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07/07/2017 | FRANCE | N°16PA02762

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 07 juillet 2017, 16PA02762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 3 juin 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers la Russie ou tout pays où elle serait légalement admissible, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de mettre fin aux mesures de privation de sa liberté et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugemen

t n° 1608508/8 du 7 juin 2016, le magistrat désigné par la présidente du Tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 3 juin 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers la Russie ou tout pays où elle serait légalement admissible, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de mettre fin aux mesures de privation de sa liberté et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1608508/8 du 7 juin 2016, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 3 juin 2016 du ministre de l'intérieur et rejeté les conclusions à fin d'injonction.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 18 août 2016, le ministre de l'intérieur, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1608508/8 du 7 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le magistrat délégué a jugé à tort qu'il avait commis une erreur d'appréciation en considérant que la demande d'asile formulée par Mme B...était manifestement infondée ;

- s'agissant des autres moyens soulevés par Mme B...en première instance, il entend conserver l'entier bénéfice de ses écritures devant le Tribunal.

La requête a été communiquée à MmeB..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par ordonnance du 28 novembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Dalle été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., accompagnée de deux de ses deux filles mineures, est arrivée le 29 mai 2016 à l'aéroport Paris-Charles de Gaulle en provenance de Russie et a fait l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire au motif qu'elle était dépourvue de tout document de voyage valable ; qu'ayant refusé d'être rapatriée avant l'expiration du délai d'un jour franc, elle a été placée en zone d'attente et y a sollicité l'asile le 2 juin 2016 ; qu'après l'audition de l'intéressée par un représentant de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), le ministre de l'intérieur a, le 3 juin 2016, rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile et prescrit son réacheminement vers la Russie ou, le cas échéant, vers tout pays où elle serait légalement admissible ; que le ministre de l'intérieur relève régulièrement appel du jugement du 7 juin 2016 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3° ... la demande d'asile est manifestement infondée./ Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves (...) " ;

3. Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; que toutefois, le ministre chargé de l'immigration peut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter la demande d'asile d'un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque celle-ci présente un caractère manifestement infondé ;

4. Considérant que, pour annuler la décision contestée du ministre de l'intérieur refusant l'admission sur le territoire français de MmeB..., le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris s'est fondé notamment sur ses déclarations telles qu'elles avaient été consignées dans le compte-rendu d'entretien avec le représentant de l'OFPRA et explicitées à l'occasion de l'audience publique ; que Mme B...a déclaré qu'elle avait été excisée quand elle était jeune, que son mari l'avait quittée et que sa belle-mère l'avait menacée de faire exciser ses trois filles par la société secrète Bondo, qu'en raison de cette menace, sa fille aînée avait fui sans prévenir il y a trois mois, qu'informée par un tiers de l'imminence de l'excision de ses deux filles cadettes, elle les avait emmenées dans un village voisin où elle avait fait la rencontre d'un pasteur qui, sans contrepartie, l'avait aidée dans l'organisation et le financement de son départ ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, les déclarations de MmeB..., bien que sommaires, n'étaient pas entachées d'incohérences ou de contradictions majeures et étaient suffisamment personnalisées et circonstanciées, étant relevé que la pratique de l'excision est très répandue au Sierra Leone et notamment dans la province du Nord où résidait l'intéressée ; qu'en particulier, la circonstance qu'elle soit rentrée volontairement dans son village natal dans l'attente de son départ n'est pas de nature à jeter un doute sur la réalité des menaces alléguées dès lors qu'elle a sollicité en vain dès son retour la protection des autorités locales ; que la circonstance que les tentatives d'excision de la part de la belle-mère de Mme B...soient tardives n'est pas improbable dès lors qu'il n'est pas rare que des filles soient excisées après l'âge de dix ans en Sierra Leone ; qu'enfin, la circonstance que MmeB..., placée le 29 mai 2016 en zone d'attente de l'aéroport, n'ait formé sa demande d'asile que le 2 juin 2016, n'est pas de nature à démontrer le caractère manifestement infondé de cette demande ; qu'ainsi, le ministre de l'intérieur a commis une erreur d'appréciation en considérant que la demande d'asile formulée par Mme B...devait être rejetée comme manifestement infondée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme A...B....

Délibéré après l'audience du 28 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 juillet 2017.

Le rapporteur,

D. DALLELe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02762
Date de la décision : 07/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-01-01


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : SCP CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-07;16pa02762 ?
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