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22/06/2017 | FRANCE | N°16PA00565

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 22 juin 2017, 16PA00565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...D...alias Mme G...A...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 16 novembre 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'admission sur le territoire national au titre de l'asile, d'autre part, d'enjoindre à cette même autorité d'autoriser son entrée sur le territoire national au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1518848/8 du 20 novembre 2015, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 16 novembre 2015 par laq

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...D...alias Mme G...A...a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 16 novembre 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'admission sur le territoire national au titre de l'asile, d'autre part, d'enjoindre à cette même autorité d'autoriser son entrée sur le territoire national au titre de l'asile.

Par un jugement n° 1518848/8 du 20 novembre 2015, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 16 novembre 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de l'admettre sur le territoire français au titre de l'asile.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2016, le ministre de l'intérieur, représenté par la SCP Saidji et Moreau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1518848/8 du 20 novembre 2015 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D....

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que la décision de rejeter la demande d'admission sur le territoire national au titre de l'asile était entachée d'un vice de procédure ;

- la décision a été prise par une autorité compétente ;

- elle ne méconnait pas le principe de confidentialité ;

- elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à Mme D..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- et les observations de Me C...pour le ministre de l'intérieur.

1. Considérant que Mme F... D...alias Mme G...A..., déclarant être de nationalité sierra léonaise et née le 6 février 1999, a été contrôlée par les services de la police aux frontières, le 14 novembre 2015, à son arrivée à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle en provenance du Nigeria ; qu'ayant sollicité, le 15 novembre 2015, le bénéfice de l'asile, elle a été placée en zone d'attente ; que, par une décision du 16 novembre 2015, prise après avis de non-admission de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides intervenu le même jour, le ministre de l'intérieur a estimé comme manifestement infondée cette demande, décidé en conséquence de lui refuser l'entrée sur le territoire français et a prescrit son réacheminement vers tout pays où elle serait légalement admissible ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 20 novembre 2015 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger mineur non accompagné d'un représentant légal n'est pas autorisé à entrer en France, le procureur de la République, avisé immédiatement par l'autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. Celui-ci assiste le mineur durant son maintien en zone d'attente et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à ce maintien. Il assure également la représentation du mineur dans toutes les procédures administratives et juridictionnelles afférentes à son entrée en France (...) " ;

3. Considérant que, pour annuler la décision du ministre de l'intérieur du 16 novembre 2015, le tribunal administratif de Paris a estimé qu'il existait un doute sérieux sur l'âge de l'intéressée compte tenu notamment de l'examen d'estimation d'âge chronologique selon lequel l'âge de 16 ans allégué par l'intimée était compatible avec les constatations effectuées ; que, toutefois, il ressort de la vérification à la station biométrique renforcée " visabio " que l'intéressée avait précédemment sollicité un visa, le 14 avril 2014, auprès des autorités françaises au Nigéria, qui lui avait été refusé en raison du risque migratoire ; qu'il n'est pas contesté que, lors de cette demande, elle avait fourni une copie de son passeport nigérian indiquant qu'elle se nomme Mme F... D...née le 6 février 1981 ; que, dans ces circonstances, il n'existait pas de doute sérieux sur l'âge de l'intimée à la date de la décision attaquée, alors qu'en outre, le 16 novembre 2015, le procureur de la République a décidé de poursuivre la procédure en considérant l'intéressée comme majeure ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre pouvait adopter la décision attaquée à l'encontre de l'intéressée sans que celle-ci ait été représentée par un administrateur ad hoc lors de la procédure ; que, par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en tant qu'elle aurait méconnu les dispositions de l'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme D... alias Mme A...devant le tribunal administratif de Paris ;

5. Considérant, en premier lieu, que, par une décision du 1er septembre 2015, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 3 septembre 2015, le directeur général des étrangers en France a donné à Mme E...B..., attachée d'administration de l'Etat, délégation pour signer, au nom du ministre, toutes décisions relevant des attributions du département de l'asile à la frontière et de l'admission au séjour ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige manque en fait ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 722-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tous les membres du personnel de l'office sont tenus au secret professionnel en ce qui concerne les renseignements qu'ils auront reçus dans l'exercice de leurs fonctions. / [...] " ; qu'aux termes de l'article R. 213-2 du même code : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. / La décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui procède à l'audition de l'étranger. / [...]. / Cette audition fait l'objet d'un rapport écrit qui comprend les informations relatives à l'identité de l'étranger et celle de sa famille, les lieux et pays traversés ou dans lesquels il a séjourné, sa ou ses nationalités, le cas échéant ses pays de résidence et ses demandes d'asile antérieures, ses documents d'identité et titres de voyage ainsi que les raisons justifiant la demande de protection internationale " ; qu'aux termes de l'article R. 213-3 du même code : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision mentionnée à l'article

R. 213-2 de refuser l'entrée en France à un étranger demandant à bénéficier du droit d'asile est le ministre chargé de l'immigration. / L'étranger est informé du caractère positif ou négatif de cette décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. Lorsqu'il s'agit d'une décision de refus d'entrée en France, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides transmet sous pli fermé à l'étranger une copie du rapport prévu au quatrième alinéa de l'article

R. 213-2. Cette transmission est faite en même temps que la remise de la décision du ministre chargé de l'immigration ou, à défaut, dans des délais compatibles avec l'exercice effectif par l'étranger de son droit au recours " ;

7. Considérant que Mme D...alias Mme A...invoque un vice de procédure tiré de la méconnaissance du principe de confidentialité de la demande d'asile ; que, toutefois, la procédure prévue par l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la décision de refus d'entrée doit être prise par le ministre chargé de l'immigration après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et donc nécessairement au vu de l'avis de cet organisme et des éléments recueillis lors de l'audition de l'intéressé ; que la participation directe du ministre à l'examen de cette demande, à qui il appartient, en vertu de l'article L. 221-1 du même code, de se prononcer sur le caractère manifestement infondé ou non de la demande d'asile, ne saurait dès lors être regardée, non plus que celle des agents de ses services qui sont soumis au secret professionnel, comme enfreignant le principe de confidentialité attaché à celle-ci ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation du principe de confidentialité de la demande d'asile doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que ce droit implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; que c'est seulement dans le cas où celle-ci et les documents qu'il produit à son appui, sont manifestement infondés, dépourvus de crédibilité, présentant un caractère inconsistant ou trop général, que le ministre chargé de l'immigration peut, après consultation de l'OFPRA, lui refuser l'accès au territoire ;

9. Considérant que Mme D...alias Mme A...fait valoir qu'elle est isolée dans son pays d'origine à la suite du décès de ses parents et de sa grand-mère, que son voisin aurait abusé d'elle et qu'elle redoute sa situation de vulnérabilité ; qu'il ressort toutefois du procès-verbal de l'entretien que l'intéressé a livré un récit impersonnel et imprécis, ses déclarations quant à la réalité des menaces dont elle ferait l'objet étant inconsistantes et dépourvues de crédibilité ; qu'au surplus, elle ne produit au dossier aucune pièce au soutien de ses allégations ; que, dans ces conditions, Mme D... alias Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de l'admettre au titre de l'asile est entachée d'erreur d'appréciation ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 16 novembre 2015 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1518848/8 du 20 novembre 2015 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... alias Mme A...devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à Mme F... D...alias Mme G...A....

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président,

- M. Gouès, premier conseiller,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2017.

Le rapporteur,

N. AMATLe président,

S. DIÉMERT

Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00565
Date de la décision : 22/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SCP SAIDJI et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-22;16pa00565 ?
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