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03/07/2017 | FRANCE | N°16PA01422

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 03 juillet 2017, 16PA01422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, l'arrêté en date du 14 mars 2016 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé qu'il serait reconduit à la frontière sur le fondement du 2° de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé son pays de destination et, d'autre part, la décision en date du 12 avril 2016 par laquelle le même préfet a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugemen

t n° 1602371 du 14 avril 2016, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, l'arrêté en date du 14 mars 2016 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé qu'il serait reconduit à la frontière sur le fondement du 2° de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé son pays de destination et, d'autre part, la décision en date du 12 avril 2016 par laquelle le même préfet a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1602371 du 14 avril 2016, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 avril 2016 et 15 juillet 2016, M. A..., représenté par Me Sultan, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1602371 du 14 avril 2016 du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 14 mars 2016 et la décision du même préfet du 12 avril 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et une carte de séjour temporaire avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions contenues dans l'arrêté du 14 mars 2016 sont insuffisamment motivées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la loi du 11 juillet 1979 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la décision mentionne, à tort, qu'il est entré en France le 15 février 2016 sous couvert d'un titre de séjour grec alors qu'il est entré en France muni d'un visa Schengen valable du 1er février au 1er mars 2000 et qu'il justifie d'une présence ininterrompue en France depuis novembre 2000, qu'il est très attaché à la France et y a développé des attaches personnelles, des centres d'intérêts et un réseau amical.

- il satisfait aux conditions posées, d'une part, par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, par l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à la délivrance des certificats de résidence d'un an aux Algériens justifiant résider en France depuis plus de dix ans ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire a été prise par une personne ne justifiant pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires aux objectifs de la directive " retour " en ce qu'elles créent une présomption de risque de fuite très large alors que, selon la directive, le risque de fuite doit s'apprécier au cas par cas ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait, dès lors que le motif allégué par le préfet n'est pas établi ;

- il ne ressort pas de la décision de refus de délai de départ volontaire que le préfet aurait exercé son pouvoir d'appréciation, alors que, justifiant d'un domicile et d'un emploi, il bénéficiait de garanties de représentation ;

- la décision fixant le pays de renvoi viole les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il justifie d'une présence ininterrompue en France depuis novembre 2000, qu'il est très attaché à la France et y a développé des attaches personnelles, des centres d'intérêts et un réseau amical et qu'il y travaille.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernard,

- et les observations de Me Sultan, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité égyptienne, relève appel du jugement du 14 avril 2016 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 14 mars 2016 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé qu'il serait reconduit à la frontière sur le fondement du 2° de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé son pays de destination et, d'autre part, de la décision du 12 avril 2016 par laquelle le même préfet a ordonné son placement en rétention administrative.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant reconduite à la frontière :

2. Aux termes de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger, sauf s'il est au nombre de ceux visés à l'article L. 121-4, doit être reconduit à la frontière : / (...) / 2° Si l'étranger a méconnu l'article L. 5221-5 du code du travail. / Le présent article ne s'applique pas à l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de trois mois. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 ".

3. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative n'est tenue de saisir la commission du titre de séjour que lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire ou une carte de résident ou encore lorsqu'elle envisage de retirer un titre de séjour à un étranger remplissant certaines conditions. Ces dispositions ne sont donc pas applicables lorsque l'autorité administrative envisage de prendre une mesure de reconduite à la frontière. Par suite, le moyen tiré de ce que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie préalablement à l'adoption de la décision contestée portant reconduite à la frontière doit être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le Tribunal administratif au point 2 du jugement attaqué, d'écarter le moyen soulevé par M. A... tiré de ce que la décision portant reconduite à la frontière ne serait pas suffisamment motivée.

5. En troisième lieu, M. A... fait valoir que la décision portant reconduite à la frontière serait entachée d'une erreur de fait, dès lors que ce serait à tort qu'elle mentionne, d'une part, qu'il est entré en France le 15 février 2016 sous couvert d'un titre de séjour en cours de validité délivré par les autorités grecques et, d'autre part, qu'il a déclaré être marié avec une ressortissante grecque et avoir un enfant de nationalité grecque. M. A... fait valoir qu'il aurait présenté un faux titre de séjour grec aux services de police et qu'il résiderait en réalité en France depuis novembre 2000 et serait célibataire et sans enfant. Il verse à cet égard des pièces permettant d'établir sa présence sur le territoire français au titre des années 2004 à 2007 et 2009 à 2015. Toutefois, ces seules circonstances ne permettent pas d'établir que le titre de séjour grec présenté aux services de police serait un faux. Par ailleurs, M. A..., qui ne produit aucun élément relatif à son état civil, ne conteste pas avoir déclaré aux services de police être marié avec une ressortissante grecque et avoir un enfant de nationalité grecque. Enfin, M. A... ne conteste pas qu'il occupait un emploi en France sans autorisation de travail. Or, ce sont ces derniers faits qui constituent le motif déterminant de la décision contestée. Le moyen doit donc être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis novembre 2000, qu'il y a développé des attaches personnelles, des centres d'intérêts et un réseau amical. Il ne fait toutefois état d'aucune précision ni n'apporte aucun élément sur les liens personnels qu'il a pu nouer en France. Par ailleurs, M. A... ne soutient pas ne plus avoir d'attaches familiales en Egypte, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 27 ans. Si M. A... établit avoir résidé en France de 2004 à 2007 et de 2009 à 2015, il ne se prévaut toutefois d'aucune circonstance qui, à la date d'intervention de l'arrêté contesté, serait de nature à faire obstacle à son départ de France. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant reconduite à la frontière a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

8. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant reconduite à la frontière serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. En sixième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision contestée portant reconduite à la frontière des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour et, par conséquent, ne sont pas susceptibles de faire obstacle au prononcé d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il remplirait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

10. En dernier lieu, si le requérant invoque les dispositions d'un article non précisé de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui seraient relatives à la délivrance de certificats de résidence d'un an aux ressortissants algériens justifiant résider en France depuis plus de dix ans, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée.

Sur les conclusions dirigées contre une décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

11. Il résulte des dispositions de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée, dite directive " retour ", qu'elle n'est applicable qu'aux décisions de retour qui sont prises par les Etats membres au motif que les étrangers sont en situation de séjour irrégulier. En revanche, la directive n'a pas vocation à régir les procédures d'éloignement qui reposent sur des motifs distincts, notamment la menace à l'ordre public ou la méconnaissance d'autres normes de portée générale, telle que l'obligation de détenir une autorisation de travail pour exercer une activité professionnelle. Il en résulte que les décisions de reconduite à la frontière prises sur le fondement de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne relèvent pas de ladite directive, alors même qu'elles peuvent légalement intervenir à l'encontre d'étrangers en situation irrégulière, dès lors que le motif qui fonde ces décisions n'est pas l'irrégularité du séjour des intéressés. Par suite, ces décisions ne sont pas au nombre des décisions d'éloignement pouvant être assorties d'un délai de départ volontaire.

12. Conformément aux principes rappelés au point précédent, la décision de reconduite à la frontière contestée, qui a été prise en application des dispositions citées au point 2 ci-dessus de l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas été assortie d'une décision de refus de départ volontaire. Les conclusions de M. A... tendant à l'annulation d'une telle décision sont donc dirigées contre une décision inexistante et sont par suite dépourvues d'objet.

Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :

13. D'une part, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le Tribunal administratif aux points 13 et 14 du jugement attaqué, d'écarter les moyens soulevés par M. A... tirés de ce que la décision fixant son pays de destination, d'une part, serait insuffisamment motivée et, d'autre part, méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. D'autre part, les moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision fixant le pays de destination de M. A... sur sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés, respectivement, aux points 7 et 8 ci-dessus.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2017.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01422
Date de la décision : 03/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : D. SULTAN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-03;16pa01422 ?
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