Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 mai 2016 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné ainsi que l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative.
Par un jugement n° 1607697/8 du 23 mai 2016, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 19 mai 2016 en tant qu'il a placé M. B... en rétention administrative, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2016, M. B..., représenté par Me Stambouli, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1607697/8 du 23 mai 2016 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et de la décision lui refusant un délai de départ volontaire ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 mai 2016 du préfet de police ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Stambouli, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnait les dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115 (CE) du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ainsi que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 23 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Amat ;
- les observations de Me Stambouli, avocat de M.B....
1. Considérant que M. B..., ressortissant tunisien né en novembre 1981, est entré en France en août 2015, selon ses déclarations, accompagné de son épouse et de leur fille née en août 2012 ; qu'à la suite d'un contrôle d'identité, le préfet de police a, par un arrêté du 19 mai 2016, obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai et fixé le pays de destination et a, par un arrêté du même jour, ordonné son placement en rétention administrative ; que M. B... relève appel du jugement du 23 mai 2016 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français et de la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté mentionne qu'il est fondé sur l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que M. B... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français en respectant l'article L. 211-1 du même code ; qu'il indique par ailleurs qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale et qu'il n'est pas établi qu'il est exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans son pays d'origine ; que l'arrêté mentionne ainsi les motifs de droit et de fait pour lesquels a été prise la décision d'obliger M. B... à quitter le territoire français ; que le moyen tiré de son insuffisante motivation ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation de M. B... avant de l'obliger à quitter le territoire français ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ;
5. Considérant qu'à la date de la décision contestée, M. B... séjournait irrégulièrement en France depuis neuf mois, sans exercer d'activité professionnelle ni disposer d'un logement ; que son épouse, présente sur le territoire français sans qu'il soit établi qu'elle dispose d'un titre de séjour, et sa fille mineure, scolarisée, sont toutes deux de nationalité tunisienne ; que rien ne s'oppose à la reconstitution de leur cellule familiale dans leur pays d'origine ; que, dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
7. Considérant qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions qui les concernent ; qu'il ressort des pièces du dossier que rien ne s'oppose à ce que la fille de M. B..., âgée de trois ans à la date de la décision litigieuse, reparte avec lui et sa mère dans leur pays d'origine et à ce qu'elle puisse poursuivre une scolarité en Tunisie ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision refusant un délai de départ volontaire :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) / 7) " risque de fuite " : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;(...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) " ;
9. Considérant, d'une part, que le requérant soutient que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au refus de délai de départ volontaire et définissant la notion de " risque de fuite " méconnaissent la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, dans la mesure où le simple fait de se trouver en situation irrégulière ou de ne pas disposer de documents de voyage ne suffit pas à justifier un risque de fuite au sens de la directive ; que toutefois, les dispositions précitées de la directive, que la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 dont sont issues les dispositions critiquées du II de l'article L. 511-1 a eu pour objet de transposer, ne s'opposent pas à ce que les Etats membres prévoient que le risque de fuite soit regardé comme établi, sauf circonstances particulières, dans le cas où l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'en prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans un des cas définis par le 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque étranger de nature à assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives ; que M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec celles de la directive du 16 décembre 2008 ;
10. Considérant, d'autre part, qu'il ressort de la décision contestée que pour refuser à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que le requérant, qui ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, qu'il ne peut justifier être en possession d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente ; que M. B... se borne à produire une attestation d'hébergement postérieure à la décision attaquée ; que, par suite, la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire ne méconnait pas les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. B... ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, sa requête d'appel, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peut qu'être rejetée ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 juin 2017.
Le rapporteur,
N. AMATLa présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
A. LOUNIS La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03131