La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2017 | FRANCE | N°16PA00112

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 juin 2017, 16PA00112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Triskel a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner solidairement la commune de Pomponne et le département de Seine-et-Marne à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice commercial qu'elle a subi et qu'elle impute aux travaux entrepris en 2012 et 2013, rue du général Leclerc à Pomponne.

Par un jugement n° 1400804 du 30 novembre 2015, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et

un mémoire, enregistrés respectivement les 11 janvier et 11 avril 2016, la société Le Triskel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Triskel a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner solidairement la commune de Pomponne et le département de Seine-et-Marne à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice commercial qu'elle a subi et qu'elle impute aux travaux entrepris en 2012 et 2013, rue du général Leclerc à Pomponne.

Par un jugement n° 1400804 du 30 novembre 2015, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 11 janvier et 11 avril 2016, la société Le Triskel, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400804 du 30 novembre 2015 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner solidairement la commune de Pomponne et le département de Seine-et-Marne à lui verser une somme de 35 000 euros en réparation des préjudices subis par elle ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Pomponne et du département de Seine-et-Marne la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est compétente ;

- sa requête est recevable dans la mesure où le délai de recours n'a pas commencé à courir en raison de l'absence de mention du délai de recours dans la décision du maire du

18 novembre 2013, et que la requête mentionne les parties défenderesses et leur domicile ;

- les travaux entrepris par la commune de Pomponne et par le département de Seine-et-Marne pendant plusieurs mois au cours des années 2012 et 2013 ont perturbé l'accès à son restaurant, entraînant ainsi une baisse significative de son chiffre d'affaires ;

- la responsabilité sans faute de ladite commune et dudit département doit être engagée dans la mesure où ils ont ordonné lesdits travaux ;

- elle a subi un préjudice anormal et spécial s'élevant à 35 000 euros qui résulte d'une part, d'une perte de chiffre d'affaires estimée à 25 000 euros, d'autre part, de la perte définitive de clientèle et de l'atteinte à l'image du restaurant estimées à 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2016, la commune de Pomponne, représentée par Me Desorgues, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Le Triskel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente s'agissant d'un litige de dommages de travaux publics entre un usager d'un service public industriel et commercial et ledit service ;

- la requête est irrecevable ;

- aucun fait dommageable ni aucune faute ne sont imputables à la commune ;

- la société requérante ne justifie aucunement d'un préjudice anormal et spécial qui, à le supposer établi, ne résulterait pas des opérations de travaux publics ; que d'ailleurs, la société requérante va tirer des avantages certains de la réalisation de ces travaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2016, le département de Seine-et-Marne, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Le Triskel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- la société requérante n'établit pas que les travaux litigieux seraient la cause du préjudice qu'elle a subi, résultant de la baisse de son chiffre d'affaires ;

- elle n'apporte pas la preuve qu'elle aurait subi des sujétions anormales ;

- à titre subsidiaire, le quantum des demandes de la société requérante est surévalué.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de Me Desorgues, avocat de la commune de Pomponne.

1. Considérant que la société Le Triskel exploite depuis le 7 novembre 2011 une crêperie dénommée " Grain de sel ", située au 51 rue du général Leclerc sur la commune de Pomponne ; que, par un courrier du 28 octobre 2013, elle a saisi ladite commune d'une demande d'indemnisation du préjudice commercial qu'elle dit avoir subi entre les mois de juillet et octobre 2012, entre les mois de février et avril 2013, et entre les mois de juillet et décembre 2013, du fait des travaux d'assainissement et de renforcement des canalisations d'eau, ordonnés par la commune de Pomponne, sous maîtrise d'ouvrage du syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de la région de Lagny-sur-Marne, d'enfouissement des réseaux téléphoniques et électriques, également ordonnés par la commune, de rénovation de la chaussée et des trottoirs menés sous maîtrise d'ouvrage du Conseil général de Seine-et-Marne ainsi que des travaux consistant en la réalisation d'une piste cyclable, sous maîtrise d'ouvrage de la communauté d'agglomération de Marne-et-Gondoire ; que cette demande a été rejetée par une lettre du maire de la commune de Pomponne en date du 18 novembre 2013 ; que la société Le Triskel relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Pomponne et du département de Seine-et-Marne à l'indemniser solidairement de son préjudice ;

Sur la compétence la juridiction administrative :

2. Considérant que les collectivités publiques, leurs concessionnaires ou leurs entrepreneurs doivent, en principe, et quelle que soit la nature du service public qu'ils assurent, réparer les dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont ils ont la charge ou les travaux publics qu'ils entreprennent ; que la responsabilité qu'ils encourent ainsi, même en l'absence de toute faute relevée à leur encontre, ne peut être appréciée que par la juridiction administrative ; qu'en revanche, il n'appartient pas à ladite juridiction de connaître des dommages imputables à ces ouvrages ou travaux et d'apprécier la responsabilité encourue à raison de vices dans leur conception, leur exécution ou leur entretien lorsque ces dommages ont été causés à un usager d'un service public industriel et commercial par une personne collaborant à l'exécution de ce service et à l'occasion de la fourniture de la prestation due par le service audit usager ;

3. Considérant que la commune de Pomponne persiste à soutenir, devant la Cour, que la juridiction administrative serait incompétente au motif que la société Le Triskel serait un usager des services publics industriels et commerciaux de distribution d'eau, d'électricité et du réseau de télécommunication ; que, toutefois, ces travaux ont été réalisés dans un but d'intérêt général, et non pour l'usage personnel de la société requérante ou à l'occasion de la fourniture à ladite société d'une prestation relevant des services publics industriels et commerciaux concernés ; qu'ainsi, la société Le Triskel a la qualité de tiers par rapport aux travaux litigieux et la juridiction administrative est compétente pour connaître du présent litige ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées en défense

4. Considérant qu'il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général ;

5. Considérant, d'une part, que la société Le Triskel soutient qu'elle a subi un préjudice anormal et spécial du fait des différents travaux entrepris rue du général Leclerc durant près de dix-huit mois ; que si ces travaux ont effectivement pu, lors de certaines phases de leur réalisation, entraîner une gêne importante dans l'accès au restaurant de la société, notamment en raison des modifications dans les conditions de la circulation automobile et piétonne, il résulte de l'instruction que ce restaurant est demeuré ouvert durant toute la période litigieuse et que l'accès y a toujours été possible ; que les travaux, qui se sont certes succédés pendant 18 mois, avec toutefois des périodes d'interruption, ont été effectués sur différents tronçons de la rue et ne se sont donc pas trouvés, en permanence, à proximité directe de la crêperie ; que si la société requérante produit, à cet égard, plusieurs témoignages attestant de ce que les clients de la crêperie faisaient état de difficultés pour se garer, il ressort des pièces du dossier qu'aucune place de stationnement autorisé n'était dédiée au restaurant avant les travaux et que les clients se garaient régulièrement de manière anarchique ; qu'il ressort en outre des multiples arrêtés municipaux produits dans l'instance, que les autorités compétentes ont pris, lors de chaque tranche de travaux, les dispositions nécessaires afin que les clients de la crêperie puissent néanmoins se garer à proximité ; qu'il n'est également pas contestable que la commune a pris en compte, à chacune de ces périodes, l'intérêt des commerçants, en ayant pris le soin de programmer les travaux les plus lourds au cours de la période estivale, en ayant informé les habitants de ce que les différents commerces de la rue du général Leclerc demeuraient ouverts, en ayant enfin mis en place des aménagements y permettant l'accès sécurisé des clients ;

6. Considérant, d'autre part, que pour tenter d'attester de la réalité de son préjudice, la société le Triskel fait valoir qu'elle a subi une baisse drastique de son chiffre d'affaires de l'ordre de 20 à 25 % du fait de l'importante chute de fréquentation de sa clientèle en raison des travaux ; que, toutefois, n'ayant acquis ce fonds de commerce qu'à la fin de l'année 2011, elle ne saurait en aucun cas se référer, pour calculer cette baisse, aux résultats obtenus entre les années 2008 et 2010 ; que, si la requérante produit également ses résultats comptables relatifs aux années 2012 et 2013, lesquels attestent effectivement d'une baisse globale de son chiffre d'affaires, il en ressort toutefois que certains mois, non concernés par les travaux, ont connu une telle baisse alors que d'autres, durant lesquels des travaux ont eu lieu, n'ont fait l'objet que d'une baisse très relative de celui-ci ; que, dans ces conditions, la société le Triskel n'établit pas, par les documents qu'elle produits, avoir subi du fait des travaux entrepris rue général Leclerc, un préjudice anormal et spécial dont les inconvénients excéderaient les sujétions normales pouvant être imposées sans indemnité aux riverains des voies publiques ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Le Triskel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Pomponne et du département de Seine-et-Marne, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la société Le Triskel demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Le Triskel le versement, tant à la commune de Pomponne qu'au département de Seine-et-Marne, de la somme de 1 500 euros chacune sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Le Triskel est rejetée.

Article 2 : La société Le Triskel versera à la commune de Pomponne une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Le Triskel versera au département de Seine-et-Marne une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Triskel, à la commune de Pomponne et au département de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, premier conseiller,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 juin 2017.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAULe greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 16PA00112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00112
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : DESORGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-29;16pa00112 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award