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29/06/2017 | FRANCE | N°14PA03561

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 juin 2017, 14PA03561


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 418 736,27 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'intervention qu'elle a subi le 5 septembre 2007 à l'hôpital Saint Louis et, à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert afin d'évaluer ces préjudices et de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 40 000 euros à titre de provision.

Par un

jugement n° 1309796/6-2 du 17 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme totale de 418 736,27 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'intervention qu'elle a subi le 5 septembre 2007 à l'hôpital Saint Louis et, à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert afin d'évaluer ces préjudices et de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 40 000 euros à titre de provision.

Par un jugement n° 1309796/6-2 du 17 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 août 2014 et des pièces complémentaires enregistrées le 12 décembre 2016 et 31 mars 2017, Mme C...A..., représentée par le cabinet J.C.V.B.R.L, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1309796/6-2 du 17 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'AP-HP à lui verser les sommes de 15 029,92 euros au titre des dépenses de santé et frais divers restés à sa charge, de 26 280 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne avant consolidation, de 23 840,15 euros au titre des pertes de gains actuelles, de 214 345,20 euros au titre des pertes de gain futures et de l'incidence professionnelle, de 52 341 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne après consolidation, de 14 400 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 15 000 euros au titre des souffrances endurées, de 50 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 7 500 euros au titre du préjudice esthétique, en réparation des préjudices résultant pour elle de l'intervention qu'elle a subi le 5 septembre 2007 à l'hôpital Saint Louis ;

3°) à titre subsidiaire de désigner un médecin expert afin qu'il évalue les préjudices en lien avec la faute commise et de condamner l'AP-HP à lui verser une provision de 40 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt du 6 mai 2015, la Cour de céans a annulé le jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 juin 2014 et ordonné, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête, une expertise avec mission 1°) d'examiner Mme A...et de décrire son état, 2°) de donner tous éléments utiles d'appréciation sur la ou les causes de son état, 3°) de décrire les conditions dans lesquelles elle a été traitée en réunissant tous les éléments devant permettre de déterminer si la prise en charge a été conforme aux données acquises de la science à l'époque des faits et si l'organisation et le fonctionnement du service ont été conformes aux bonnes pratiques et aux recommandations existantes, 4°) de décrire la nature et l'étendue des préjudices corporels résultant de la prise en charge hospitalière de MmeA..., en les distinguant de son état antérieur et des conséquences prévisibles d'une prise en charge conforme aux règles de l'art, 5°) de donner son avis sur les autres préjudices imputables à l'intervention litigieuse et plus précisément sur les dépenses de santé, les frais liés à un éventuel handicap, les éventuelles pertes de revenus, l'éventuelle incidence professionnelle du dommage corporel, les autres dépenses liées au dommage corporel et les différents préjudices personnels subis par MmeA..., 6°) de soumettre un pré-rapport au contradictoire des parties.

Le rapport d'expertise du docteur Vasseur a été déposé et enregistré le 23 septembre 2016.

Par deux mémoires enregistrés le 24 novembre 2016 et le 12 janvier 2017 Mme A...représentée par Me E...conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la condamnation de l'AP-HP à lui verser les sommes de 15 029,92 euros au titre des dépenses de santé et frais divers restés à sa charge, de 19 840 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne avant consolidation, et de 64 720 euros au titre de l'assistance par tierce personne après consolidation, de 23 840,15 euros au titre des pertes de gains actuelles, de 137 198,10 euros au titre des pertes de gain futures, de 228 500 euros au titre de l'incidence professionnelle, de 17 446,88 euros au titre de frais d'adaptation du véhicule, de 9 300 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 15 000 euros au titre des souffrances endurées, de 27 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 2 000 euros et 7 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et permanent, de 10 000 euros au titre du préjudice sexuel et 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément, en réparation des préjudices résultant pour elle de l'intervention qu'elle a subi le 5 septembre 2007 à l'hôpital Saint Louis, ainsi qu'à la mise à la charge de l'AP-HP une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'AP-HP a reconnu sa responsabilité et seule reste en litige l'évaluation de ses préjudices ;

- le médecin conseil de l'AP-HP présent lors des opérations d'expertise n'a formulé aucune réserve orale ni écrite sur l'imputabilité des séquelles présentées par Mme A...ou sur la responsabilité de l'AP-HP n'est pas fondée à contester les conclusions du rapport ;

- les honoraires du docteur Bouchard qui a assisté Mme A...en qualité de médecin-conseil sont justifiés ;

- l'achat du véhicule équipé d'une boîte automatique postérieur à la date de la consolidation devra être indemnisé par une somme de 17 446,88 euros ;

- l'inaptitude de Mme A...à reprendre un travail à temps complet a été constatée par la médecine du travail ;

- c'est parce qu'elle n'a vu aucune issue à la poursuite de son activité antérieure qu'elle a accepté le plan de licenciement ;

- son projet de recherche antérieur à l'accident médical fautif, ne saurait lui être opposé par l'AP-HP pour contester l'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futures ;

- il lui sera alloué 137 198,10 euros au titre des gains professionnels futurs et 228 500 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Par un mémoire enregistré le 27 décembre 2016, l'ONIAM représenté par Me D...conclut à sa mise hors de cause.

Il soutient que les conditions de son intervention ne sont pas réunies dès lors que les dommages subis par Mme A...ont pour cause exclusive une faute médicale commise à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 5 septembre 2007 engageant la responsabilité de l'AP-HP.

Par un mémoire enregistré le 30 décembre 2016, l'AP-HP représentée par

Me F...conclut à ce que les indemnités sollicitées soient ramenées à de plus justes proportions.

Elle soutient que :

- la symptomatologie présentée par Mme A...est très atypique : les lésions neurologiques ont rapidement régressé et une pathologie rhumatismale associée touchant l'épaule et le membre supérieur semble avoir une part non négligeable dans les handicaps algiques de Mme A...sans pouvoir être imputée au fait générateur de responsabilité du service public ;

- les dépenses de santé actuelles dont Mme A...demande le remboursement ne peuvent être regardées comme résultant de manière directe et certaine du fait générateur de

responsabilité ;

- la demande au titre des frais divers ne peut qu'être rejetée dès lors que les honoraires d'assistance aux expertises sont des frais irrépétibles au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et font peut-être double emploi avec les dépenses de santé au profit du docteur Bouchard, médecin conseil de la requérante ;

- les frais d'acquisition d'un futon ne peuvent être regardés comme directement liés au fait générateur ;

- la demande au titre de l'achat d'un véhicule doit être rejetée dès lors que l'expert indique que Mme A...peut utiliser un véhicule à conduite manuelle comme antérieurement à 2011 ;

- en ce qui concerne la demande au titre de l'assistance par une tierce personne, elle est critiquable pour la période postérieure au 7 février 2008 pour laquelle l'expert indique que la requérante est dans la capacité de se servir de ses membres supérieurs et notamment jusqu'au

31 août 2010 date à laquelle elle a repris son travail et pour laquelle l'expert indique qu'elle peut effectuer les activités ménagères quotidiennes à l'exception du port de certaines charges ;

- la demande d'indemnisation au titre de la perte de primes dont le versement est lié à la réalisation d'une prestation de travail, n'est pas un préjudice indemnisable ;

- l'interruption de l'activité professionnelle par Mme A...résulte d'un plan de départ volontaire en 2015 lié à un projet d'étude et non à une inaptitude et la demande d'indemnisation au titre de la perte de revenus et de l'incidence professionnelle devra être rejetée ;

- la demande au titre du déficit fonctionnel temporaire devra être ramenée à de plus justes proportions ;

- l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent ne saurait excéder 17 000 euros ;

- l'indemnité allouée au titre des souffrances endurées ne saurait excéder 3 000 euros ;

- l'indemnité demandée au titre du préjudice esthétique temporaire devra être rejetée et limitée à 700 euros en ce qui concerne le préjudice esthétique permanent ;

- l'indemnité sollicitée au titre du préjudice d'agrément devra être ramenée à de plus justes proportions ;

- l'indemnité sollicitée au titre du préjudice sexuel devra être ramenée à de plus justes proportions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., pour l'AP-HP.

1. Considérant que Mme C...A...a subi le 5 septembre 2007 à l'hôpital Saint Louis une biopsie chirurgicale d'un ganglion cervical droit, laquelle a donné lieu à des complications consistant en une importante dénervation du nerf spinal accessoire droit avec une atteinte du sterno-cléido mastoïdien et du trapèze droit ; qu'elle a adressé à l'AP-HP une réclamation préalable le 27 juin 2008 afin d'obtenir réparation des préjudices résultant pour elle de cette intervention ; qu'après enquête médicale amiable contradictoire menée par son médecin-conseil, l'AP-HP a reconnu sa responsabilité et a, par décision en date du 5 décembre 2011, proposé une indemnisation à Mme A...à hauteur de 25 819 euros, déduction faite de l'indemnité provisionnelle de 2 000 euros qui lui avait été versée spontanément par l'AP-HP ; que cette proposition est restée sans réponse ; que Mme A...a adressé une nouvelle demande indemnitaire qui a été rejetée le 21 mai 2013 ; que par un arrêt du 6 mai 2015, la Cour de céans a annulé le jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 juin 2014 rejetant comme irrecevable sa requête tendant à la condamnation de l'AP-HP à l'indemniser de ses préjudices et a ordonné la désignation d'un expert ; que ce rapport du docteur Vasseur, a été déposé et enregistré le

23 septembre 2016 ;

Sur la responsabilité de l'AP-HP :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties " ;

3. Considérant que si le rapport d'expertise du docteur Vasseur retient l'existence d'une faute lors de l'exérèse du ganglion lymphatique de Mme A...dès lors que le compte rendu opératoire ne laisse pas apparaître que des précautions particulières auraient été prises pour limiter ce risque de lésion du nerf spinal accessoire (NSA), il indique que la littérature médicale rapporte que cette lésion n'est pas rare " sans que l'on puisse en préciser la fréquence mais l'étiologie de cette paralysie du NSA est fréquemment iatrogène et consécutive à une biopsie ganglionnaire. Des auteurs finlandais retrouvaient cette étiologie dans 57% des cas (...). " ; qu'ainsi, eu égard à la fréquence de cette lésion même dans les cas où les précautions qu'il préconise ont été prises, la Cour doit être éclairée sur les conséquences de la faute retenue par l'expert ; qu'ainsi, l'expertise ne permet pas de déterminer si ladite faute a fait perdre une chance à la patiente de se soustraire au risque de la lésion du nerf spinal accessoire (NSA) ; que l'AP-HP fait valoir que Mme A...souffre d'une pathologie rhumatismale totalement indépendante de l'intervention subie le 5 septembre 2007 ainsi que l'existence d'un syndrome de Turner en s'interrogeant sur le lien entre ce syndrome et les préjudices invoqués par la patiente, sans que le rapport d'expertise ne se prononce sur ce point ; que dès lors, il y a lieu avant de statuer sur la requête de Mme A...et les conclusions incidentes de l'AP-HP d'ordonner un complément d'expertise sur ces points ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de Mme A...et les conclusions incidentes de l'AP-HP, procédé par un expert, désigné par le président de la Cour administrative d'appel, à une expertise complémentaire avec mission de donner à la Cour tous les éléments lui permettant d'apprécier :

- les bénéfices attendus, les risques encourus et/ou les limites de l'intervention du 5 septembre 2007 si elle avait été réalisée dans les règles de l'art ;

- si des manquements dans les précautions qui auraient du être prises pour limiter le risque de lésion du nerf spinal accessoire sont à l'origine d'une perte de chance pour Mme A...de se voir guérie ou de voir son état amélioré en chiffrant cet éventuel taux de perte de chance ;

- si l'état de Mme A...avant ou après l'intervention litigieuse, notamment au regard d'une éventuelle pathologie rhumatismale et d'un syndrome de Turner, a pu concourir aux préjudices qu'elle invoque ;

Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 3 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, à la société Dynalis (Sapia Gestion), à la Caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, à la Caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, première conseillère,

- MmeB..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 29 juin 2017.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA03561


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03561
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : CABINET J.C.V.B.R.L.

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-29;14pa03561 ?
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