judiciaires en matière de responsabilité des personnes publiques.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : FELDMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-09-28;16pa00450 ?
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