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28/06/2017 | FRANCE | N°16PA01069

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 juin 2017, 16PA01069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif Omega, à laquelle a succédé la société par actions simplifiée Financière Lord Byron, a demandé au Tribunal administratif de Paris le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estimait disposer à l'issue du mois de juin 2014 pour un montant de 14 019 630,40 euros, assorti du versement des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1429085/2-3 du 28 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris lui a donné acte du désistement des conclusions

de sa demande en tant qu'elles portaient sur le remboursement du crédit de taxe sur la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif Omega, à laquelle a succédé la société par actions simplifiée Financière Lord Byron, a demandé au Tribunal administratif de Paris le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estimait disposer à l'issue du mois de juin 2014 pour un montant de 14 019 630,40 euros, assorti du versement des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1429085/2-3 du 28 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris lui a donné acte du désistement des conclusions de sa demande en tant qu'elles portaient sur le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée et a rejeté le surplus de ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 mars 2016 et le 15 décembre 2016, la SAS Financière Lord Byron, représentée par les sociétés d'avocats Gowling WLG France AARPI puis Kramer Levin Naftalis Frankel, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1429085/2-3 du 28 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande de versement des intérêts moratoires présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

2°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, le paiement des intérêts moratoires dus sur la somme en principal de 14 019 630 euros au titre de la période allant du 18 juillet 2014, date de la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée, au 23 novembre 2015, date de l'imputation effective de ce crédit de taxe sur la déclaration de taxe du mois d'octobre 2015 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article 1153 du code civil, le paiement des intérêts dus sur cette même somme et au titre de la même période ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de versement des intérêts moratoires est recevable dès lors que l'imputation de la taxe sur la valeur ajoutée en litige n'a pas mis fin au litige portant sur le droit au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle a demandé le versement des intérêts moratoires dès l'introduction de la demande devant le Tribunal administratif ;

- elle disposait d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée à compter de l'acquisition de l'immeuble dès lors qu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée procédant à l'acquisition en vue de sa revente d'un immeuble ancien dont il poursuit la location est en droit de déduire immédiatement la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée au titre l'acquisition de cet immeuble ; le fait que l'immeuble a été acquis ancien et comptabilisé en stock est sans incidence sur le droit à déduction immédiate de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que la SNC Omega n'était pas un revendeur occasionnel et que l'immeuble a été utilisé dès son acquisition pour les besoins d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; subsidiairement, dès lors qu'elle louait l'immeuble depuis plus d'un an en ayant opté pour la TVA, il devait être assimilé à une immobilisation au regard des règles de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 206, IV-3, de l'annexe II au code général des impôts ; dans ces conditions, la possibilité de déduire la taxe sur la valeur ajoutée supportée au titre de l'acquisition de l'immeuble devait au moins être reconnue à la SNC Omega à compter du 30 juin 2015, date à laquelle l'Immeuble a été assimilé à une immobilisation en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

- en application des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle est en droit de prévaloir des doctrines BOI-TVA-IMM-10-30-20160302, § 70 à 100 et BOI-TVA-IMM-10-30-20160302, § 300 à 360 en vertu desquelles elle avait droit à la déduction de la taxe en litige dès l'acquisition de l'immeuble ;

- le titulaire d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée a droit au versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 de livre des procédures fiscales dès lors qu'il a formulé une demande de remboursement valant réclamation et que 1'administration a rejeté explicitement ou implicitement cette demande ; pour l'application de ces dispositions, l'imputation par la SNC Omega de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont en litige sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée vaut restitution de la taxe en cause dès lors que cette imputation n'a pas été contestée par l'administration ; elle avait dès lors droit au versement d'intérêts moratoires pour un montant de 910 156 euros au titre de la période allant de la demande le 18 juillet 2014 de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 14 019 630 euros au 23 novembre 2015, date de l'imputation effective du crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la déclaration de TVA du mois d'octobre 2015 ;

- subsidiairement, dès lors que l'administration n'a pas exécuté dans les délais requis l'obligation de rembourser le crédit de taxe sur la valeur ajoutée, le retard mis à exécuter cette obligations ouvre droit au paiement des intérêts prévus par les dispositions de l'article 1153 du code civil devenu 1231-6 du même code, lesquelles s'appliquent aux hypothèses non couvertes par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; dès lors, elle a droit au paiement des intérêts prévus par ce texte au titre de la même somme et pour la même période que précédemment.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions à fin de versement des intérêts moratoires présentées en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont irrecevables dès lors qu'elles ont été présentées directement au juge de l'impôt ; qu'en outre, l'administration n'a procédé à aucun remboursement au titre du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige ; à cet égard, l'imputation de la taxe sur la valeur ajoutée déductible sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée ne constitue pas une restitution ou un remboursement au sens de l'article L. 208 du LPF et ne peut donner lieu au versement d'intérêts moratoires ;

- les conclusions présentées à titre subsidiaire sur le fondement des dispositions de l'article 1153 du code civil sont irrecevables dès lors qu'elles ont été présentées directement devant le juge d'appel ;

- les moyens présentés par la SAS Financière Lord Byron ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni, premier conseiller,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public,

- et les observations de Me Appremont, avocat de la SAS Financière Lord Byron.

Une note en délibéré présentée pour la SAS Financière Lord Byron a été enregistrée le 12 juin 2017.

1. Considérant que la société en nom collectif Omega, qui exerçait une activité de marchand de biens et aux droit de laquelle vient la société par actions simplifiée Financière Lord Byron, a demandé le 18 juillet 2014 à l'administration le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 14 019 630,40 euros au titre de la taxe acquittée lors de l'acquisition le 30 juin 2014 d'un immeuble et qu'elle avait déclarée comme déductible dans sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée du mois de juin 2014 ; que l'administration ayant refusé le 26 septembre 2014 de faire droit à cette demande, la société a demandé au Tribunal administratif de Paris d'ordonner le remboursement de cette somme et de condamner l'État à lui verser les intérêts de retard correspondants ; qu'au cours de l'instance devant le Tribunal administratif, la société Omega a cédé l'immeuble en cause et a imputé la taxe sur la valeur ajoutée en litige sur sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée du mois d'octobre 2015 ; que, par un jugement du 28 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris, après avoir relevé que la société requérante ne demandait plus dans le dernier état de ses écritures que la condamnation de l'État à lui verser les intérêts moratoires ayant couru entre sa demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle s'estimait titulaire et l'imputation effective de ce crédit, a donné acte à la société requérante du désistement de ses conclusions relatives au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée et a rejeté au fond le surplus de ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires ; que la SAS Financière Lord Byron demande à la Cour de réformer ce jugement en tant seulement, à titre principal, qu'il a rejeté sa demande de versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ou, à titre subsidiaire, des intérêts de retard prévus à l'article 1153 du code civil ;

Sur les conclusions principales tendant à l'allocation des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions qui précèdent que les intérêts prévus en faveur du contribuable en vertu des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne sont dus que dans les cas où l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration ; qu'en l'espèce, d'une part, aucun tribunal n'a condamné l'Etat au dégrèvement des impositions en litige, ni même ne s'est prononcée sur le principe d'un tel dégrèvement, la société requérante s'étant désistée de ses conclusions à fin de décharge, comme l'a constaté le Tribunal administratif par le jugement attaqué, lequel n'est pas critiqué à cet égard ; que, d'autre part, la taxe en litige n'a pas davantage fait l'objet d'un dégrèvement ou d'une restitution par l'administration mais d'une imputation au cours de l'instance devant les premiers juges par la société requérante sur la taxe collectée, au surplus au cours d'une période d'imposition ultérieure à la suite de la cession de l'immeuble mentionné au point 1 ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, si celle-ci avait bien présenté une réclamation tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estimait disposer, l'imputation à laquelle elle a elle-même procédé au cours de l'instance juridictionnelle ouverte à la suite du rejet de sa demande n'a pas la nature d'un dégrèvement prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation, ni, au demeurant, d'un remboursement au contribuable ; qu'il est par ailleurs sans incidence que cette imputation n'a pas été contestée par l'administration ; qu'il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, dont elle ne remplit pas les conditions d'application ;

4. Considérant, au surplus, que dès lors qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant lesdits intérêts, les conclusions à fin de condamnation de l'Etat au versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales sont en tout état de cause irrecevables ;

Sur les conclusions subsidiaires tendant au versement des intérêts de retard prévus à l'article 1153 du code civil :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable aux années 2014 et 2015 en litige et depuis reprise par les dispositions de l'article 1231-6 du même code : " Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement (...) " ; que les dispositions précitées de l'article 1153 du code civil, s'appliquent, sauf disposition législative spéciale, en cas de retard pris par une personne publique à exécuter une obligation consistant dans le paiement d'une somme d'argent ; qu'elles ne sont ainsi susceptibles d'être utilement invoquées par un contribuable que dans les hypothèses non couvertes par les dispositions spéciales précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

6. Considérant qu'une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1153 du code civil pour fonder la demande de versement des intérêt moratoires dont elle avait assorti cette demande de remboursement ; qu'il est à cet égard, et en tout état de cause, sans incidence qu'elle s'est devant les premiers juges désistée de ses conclusions principales initiales à fin de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en cause ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SAS Financière lord Byron n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de versement des intérêts moratoires présentée sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ni à demander la condamnation de l'Etat à lui payer les intérêts de retard prévus à l'article 1153 du code civil ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Financière Lord Byron est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Financière Lord Byron et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris centre et services spécialisés).

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 juin 2017.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01069
Date de la décision : 28/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02-03 Contributions et taxes. Généralités. Recouvrement. Paiement de l'impôt. Questions diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : AARPI GOWLING WLG FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-28;16pa01069 ?
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