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03/07/2017 | FRANCE | N°16PA03870

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 03 juillet 2017, 16PA03870


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 12 août 2016 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a ordonné sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1609057 du 17 novembre 2016, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2016, MmeA..., représentée par Me Garavel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 160905

7 du 17 novembre 2016 du magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 12 août 2016 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a ordonné sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1609057 du 17 novembre 2016, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2016, MmeA..., représentée par Me Garavel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1609057 du 17 novembre 2016 du magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 12 août 2016 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, dans le délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, d'examiner sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- sa requête devant le tribunal administratif n'est pas tardive ;

S'agissant de la décision attaquée :

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pu bénéficier des informations relatives à la procédure de remise dans une langue qu'elle comprend ni formuler des observations en méconnaissance de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'a pas été informée de la mise en oeuvre à son encontre de la procédure d'éloignement par la remise de la brochure commune mentionnée à l'article 4 du Règlement (UE) 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 ;

- elle n'a pas été informée par l'administration dans une langue qu'elle comprend lors de la prise d'empreinte des éléments visés à l'article 29 du Règlement (UE) 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la décision attaquée ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'elle comprend en méconnaissance de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée le 30 janvier 2017 au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013,

- le règlement d'exécution (UE) 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lapouzade,

- et les observations de Me Garavel, avocat de MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., ressortissante éthiopienne, relève appel du jugement du 17 novembre 2016 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Val-de-Marne du 12 août 2016 ordonnant sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. (....) ". D'autre part, aux termes de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré (...), l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / (...) c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; (...) ". Aux termes de l'article 56 du même décret, la décision de rejet d'une demande d'aide juridictionnelle devient définitive à l'expiration du délai de quinze jours à compter du jour de la notification de cette décision.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'en tout état de cause le délai de recours à l'encontre de la décision attaquée du 12 août 2016 notifiée le 1er septembre suivant a été interrompu par la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A...le 7 septembre. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui a été refusé par une décision du 28 septembre. Le délai de recours contentieux avait vocation à recommencer à courir le jour où cette décision est devenue définitive. Or, l'autocollant sur l'enveloppe du pli recommandé indique que si elle a été avisée le 1er octobre 2016, le destinataire était " absent ". L'accusé de réception signé produit par la requérante mentionne également que la décision a été avisée le 1er octobre 2016 sans mentionner de date de distribution. En revanche, il comporte un tampon de la poste en date du 3 octobre suivant. Ainsi, le pli a été remis à Mme A...le 3 octobre 2016 et c'est à cette date que la décision de rejet de la demande d'aide juridictionnelle doit être regardée comme lui ayant été notifiée. Par suite, la requête enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Melun le 3 novembre 2016 a été introduite dans le délai de recours contentieux de quinze jours qui a repris lorsque la décision d'aide juridictionnelle est devenue définitive. Ainsi, le jugement attaqué est donc entaché d'une irrégularité de nature à entraîner son annulation. En conséquence, il y a lieu, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur la demande présentée en première instance par Mme A...devant le Tribunal administratif de Melun ainsi que sur les conclusions présentées devant la Cour administrative d'appel de Paris.

Sur les conclusions d'annulation de la décision du 12 août 2016 et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

4. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ;/e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. /Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5.FR 29.6.2013 Journal officiel de l'Union européenne L 180/37/3. La commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous les cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

6. Mme A...soutient qu'elle n'a pas bénéficié des garanties procédurales de l'article 4 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013. Elle fait également valoir sans être contredite sur ce point ne pas parler ni comprendre le français. Il ressort des pièces du dossier qu'elle a déposé sa demande d'asile le 6 juin 2016. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des pièces produites par le préfet du Val-de-Marne devant le Tribunal administratif de Melun le 16 novembre 2016, que l'intéressée a effectivement eu communication d'une brochure conforme à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014. Par suite, alors que l'intéressée n'avait pas bénéficié d'une information complète sur les modalités de recueil des données relatives à sa situation personnelle et la formulation de sa demande d'asile avant que soit déterminé le pays responsable de l'examen de celle-ci, le préfet du Val-de-Marne ne pouvait, sans méconnaitre les dispositions de l'article 4 du règlement précité et la priver d'une garantie, décider de la remettre aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que la décision du 12 août 2016 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a décidé sa remise aux autorités italiennes doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par MmeA..., implique nécessairement que le préfet réexamine sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et lui remette, durant la durée de cet examen, une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressée dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1609057 du 17 novembre 2016 du magistrat désigné du Tribunal administratif de Melun et la décision du 12 août 2016 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la demande d'admission au séjour de Mme A...au titre de l'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au préfet du Val-de-Marne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président-assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2017.

Le président-rapporteur,

J. LAPOUZADELe président-assesseur,

I. LUBEN

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03870
Date de la décision : 03/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : GARAVEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-03;16pa03870 ?
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