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18/07/2017 | FRANCE | N°16PA00717

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 juillet 2017, 16PA00717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 septembre 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a ordonné son changement d'affectation de la maison centrale d'Arles au quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Château-Thierry.

Par un jugement n° 1501033/6-1 du 18 décembre 2015, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 29 septembre 2014 et mis à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 500 eu

ros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 septembre 2014 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a ordonné son changement d'affectation de la maison centrale d'Arles au quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Château-Thierry.

Par un jugement n° 1501033/6-1 du 18 décembre 2015, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 29 septembre 2014 et mis à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 19 février 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501033/6-1 du 18 décembre 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges il était compétent, en vertu des dispositions des articles D. 360, D. 301 et D. 300 du code de procédure pénale ; que les premiers juges auraient dû faire droit à la substitution de base légale qu'il avait sollicitée devant eux ;

- aucun des moyens invoqués par M. C...en première instance n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 février 2017, M. B... C..., représenté par l'association d'avocats Aarpi Themis, demande à la cour :

1°) de rejeter le recours du garde des sceaux ;

2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder au mandatement de la somme de 1 500 euros due à Me A... en exécution du jugement n° 1501033 du 18 décembre 2015 dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice d'ordonner son transfert vers la maison centrale d'Arles dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de Me D..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- aucun des moyens invoqués par le garde des sceaux n'est fondé ;

- l'Etat n'a pas exécuté le jugement attaqué le condamnant à verser la somme de 1 500 euros à Me A... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 en dépit de la lettre adressée le 3 juin 2016 à cette fin.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant que, par décision du 29 septembre 2014, le garde des sceaux, ministre de la justice a décidé d'affecter M.C..., alors affecté à la maison centrale d'Arles, au quartier " maison centrale " du centre pénitentiaire de Château-Thierry afin qu'il puisse y bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée et nécessaire compte tenu de ses troubles de comportement ; que, le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du 18 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que pour annuler la décision du 29 septembre 2014 procédant au changement d'affectation de M.C..., le tribunal administratif de Paris a estimé qu'à la date de la première affectation de M. C...la durée totale des peines auxquelles il avait été condamné n'était pas encore égale ou supérieure à dix ans et que, dès lors, en application des dispositions combinées du 1° de l'article D. 82 et du deuxième alinéa de l'article D. 80 du code de procédure pénale, le garde des sceaux, ministre de la justice n'était pas compétent pour ordonner son transfert de la maison centrale d'Arles au quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Château Thierry ;

3. Considérant, toutefois, qu'aux termes du premier alinéa de l'article D. 80 du code de procédure pénale : " Le ministre de la justice dispose d'une compétence d'affectation des condamnés dans toutes les catégories d'établissement. Sa compétence est exclusive pour les affectations dans les maisons centrales et les quartiers maison centrale (...) " ;

4. Considérant qu'il est constant que M.C..., affecté à la maison centrale d'Arles, a fait l'objet d'un changement d'affectation vers le quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Château-Thierry ; qu'ainsi, en application des dispositions précitées, seul le garde des sceaux, ministre de la justice pouvait décider de ce changement d'affectation, dès lors qu'il dispose d'une compétence exclusive pour affecter un détenu en maison centrale ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a estimé qu'il était incompétent pour prendre la décision du 29 septembre 2014 et annulé, pour ce motif, sa décision ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur la légalité de la décision du 29 septembre 2014 :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article D.82 du code de procédure pénale : " L'affectation peut être modifiée soit à la demande du condamné soit à la demande du chef d'établissement dans lequel il exécute sa peine (...) " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment du " dossier d'orientation en vue d'une affectation à la maison centrale de Château-Thierry " que le transfert en vue d'une affectation à la maison centrale de Château-Thierry a été sollicité par le chef d'établissement de la maison centrale d'Arles ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article D. 82 du code de procédure pénale manque en fait ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article D. 82-1 du code de procédure pénale " La décision de changement d'affectation est prise, sauf urgence, après avis du juge de l'application des peines et du procureur de la République du lieu de détention " ;

10. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que le juge d'application des peines et le procureur de la République ont émis chacun un avis favorable au changement d'affectation respectivement les 16 septembre 2014 et 18 septembre 2014 ; que, par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure manque en fait ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article D. 82 du code de procédure pénale : " L'affectation ne peut être modifiée que s'il survient un fait ou un élément d'appréciation nouveau " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...était incarcéré à... ; et y a causé divers incidents par son comportement ; que son attitude s'est aggravée au cours du premier semestre 2014 ; qu'il a alors été admis temporairement au service médico-psychologique de Marseille ; que, toutefois, depuis son retour le 27 juin 2014 à la maison centrale d'Arles, aucune amélioration de son état de santé mentale n'a été constatée ; que, ces différentes circonstances, et notamment celle de l'échec de la tentative de prise en charge psychologique de l'intéressé dans une unité spécialisée extérieure à la maison centrale d'Arles, caractérisent un élément d'appréciation nouveau permettant de modifier son affectation ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article D. 82 du code de procédure pénale ne peut qu'être écarté ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article D. 360 du code de procédure pénale : " Le transfèrement dans un établissement pénitentiaire mieux approprié peut être sollicité dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article D. 382 pour les détenus qui ne bénéficient pas, dans l'établissement où ils sont écroués, de conditions matérielles adaptées à leur état de santé et pour ceux qui nécessitent une prise en charge particulière. Le directeur régional fait procéder, à l'intérieur de sa région, et dans les conditions prévues à l'article D. 301, à tout transfèrement ayant pour objet de permettre à un détenu malade d'être pris en charge dans de meilleurs conditions (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 301 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article D. 300 et sauf s'il s'agit de détenus ayant fait l'objet d'une décision d'affectation de la part du ministre de la justice autre qu'une mise à disposition du directeur régional, ce dernier peut ordonner, à l'intérieur de sa région les transfèrements individuels ou collectifs qu'il estime nécessaires (...) " ;

14. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.C..., il ne résulte pas de ces dispositions que les transferts pour un motif lié à la nécessité d'une prise en charge particulière ne puissent intervenir qu'à l'intérieur d'une même région pénitentiaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le ministre aurait entaché sa décision d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées de l'article D. 360 ne peut qu'être écarté ;

15. Considérant, en cinquième lieu, que M. C...fait valoir que le ministre de la justice a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation dès lors que son état psychiatrique ne nécessitait pas son transfert au quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Château-Thierry ;

16. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit notamment au point 12, que M. C...a un comportement rendant difficile la gestion de sa détention ; que le centre pénitentiaire de Château-Thierry a vocation à permettre à une personne détenue, après un séjour temporaire, de restaurer ses liens sociaux et de se réadapter à la détention ordinaire ; que cet établissement ne constitue pas une structure psychiatrique mais convient particulièrement à la population pénale condamnée présentant des troubles du comportement mais ne relevant pas d'une hospitalisation ; que le psychiatre de la maison centrale d'Arles a indiqué que l'intéressé ne relevait pas d'une hospitalisation d'office ; qu'il suit de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en décidant le transfert de M. C...au centre pénitentiaire de Château Thierry qui apparait adapté à son comportement ;

17. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

18. Considérant que M. C...soutient que la décision de changement d'affectation aura pour effet de l'éloigner de sa famille, notamment de ses parents et de sa soeur qui résident à Grenoble ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les visites de ses proches seraient rendues impossibles par le seul éloignement géographique ; que, par ailleurs, il n'est pas davantage établi ni même allégué que ces liens familiaux ne puissent être maintenus par l'échange de correspondances ; que, dès lors, et alors que le changement d'affectation est dû au comportement inadapté de M. C...en détention, la décision litigieuse n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 29 septembre 2014 par laquelle il a ordonné le transfert de M. C... au centre pénitentiaire de Château-Thierry et a mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, le versement à Me A... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction

20. Considérant, en premier lieu, que le présent arrêt, qui annule le jugement attaqué et rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision du garde des sceaux ministre de la justice, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. C...tendant à ce qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de le transférer à la maison centrale d'Arles ne peuvent qu'être rejetées ;

21. Considérant, en deuxième lieu, que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de verser la somme de 1 500 euros en exécution de l'article 2 du jugement attaqué ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées compte tenu de l'annulation de ce jugement par le présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

22. Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante en la présente instance les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme demandée au titre des frais de procédure que M. C...aurait exposés s'il n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle totale ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501033/6-1 du 18 décembre 2015 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juillet 2017.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00717
Date de la décision : 18/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-01-02-03 Procédure. Introduction de l'instance. Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours. Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours. Mesures d'ordre intérieur.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-18;16pa00717 ?
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