Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme M'A... C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 août 2016 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1615771/3-2 du 25 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 février 2017, et un mémoire en réplique, enregistré le 24 mai 2017, MmeC..., représentée par Me Ostier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1615771/3-2 du 25 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 août 2016 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant cet examen, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il a retenu qu'elle n'établissait pas ne plus avoir de lien avec son pays d'origine, notamment du fait de la délivrance d'un passeport guinéen en juin 2011 ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2017, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben,
- et les observations de MeB..., substituant Me Ostier, avocat de MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante guinéenne née le 25 mai 1994 à Conakry, est entrée en France le 13 février 2011 selon ses déclarations. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-15 et L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 décembre 2014, le préfet de police a rejeté sa demande. Par un jugement du 26 octobre 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de MmeC.... Par un arrêté du 18 août 2016, le préfet de police a de nouveau rejeté sa demande de titre de séjour et assortit cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours en fixant le pays de destination. Mme C...relève appel du jugement du 25 janvier 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2016.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de police en première instance :
2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I.- Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément. / (...) ".
3. Si le préfet de police oppose une fin de non recevoir tirée de ce que la requête de Mme C... est tardive, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'accusé de réception de l'arrêté attaqué signé par MmeC..., que l'arrêté du 18 août 2016 en litige, qui mentionne les voies et délai de recours, lui a été notifié le 23 août 2016, contrairement à ce que soutient le préfet de police. Le délai de recours contentieux de trente jours a ainsi commencé à courir à cette date et expirait le 22 septembre 2016, date à laquelle la requête de Mme C...a été enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Paris. Dès lors, la requête de Mme C...n'était pas tardive.
Sur les conclusions à fin d'annulation, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...a été prise en charge par l'aide sociale de l'enfance à l'âge de 16 ans à compter du 9 mars 2011 et jusqu'à sa majorité. Elle a bénéficié d'un contrat " jeune majeur " renouvelé chaque année depuis le 25 mai 2012 et jusqu'au 24 mai 2015 par lequel elle s'est notamment engagée à poursuivre une formation professionnelle afin de devenir indépendante. Elle a obtenu, après une scolarité brillante attestée par des relevés de notes élogieux, un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) Petite enfance le 27 juin 2013 puis un diplôme d'Etat d'auxiliaire de vie le 30 juin 2015. Elle a effectué des stages pendant sa scolarité puis a travaillé depuis mars 2014 et jusqu'à la décision attaquée dans un secteur d'activité en lien avec sa formation en qualité de garde d'enfant ou d'auxiliaire de vie. Elle produit en ce sens un contrat à durée indéterminée à temps partiel, de nombreux bulletins de paie ainsi qu'une attestation d'employeur de la société C2M indiquant qu'elle est engagée à temps partiel et que la société projette de créer pour elle un poste à temps plein. En outre, elle produit de nombreux documents établissant son intégration, notamment une attestation élogieuse d'un employeur qui recourt depuis plusieurs années à ses services, un " parrainage républicain " signé à la mairie du 14ème arrondissement de Paris le 13 décembre 2014, plusieurs attestations d'amis ainsi que des attestations de la Ligue des droits de l'Homme et de son assistante sociale relatives à ses efforts d'intégration. Enfin, MmeC..., qui n'a pas quitté la France depuis mars 2011, fait valoir ne plus être en contact depuis 2012 avec sa mère et sa fratrie restée en Guinée. Par suite, Mme C...est fondée à soutenir que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le préfet de police a entaché sa décision de refus de titre de séjour et sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, le jugement attaqué et l'arrêté litigieux doivent être annulés.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4 et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à Mme C...le titre de séjour sollicité portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1615771/3-2 du 25 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 18 août 2016 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme M'A...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juin 2017.
Le président rapporteur,
I. LUBENLe premier conseiller le plus ancien,
S. BONNEAU-MATHELOTLe greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00716