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07/07/2017 | FRANCE | N°16PA00418

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 07 juillet 2017, 16PA00418


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée Anges et Design a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer le remboursement d'un crédit d'impôt en faveur des métiers d'art d'un montant de 22 213 euros au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1428588/1-1 du 18 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 janvier 2016 et le 15 novembre 2016, la société Anges et

Design, représentée par Me Cloris, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1428588/1-1 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée Anges et Design a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer le remboursement d'un crédit d'impôt en faveur des métiers d'art d'un montant de 22 213 euros au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1428588/1-1 du 18 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 janvier 2016 et le 15 novembre 2016, la société Anges et Design, représentée par Me Cloris, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1428588/1-1 du 18 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer le remboursement de ce crédit ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle remplissait les conditions du I de l'article 244 quater O du code général des impôts dans sa rédaction applicable et de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au même code ; ces dispositions n'excluaient ni les prestations de services ni les activités conduisant à la production de meubles incorporels ; les produits réalisés étaient " nouveaux " au sens de ces dispositions ; l'administration et les premiers juges ont ajouté une condition non prévue par la loi en rejetant sa demande au motif que les produits ont été réalisés pour répondre aux commandes qu'elle reçoit ; en imposant à la société requérante de justifier d'un effort d'innovation particulier ou d'une évolution substantielle pour apprécier le caractère nouveau d'objets graphiques, les premiers juges ont encore ajouté des conditions non prévues par les textes ; pour l'application de ces dispositions, l'appréciation du caractère nouveau d'un objet graphique doit s'apprécier au regard de ses propres caractéristiques et en interprétant les dispositions précitées à la lumière de celles de l'article L. 511-1 du code de la propriété intellectuelle ; la loi n'exige pas que l'identité visuelle créée par un graphiste ait un lien direct avec l'activité du client ;

- elle justifie que quatre de ses cinq salariés participaient directement à la réalisation des produits nouveaux ouvrant droit au crédit d'impôt et exerçaient un métier d'art et que le seuil de 30 % au moins de la masse salariale était atteint.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que le gérant de la société requérante n'avait plus qualité pour engager une action en justice en son nom du fait qu'il avait été dessaisi au profit du liquidateur judiciaire par le jugement de liquidation judiciaire du 24 juin 2015 ;

- les conclusions à fin d'annulation du jugement sont irrecevables en l'absence de moyen contestant la régularité formelle du jugement ou la régularité de la procédure juridictionnelle de première instance ;

- en application de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, il oppose qu'une partie des charges de personnel prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt n'étaient pas éligibles pour l'application des dispositions du III de l'article 244 quater O du code général des impôts faute pour les salariés en cause de remplir la condition d'exercice exclusif d'un métier d'art et que la part des charges de personnel éligibles ne s'élevait qu'à 17 % du montant total des charge de personnel ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 novembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2016, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté par le ministre de l'action et des comptes publics a été enregistré le 23 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la propriété intellectuelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- et les observations de Me Cloris, avocat de la société Anges et Design.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée Anges et Design, qui exerce une activité d'infographie, relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de restitution d'une somme de 22 213 euros au titre du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art dont elle estimait bénéficier au titre de l'année 2012 sur le fondement des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre :

En ce qui concerne la représentation de la société requérante :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce : " Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (...) " ;

3. Considérant que la société requérante ne conteste pas qu'elle a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du 24 juin 2015 désignant Me A...C..., mandataire judiciaire, comme liquidateur ; que, toutefois, les règles prévoyant que le jugement ouvrant ou prononçant la liquidation judiciaire d'une entreprise emporte de plein droit, pour le débiteur, le dessaisissement de l'administration et de la disposition de ses biens et que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ne sont édictées que dans l'intérêt des créanciers ; que, dès lors, seul le liquidateur peut s'en prévaloir pour exciper de l'irrecevabilité du dirigeant de la société dont la liquidation judiciaire a été prononcée à se pourvoir en justice ou à poursuivre une instance en cours ; que, faute pour le liquidateur d'avoir contesté la recevabilité de la requête formée par le gérant de la société Anges et Design, cette requête doit être regardée comme régulièrement formée ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre, prise de ce que seul le liquidateur pouvait représenter la société postérieurement à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire prononcée par jugement du 24 juin 2015, ne peut en tout état de cause qu'être écartée ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation du jugement :

4. Considérant que le ministre ne conteste pas utilement la recevabilité des conclusions à fin d'annulation du jugement en se bornant à faire valoir que la société requérante ne critique pas la régularité formelle ou procédurale du jugement attaqué dès lors qu'il entre dans l'office du juge d'appel d'annuler le cas échéant un jugement, que sa régularité soit ou non contestée ;

Sur les conclusions à fin de remboursement du crédit d'impôt métiers d'art :

5. Aux termes de l'article 244 quater O du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année 2012 : " I. - Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : / 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; (...) / III. - Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt mentionné au I sont : / 1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale (...) " et qu'aux termes de l'article 49 septies ZL, alors en vigueur, de l'annexe III à ce code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes" ; qu'il résulte de ces dispositions que pour bénéficier du crédit d'impôt en faveur des métiers d'arts, l'entreprise doit, notamment, remplir trois conditions cumulatives à savoir comporter des salariés exerçant l'un des métiers d'art figurant sur la liste fixée par un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises du 12 décembre 2003, concevoir des " nouveaux produits ", au sens de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au code général des impôts, c'est-à-dire réaliser des " travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes " et avoir des charges de personnel afférentes aux salariés exerçant l'un de ces métiers d'art représentant au moins 30 % de la masse salariale totale ;

En ce qui concerne la condition tenant à l'activité de la société Anges et Design :

6. Considérant, d'une part, que les métiers de graphistes et d'infographistes constituent des métiers d'art qui figurent, en tant que métiers liés aux arts graphiques, sur la liste des métiers de l'artisanat d'art fixée par l'arrêté du 12 décembre 2003 auquel renvoient les dispositions du III de l'article 244 quater O du code général des impôts ;

7. Considérant, d'autre part, que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ du bénéfice d'un crédit d'impôt ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Anges et Design concevait différents produits, notamment des images, logos, présentations graphiques, destinés à servir de vecteur de communication ou de publicité ; que de tels produits graphiques revêtent bien la nature de produits, au sens du 1° du I de l'article 244 quater O du code général des impôts et de l'article 49 septies ZL de l'annexe III à ce code, interprétés à la lumière des dispositions de l'article L. 511-1 du code de la propriété intellectuelle et résultent d'un travail de création original effectué par cette société pour chacun de ses clients, pour qui ils ont vocation à servir d'identité visuelle graphique, et non de la seule adaptation personnalisée d'un produit existant ; que les produits immatériels originaux créés par cette société revêtent ainsi le caractère de produits nouveaux au sens des mêmes dispositions du code général des impôts et de l'annexe III à ce code dans leur rédaction applicable ; qu'il est à cet égard sans incidence qu'en développant lesdits produits cette société ne faisait que répondre aux commandes qu'elle recevait de ses clients ou que certaines des illustrations graphiques développées pour cette société pour servir d'identités visuelles à ses clients ne présentaient pas de lien direct avec l'activité de ces clients ;

En ce qui concerne la condition tenant au franchissement du seuil de 30 % de charges de personnel afférentes aux salariés exerçant un métier d'art éligible ;

9. Considérant que la société Anges et Design fait valoir que quatre de ses cinq salariés participaient directement à la réalisation des produits ouvrant droit au crédit d'impôt, dont trois à 100 % et la directrice générale à 40 % ; que le ministre conteste, pour la première fois en appel, comme l'y autorisent les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, le respect de la condition tenant à ce que les charges de personnel afférentes aux salariés exerçant l'un des métiers d'art mentionnés au point 6 du présent arrêt représentent au moins 30 % de la masse salariale totale ; que, toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction et des allégations de la société requérante non sérieusement contestées avant la clôture de l'instruction, que M. D... et MmeB..., diplômés d'écoles d'art, exerçaient le métier d'art mentionné au point 6 du présent arrêt en tant que graphistes et infographistes ; qu'il en résulte également que M. F..., si le poste qu'il occupait avait pour intitulé " directeur artistique senior ", possédait les qualifications requises, étant diplômé de l'Ecole supérieure des arts appliqués, et participait directement avec les deux salariés susmentionnés à la création des produits graphiques nouveaux mentionnés au point 8 du présent arrêt en exerçant en fait le métier de graphiste, lequel relève des métiers énumérés par l'arrêté du 12 décembre 2003 du ministre chargé des petites et moyennes entreprises auquel renvoient les dispositions du III de l'article 244 quater O du code général des impôts ; que les charges de personnel afférentes à ces trois salariés représentaient à elles seules plus de 30 % de la masse salariale totale de la société Anges et Design, laquelle n'employait que cinq salariés ; qu'au surplus, il résulte également de l'instruction que MmeE..., qui occupait le poste de " directrice générale " et dont la rémunération n'a été retenue par la société requérante qu'à hauteur de 40 % pour tenir compte de ses autres fonctions, exerçait elle-même en fait pour partie le métier de graphiste au sein de la société requérante ;

10. Considérant qu'il résulte ainsi de tout ce qui précède que la société Anges et Design, qui relevait, au titre de l'année 2012 en litige, des entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt visées par le 1° du III de l'article 244 quater O du code général, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Anges et Design ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1428588/1-1 du 18 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'Etat restituera la somme de 22 213 euros à la société Anges et Design au titre du crédit d'impôt métier d'art de l'année 2012.

Article 3 : L'Etat versera à la société Anges et Design une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Anges et Design, à la SELARL EMJ, mandataire liquidateur de la société Anges et Design, et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 28 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 juillet 2017.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00418


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00418
Date de la décision : 07/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : CESAM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-07;16pa00418 ?
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