La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2017 | FRANCE | N°15PA03542

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 30 juin 2017, 15PA03542


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Azara 804 a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, de lui restituer une somme de 474 761 francs CFP au titre du crédit de taxe dont elle disposait à l'expiration du 1er trimestre 2011.

Par un jugement n° 1400608 du 9 juin 2015, le tribunal administrati

f de la

Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Azara 804 a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, de lui restituer une somme de 474 761 francs CFP au titre du crédit de taxe dont elle disposait à l'expiration du 1er trimestre 2011.

Par un jugement n° 1400608 du 9 juin 2015, le tribunal administratif de la

Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 septembre 2015 et

5 mai 2017, la SNC Azara 804, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de l'année 2010 ainsi que des pénalités correspondantes et de lui restituer une somme de 474 761 francs CFP au titre du crédit de taxe dont elle disposait à l'expiration du

1er trimestre 2011 ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de

230 000 francs CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SNC Azara 804 soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la demande tendant à la restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 474 761 francs CFP était recevable ;

- les factures émises par la société Sodiva ne sont pas fictives ;

- le service, en procédant aux rappels de taxe litigieux au lieu d'opérer une régularisation de la taxe initialement déduite pour une opération fictive au titre de l'année au cours de laquelle le manquement a été constaté, a méconnu les dispositions combinées des articles 345-15 et

345-19 du code des impôts de la Polynésie française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2016, la Polynésie française, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la

SNC Azara 804 le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Polynésie française soutient que les moyens soulevés par la SNC Azara 804 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.

1. Considérant que, dans le cadre d'une opération de défiscalisation des investissements outre-mer, la société Sodiva a établi, le 27 novembre 2008, pour la vente d'un véhicule de marque Mahindra de modèle " Scorpio SUV 4X2 ", une facture libellée à l'attention de la

" SNC Azaria 804 " mentionnant un montant hors taxes de 2 615 741 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 418 519 francs CFP ; que, par un contrat de location signé le

27 novembre 2008, la SNC Azara 804 a mis à la disposition de M. B..., pour une durée de cinq ans, un véhicule désigné comme étant un " Mahindra SUV " et comportant le même numéro de série que celui figurant sur la facture ;

2. Considérant que, le 28 novembre 2008, la société Sodiva a établi, pour la vente d'un véhicule de marque Nissan de modèle " Patrol Pick Up 4,2D ", une facture libellée à l'attention de Mme A...et de la SNC Azara 804 mentionnant un montant hors taxes de

3 945 569 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 631 291 francs CFP ; que, par un contrat de location signé le 28 novembre 2008, la SNC Azara 804 a mis à la disposition de

MmeA..., pour une durée de cinq ans, un véhicule désigné comme étant un " Nissan Patrol simple cabine " et comportant le même numéro de série que celui figurant sur la facture ;

3. Considérant que, le 5 décembre 2008, la société Sodiva a établi, pour la vente d'un véhicule de marque Nissan de modèle " double Cab Navara SE 2,5TD ", une facture libellée à l'attention de Mme A...mentionnant un montant hors taxes de 4 367 061 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 632 919 francs CFP ; que, par un contrat de location signé le 20 novembre 2008, la SNC Azara 804 a mis à la disposition de MmeA..., pour une durée de cinq ans, un véhicule désigné comme étant un " Nissan D40 Double cabine " et portant le même numéro de série que celui figurant sur la facture ;

4. Considérant que la SNC Azara 804, conformément à l'article 345-20-1 du code des impôts de la Polynésie française, a notamment déduit, au titre de l'année 2010, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat des véhicules identifiés aux points 1 à 3 ; que, le 11 avril 2011, la SARL Domigestion Pacifique, représentant fiscal de la SNC Azara 804 sur le territoire de la Polynésie française, a, sur le fondement de l'article 345-22 du même code, demandé le remboursement d'un crédit de taxe d'un montant de 474 761 francs CFP dont elle disposait, selon elle, à l'expiration du 1er trimestre 2011 ; que l'administration fiscale, qui a estimé que les factures établies par la société Sodiva les 27 novembre, 28 novembre et 5 décembre 2008 présentaient un caractère fictif, a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ces véhicules et, le 18 décembre 2012 puis le 18 mars 2013, a notifié au représentant fiscal de la SNC Azara 804 des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2010, assortis des intérêts de retard, pour un montant total de 385 122 francs CFP, qui ont été mis en recouvrement le 21 juin 2013 ; que, par une décision du 24 juin 2013, le président de la Polynésie française a partiellement admis le remboursement, à hauteur de

132 250 francs CFP, du crédit de taxe au titre du 1er trimestre 2011 ; qu'en revanche, la réclamation présentée le 30 décembre 2013 sur les rappels de taxe a été implicitement rejetée ; que la SNC Azara 804 relève appel du jugement du 9 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décharge de ces rappels de taxe et, d'autre part, au remboursement du crédit de taxe de 474 761 francs CFP au titre du 1er trimestre 2011 ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de décharge et de remboursement :

En ce qui concerne la partie du jugement statuant sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 345-4 du code des impôts de la Polynésie française : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation (...) " ; qu'aux termes de l'article 345-10 du même code : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est : / (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures " ; qu'aux termes de l'article 345-15 de ce code : " La déduction initialement opérée fait l'objet d'une régularisation, par imputation ou remboursement, lorsque la déduction s'avère supérieure ou inférieure à celle que l'assujetti était en droit d'opérer ou lorsque des modifications des éléments ayant servi à déterminer le montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment : / (...) lorsqu'une facture ou le document en tenant lieu ne correspond pas effectivement à la livraison d'un bien ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur (...) " ; qu'aux termes de l'article 345-19 de ce code : " Pour les entreprises placées sous le régime réel d'imposition, l'obligation de régularisation prévue aux articles 345-15 à 345-18 doit être accomplie sur la déclaration déposée au titre de la période au cours de laquelle l'événement qui la motive est intervenu. Les régularisations de déduction auxquelles les assujettis procèdent sont mentionnées distinctement sur les déclarations de chiffres d'affaires ou de recettes. Pour les entreprises placées sous le régime simplifié d'imposition, l'obligation de régularisation doit être accomplie sur la déclaration récapitulative déposée au plus tard le 31 mars de l'année suivante " ; qu'aux termes de l'article 345-20-1 du même code : " Le droit à déduction de la taxe qui a grevé l'acquisition, la construction ou la création en Polynésie française de biens mobiliers ou immobiliers ouvrant droit à défiscalisation métropolitaine ne peut s'exercer que par cinquième au cours de la période de 60 mois durant laquelle les investisseurs métropolitains sont tenus de maintenir l'investissement correspondant dans le territoire. / Le montant de la déduction opérée annuellement est à ajuster au prorata temporis de la date de début d'exploitation " ; qu'aux termes de l'article 345-22 de ce code : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut intervenir sur demande de l'assujetti ou de son représentant fiscal dûment accrédité. La demande peut porter sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de l'année civile précédente, sous réserve d'atteindre un montant minimal de 20 000 F CFP. Sous peine de forclusion, la demande doit être déposée au plus tard le 31 janvier pour les entreprises placées sous le régime réel d'imposition et au plus tard le 31 mars pour les entreprises placées sous le régime simplifié d'imposition " ; qu'aux termes de l'article 345-24 du même code : " Les demandes de remboursement sont formulées sur un imprimé dont le modèle est fixé par arrêté pris en conseil des ministres. / S'il s'agit de la première demande en restitution et en tout état de cause à toute réquisition de la direction des impôts et des contributions publiques, le demandeur est tenu de produire le relevé des documents d'importation et des factures d'achat justifiant de la taxe déductible " ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de service ; que, dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

S'agissant du bien figurant sur la facture du 27 novembre 2008 :

7. Considérant que, pour refuser à la SNC Azara 804 le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture identifiée au point 1, émise par la société Sodiva, régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fait notamment valoir que la dénomination du véhicule figurant sur cette facture n'est pas identique à celle figurant sur le procès-verbal de livraison établi le 27 novembre 2008, qu'il est matériellement très improbable que le véhicule ait pu être livré à M.B..., le 27 novembre 2008, dès lors que ce dernier réside sur l'ile de Rurutu, distante de 570 km de l'île de Tahiti, sur laquelle ce véhicule est censé avoir été acheté le même jour ; qu'elle justifie également avoir procédé, sur le fondement de l'article 411-1 du code des impôts de la Polynésie française, à une demande de renseignements auprès de M.B..., le 8 novembre 2011, tendant à obtenir des justificatifs de l'achat, de la revente et de l'utilisation du véhicule figurant dans l'opération réalisée avec la SNC Azara 804 ainsi que des justificatifs du paiement effectif de ce véhicule ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la notification de redressements du 18 décembre 2012 et de la réponse aux observations du contribuable du 18 mars 2013, que M. B...n'a pas justifié de l'acquisition et du financement de ce bien et que les seuls documents produits par la SNC Azara 804 dans sa réponse du

12 mars 2013, et en particulier les justificatifs du financement par l'exploitant, ne lui ont pas davantage permis de justifier de la réalité du matériel vendu ; que l'administration apporte ainsi des éléments suffisants permettant de penser que la facture litigieuse ne correspond pas à une opération réelle ;

8. Considérant que si la SNC Azara 804 produit une télécopie datée du 3 avril 2009 ayant pour objet une demande de virement bancaire d'une somme de 5 490 euros du compte de " Domigestion Central 2008 " vers le compte de " Sodiva " ayant pour motif

" Azara 804 Shi-Nog Punua ", elle n'apporte toutefois pas la preuve que ce virement a bien été effectué en se bornant à produire un extrait du compte bancaire détenu par " Domigestion centralisateur 2008 " auprès de BNP Paribas mentionnant un " virement faveur tiers remise " d'un montant de 32 618,42 euros effectué le 5 avril 2009 ; qu'en tout état de cause, si cette somme de 5 490 euros, soit 655 132 francs CFP, correspond bien au montant non couvert par le contrat de financement qui aurait été conclu entre la SNC Azara 804 et M. B...le

27 novembre 2008, la société requérante n'apporte toutefois pas d'éléments de nature à établir que la somme de 22 080,20 euros, soit 2 634 868 francs CFP, correspondant au montant qui aurait dû être directement réglé par le locataire en vertu de ce contrat de " crédit vendeur ", conformément au document intitulé " attestations et engagements " du 27 novembre 2008, a effectivement été réglée à la société Sodiva dès lors qu'elle se borne à produire un document intitulé " reconnaissance de dettes ", établi seulement le 7 février 2013, dans lequel

M. B...reconnaît devoir à sa " belle-nièce " " la somme de 3 207 000 francs CFP versée à Mahindra pour l'achat en défiscalisation de son véhicule Mahindra ", lequel document, dépourvu de date certaine, n'a pas de valeur probante et n'est corroboré par aucun autre élément d'ordre financier ; que si la société requérante a versé au dossier différents documents signés par

M.B..., et notamment un contrat de location du matériel, un contrat de financement et une promesse d'achat, tous datés du 27 novembre 2008, ces documents ne permettent pas, à eux-seuls, compte tenu de ce qui vient d'être dit, d'établir la réalité de l'opération ; que, dès lors, la SNC Azara 804 n'apporte pas de justifications suffisantes concernant la réalité de l'opération figurant sur la facture en litige ; que, par suite, l'administration, qui n'avait pas à constater l'inexistence du bien loué chez le locataire, était fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture établie par la société Sodiva le 27 novembre 2008 ;

S'agissant du bien figurant sur la facture du 28 novembre 2008 :

9. Considérant que, pour refuser à la SNC Azara 804 le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture identifiée au point 2, émise par la société Sodiva, régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fait notamment valoir que la dénomination du véhicule figurant sur cette facture n'est pas identique à celle figurant sur le procès-verbal de livraison établi le 28 novembre 2008, qu'il est matériellement très improbable que le véhicule ait pu être livré à MmeA..., le 28 novembre 2008, dès lors que cette dernière réside sur l'île de Rangiroa, distante de 355 km de l'île de Tahiti, sur laquelle ce véhicule est censé avoir été acheté le même jour ; qu'elle justifie également avoir procédé, sur le fondement de l'article 411-1 du code des impôts de la Polynésie française, à une demande de renseignements auprès de

MmeA..., le 8 novembre 2011, tendant à obtenir des justificatifs de l'achat, de la revente et de l'utilisation du véhicule figurant dans l'opération réalisée avec la SNC Azara 804 ainsi que des justificatifs du paiement effectif de ce véhicule ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la notification de redressements du 18 décembre 2012 et de la réponse aux observations du contribuable du 18 mars 2013, que Mme A...n'a pas justifié de l'acquisition et le financement de ce bien et que les seuls documents produits par la SNC Azara 804 dans sa réponse du 12 mars 2013, et en particulier les justificatifs du financement par l'exploitant, ne lui ont pas davantage permis de justifier de la réalité du matériel vendu ; que l'administration apporte ainsi des éléments suffisants permettant de penser que la facture litigieuse ne correspond pas à une opération réelle ;

10. Considérant que si la SNC Azara 804 produit une télécopie datée du 8 janvier 2009 ayant pour objet une demande de virement bancaire d'une somme de 10 936,32 euros du compte de " Domigestion Central 2008 " vers le compte de " Sodiva " ayant pour motif

" Azara 804 - Mamairo Yvonne ", elle n'apporte toutefois pas la preuve que ce virement a bien été effectué en se bornant à produire un extrait du compte bancaire détenu par " Domigestion centralisateur 2008 " auprès de BNP Paribas mentionnant un " virement faveur tiers remise " d'un montant de 71 976,33 euros effectué le 9 janvier 2009 ; qu'en tout état de cause, si cette somme de 10 936,32 euros, soit 1 305 051 francs CFP, correspond bien au montant non couvert par le contrat de financement qui aurait été conclu entre la SNC Azara 804 et Mme A...le 28 novembre 2008, la société requérante n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir que la somme de 30 879,88 euros, soit 3 684 949 francs CFP, correspondant au montant qui aurait dû être directement réglé par le locataire en vertu de ce contrat de " crédit vendeur ", conformément au document intitulé " attestations et engagements " du 28 novembre 2008, a effectivement été réglée à la société Sodiva ; que si la société requérante a versé au dossier différents documents signés par MmeA..., et notamment un contrat de location du matériel, un contrat de financement et une promesse d'achat, tous datés du 28 novembre 2008, ces documents ne permettent pas, à eux-seuls, compte tenu de ce qui vient d'être dit, d'établir la réalité de l'opération ; que, dès lors, la SNC Azara 804 n'apporte pas de justifications suffisantes concernant la réalité de l'opération figurant sur la facture en litige ; que, par suite, l'administration, qui n'avait pas à constater l'inexistence du bien loué chez le locataire, était fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture établie par la société Sodiva le 27 novembre 2008 ;

S'agissant du bien figurant sur la facture du 5 décembre 2008 :

11. Considérant que, pour refuser à la SNC Azara 804 le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture identifiée au point 3, émise par la société Sodiva, régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fait notamment valoir que la dénomination du véhicule figurant sur cette facture n'est pas identique à celle figurant sur le procès-verbal de livraison établi le 20 novembre 2008, qu'il est matériellement très improbable que le véhicule ait pu être livré à MmeA..., le 20 novembre 2008, dès lors que cette dernière réside sur l'île de Rangiroa, distante de 355 km de l'île de Tahiti, sur laquelle ce véhicule est censé avoir été acheté le 5 décembre suivant ; qu'elle justifie également avoir procédé, sur le fondement de l'article 411-1 du code des impôts de la Polynésie française, à une demande de renseignements auprès de MmeA..., le 8 novembre 2011, tendant à obtenir des justificatifs de l'achat, de la revente et de l'utilisation du véhicule figurant dans l'opération réalisée avec la SNC Azara 804 ainsi que des justificatifs du paiement effectif de ce véhicule ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la notification de redressements du 18 décembre 2012 et de la réponse aux observations du contribuable du 18 mars 2013, que Mme A...n'a pas justifié de l'acquisition et le financement de ce bien et que les seuls documents produits par la SNC Azara 804 dans sa réponse du 12 mars 2013, et en particulier les justificatifs du financement par l'exploitant, ne lui ont pas davantage permis de justifier de la réalité du matériel vendu ; que l'administration apporte ainsi des éléments suffisants permettant de penser que la facture litigieuse ne correspond pas à une opération réelle ;

12. Considérant, il est vrai, que la société requérante établit que M. et Mme A...ont réglé à la société Sodiva une somme de 3 691 628 francs CFP à titre d'acompte pour l'achat d'un véhicule " Nissan DCAB D40 " par un chèque émanant de la banque Socredo auprès de laquelle M. et Mme A...détiennent un compte courant et que ce chèque a été encaissé le 16 décembre 2008 ;

13. Considérant, toutefois, que ce montant de 3 691 628 francs CFP ne correspond pas exactement au montant de 3 691 627 francs CFP qui aurait dû être directement réglé par le locataire en vertu du contrat de financement, dit de " crédit vendeur ", qui aurait été conclu entre la SNC Azara 804 et Mme A...le 20 novembre 2008, conformément au document intitulé " attestations et engagements " du 20 novembre 2008 ; que, par ailleurs, si la SNC Azara 804 a produit une télécopie datée du 27 janvier 2009 ayant pour objet une demande de virement bancaire d'une somme de 1 308 372 francs CFP du compte de " Domigestion Central 2008 " vers le compte de " Sodiva " ayant pour motif " Azara 804 - Mamairo Yvonne (2) ", elle n'apporte toutefois pas la preuve que ce virement a bien été effectué dès lors qu'elle n'a produit aucun élément, et en particulier pas d'extrait du compte bancaire détenu par " Domigestion centralisateur 2008 " auprès de BNP Paribas mentionnant le virement d'un tel montant ; que si la somme de 10 964,16 euros, soit 1 308 372 francs CFP, correspond bien au montant non couvert par le contrat de financement qui aurait été conclu entre la SNC Azara 804 et Mme A...le 20 novembre 2008, le règlement de 3 691 628 francs CFP effectué le 28 novembre 2008 et l'absence de preuve de règlement de la somme de 1 308 372 francs CFP sont incohérents avec les indications figurant sur la facture de vente du véhicule qui comportent les mentions selon lesquelles la vente du véhicule a été effectuée par un " paiement cash " le " 5 décembre 2008 ", soit une date postérieure au règlement effectué le 28 novembre 2008 ; que si la société requérante a versé au dossier différents documents signés par MmeA..., et notamment un contrat de location du matériel, un contrat de financement et un promesse d'achat, tous datés du 20 novembre 2008, ces documents, qui sont incohérents avec la date à laquelle l'opération de vente est supposée avoir eu lieu, ne permettent pas davantage, compte tenu de ce qui vient d'être dit, d'établir la réalité de l'opération ; que, dès lors, la SNC Azara 804 n'apporte pas de justifications suffisantes concernant la réalité de l'opération figurant sur la facture en litige ; que, par suite, l'administration, qui n'avait pas à constater l'inexistence du bien loué chez le locataire, était fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture établie par la société Sodiva le 5 décembre 2008 ;

14. Considérant, en second lieu, que si, en application des dispositions des articles 345-15 à Lp. 345-21 du code des impôts de la Polynésie française, les contribuables assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ont l'obligation, dans certaines situations et dans un délai déterminé, de régulariser des déductions de taxe précédemment opérées lorsque les déclarations qu'ils ont antérieurement souscrites comportent une déduction de taxe erronée, ces dispositions ne font par elles-mêmes pas obstacle à ce que l'administration fiscale polynésienne exerce le pouvoir de contrôle défini au titre Ier de la deuxième partie du même code et procède, le cas échéant, à des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée procédant de taxe déduite à tort par des contribuables n'ayant pas, antérieurement à ce contrôle, spontanément régularisé leurs déclarations antérieures ; qu'il ne résulte pas davantage de ces dispositions que l'administration fiscale serait tenue de demander au contribuable de procéder à une régularisation avant de procéder à des rappels de taxe qui aurait été déduite à tort ;

15. Considérant, dès lors, que la société requérante ne peut pas utilement soutenir que l'administration, en procédant aux rappels de taxe litigieux au lieu d'opérer une régularisation de la taxe initialement déduite pour une opération fictive au titre de l'année au cours de laquelle le manquement a été constaté, aurait méconnu les dispositions combinées des articles 345-15 et 345-19 du code des impôts de la Polynésie française ;

16. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SNC Azara 804 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe en litige ; que ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge présentées à ce titre doivent par suite être rejetées ;

En ce qui concerne la partie du jugement statuant sur la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 474 761 francs CFP :

17. Considérant, d'une part, que la demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée sur le fondement des dispositions des articles 345-22 et suivants du code des impôts de la Polynésie française constitue une réclamation au sens de l'article 611-2 du même code ; que, d'autre part, en cas de rejet total ou partiel de cette réclamation, le contribuable, en application de l'article 611-8 de ce code, alors applicable, peut saisir le tribunal administratif de la Polynésie française dans un délai de trois mois à compter du jour de la réception de la décision prise sur sa réclamation ;

18. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 11 avril 2011, le représentant fiscal de la SNC Azara 804, la SARL Domigestion Pacifique, a déposé une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre du 1er trimestre de l'année 2011 et a demandé le remboursement d'un crédit de taxe de 474 761 francs CFP ; que, par une décision du 24 juin 2013, qui a été notifiée le 8 juillet 2013, le président de la Polynésie française a statué sur cette réclamation en admettant partiellement le remboursement de ce crédit de taxe à hauteur de 132 250 francs CFP ; que cette décision comportait l'indication des voies et délais de recours ; que, dès lors, la SNC Azara 804 pouvait contester cette décision jusqu'au 9 octobre 2013 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier de première instance que la demande tendant au remboursement du crédit de taxe n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif que le 30 avril 2015 ; que sa demande était tardive et par suite irrecevable ;

19. Considérant, par suite, que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté comme irrecevable sa demande tendant au remboursement de ce crédit de taxe ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SNC Azara 804 au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Azara 804 le versement de la somme demandée par la Polynésie française au titre de ces mêmes frais ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SNC Azara 804 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Azara 804 et à la

Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2017.

Le rapporteur,

L. BOISSYLe président,

M. HEERSLe greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 15PA03542 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03542
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : GROUPAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-30;15pa03542 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award