Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société nationale des chemins de fer français a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner solidairement l'établissement public Eau de Paris et la société SPAC, ou l'un à défaut de l'autre, à lui verser la somme de 68 666,84 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du dépôt de sa demande devant le tribunal.
Par un jugement n° 1311811/5-2 du 30 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, rejeté sa demande et, d'autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur les appels en garantie formés par la Régie Eau de Paris et par la société SPAC l'une à l'encontre de l'autre.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mars 2015, SNCF Mobilités, anciennement dénommée Société nationale des chemins de fer français, représentée par Me Caudron, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1311811/5-2 du 30 janvier 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'établissement public industriel et commercial Eau de Paris à lui verser la somme de 68 666,84 euros hors taxes avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public industriel et commercial Eau de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal ne pouvait d'office relever l'exception de prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, pas plus qu'il ne pouvait la substituer à une autre prescription ;
- l'article 2224 du code civil n'est pas opposable à une personne publique ;
- la responsabilité de la Régie Eau de Paris est engagée à raison des dommages qu'elle a subis en sa qualité de tiers, résultant de la rupture de canalisation d'eau constitutive d'un ouvrage public ;
- la créance qu'elle détient n'est pas couverte par la prescription quadriennale de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;
- elle a subi un préjudice évalué à la somme de 68 666,84 euros hors taxes.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2015, la société SPAC, venant aux droits de la société Suburbaine canalisations et grands travaux, représentée par Me Menguy, conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l'indemnité à allouer à SNCF Mobilités, au rejet de tout appel en garantie formé par la Régie Eau de Paris à son encontre et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 août 2015, la Régie Eau de Paris, représentée par Me Sagalovitsch, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la société SPAC, venant aux droits de la société Suburbaine canalisations et grands travaux, à la garantir de la totalité des sommes mises à sa charge et de mettre à la charge tant de SNCF Mobilités que de la société SPAC la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil,
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- les observations de Me Caudron, avocat de SNCF Mobilités, de Me A...B..., substituant Me Sagalovitsch, avocat de la Régie Eau de Paris et de MeC..., substituant Me Menguy, avocat de la société SPAC.
Considérant ce qui suit :
1. Dans la nuit du 13 au 14 août 2003, une canalisation en fonte appartenant à la SA de gestion des Eaux de Paris (SAGEP) et destinée à la distribution d'eau potable assurée par la société Eau et Force s'est affaissée sur une longueur de 15,21 mètres. Cette canalisation avait été posée en élévation par la société Suburbaine canalisations et grands travaux dans une galerie bétonnée relevant de la société d'économie mixte d'aménagement de la zone d'aménagement concertée (ZAC) rive gauche, aménageur de ladite ZAC, en exécution d'un marché de travaux conclu le 3 novembre 1999 avec la ville de Paris et la SAGEP. La rupture de cette canalisation a entraîné un important déversement d'eau dans la galerie communiquant avec la gare SNCF " Bibliothèque François Mitterrand " inondant, en partie, les quais et les voies. SNCF Mobilités, anciennement SNCF, établissement public à caractère industriel et commercial, relève appel du jugement du 30 janvier 2015 susvisé en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la régie Eau de Paris, venant aux droits de la SAGEP, à l'indemniser du préjudice subi. La Régie Eau de Paris appelle en garantie la société SPAC, venant aux droits de la société Suburbaine canalisations et grands travaux.
I - Sur la régularité du jugement attaqué :
2. SNCF Mobilités soutient que c'est à tort que les premiers juges ont, d'office, fait application des dispositions de l'article 2224 du code civil à défaut pour la Régie Eau de Paris de s'être prévalu de ces dispositions.
3. Il résulte, toutefois, de l'instruction que la Régie Eau de Paris a, en première instance, dans un mémoire enregistré le 24 octobre 2014, et communiqué aux parties, invoqué l'exception de prescription de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008. Par suite, en jugeant, sur le fondement de ces dispositions, que la créance de SNCF Mobilités était prescrite, les premiers juges n'ont pas relevé d'office le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article 2224 du code civil. En conséquence, le moyen soulevé par SNCF Mobilités doit être écarté.
II - Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
A - En ce qui concerne l'exception de prescription :
4. Aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes de l'article 26 de la loi précitée : " I. - Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. / II. - Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. / III. - Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation ".
5. Il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle le dommage s'est réalisé, le 13 août 2003, s'appliquait à la créance que la SNCF détenait sur la SAGEP, personne morale de droit privé, le délai de prescription de dix ans tel qu'il résultait des dispositions de l'article 2270-1 du code civil, lequel délai, en vertu des dispositions de l'article 2244 du même code, alors en vigueur, a été interrompu par la saisine du juge des référés du Tribunal administratif de Paris et a de nouveau couru à compter du 14 septembre 2004, date à laquelle le rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés a été communiqué aux parties.
6. En premier lieu, la circonstance que l'établissement public industriel et commercial Eau de Paris, personne morale de droit public, soit venu aux droits de la SAGEP, personne morale de droit privé, à la suite de la dissolution, le 11 mai 2009, de la SAGEP et de la transmission universelle de son patrimoine à Eau de Paris, qui était devenu son actionnaire unique, et que la créance soit entrée dans le patrimoine de cette dernière à l'expiration du délai de trente jours suivant la publication de l'acte de dissolution de la SAGEP au registre du commerce, en vertu de l'article 1844-5 du code civil, soit le 21 mai 2010, n'a pas eu pour effet de rendre applicable la prescription quadriennale prévue par les dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 pour les créances détenues sur les personnes publiques dès lors, d'une part, que le régime de prescription applicable à une créance est déterminé par la date de son fait générateur et, d'autre part, que la transmission de la créance à Eau de Paris n'a pas eu pour effet d'emporter sa novation.
7. En second lieu, d'une part, il résulte des dispositions de l'article 2224 du code civil que celles-ci s'appliquent aux créances détenues par les personnes publiques sur une personne de droit privé. D'autre part, en vertu des dispositions du II de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, régissant les délais de prescription en cours, le délai de prescription quinquennale, dès lors qu'il réduit l'ancien délai de prescription applicable à la créance, court à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, pour s'éteindre, en conséquence, le 19 juin 2013. A la date à laquelle SNCF Mobilités a saisi le Tribunal administratif de Paris, soit le 9 août 2013, sa créance était donc prescrite.
8. Il résulte de tout ce qui précède que SNCF Mobilités n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que la créance qu'elle détenait sur la Régie Eau de Paris était prescrite par l'effet de l'article 2224 du code civil.
B - En ce qui concerne l'appel en garantie :
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 qu'en l'absence de toute condamnation prononcée à l'encontre de la Régie Eau de Paris, l'appel en garantie qu'elle a formé à l'encontre de la société SPAC a perdu son objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
III - Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Régie Eau de Paris, qui n'est pas la partie perdante, la somme que SNCF Mobilités demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, pour le même motif, de rejeter les conclusions présentées par la Régie Eau de Paris sur le même fondement à l'encontre de la société SPAC. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de SNCF Mobilités, sur le même fondement, le versement de la somme de 1 500 euros à la Régie Eau de Paris et de la même somme de 1 500 euros à la société SPAC.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de SNCF Mobilités est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel en garantie formé par la Régie Eau de Paris à l'encontre de la société SPAC.
Article 3 : SNCF Mobilités versera la somme de 1 500 euros à la Régie Eau de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la même somme de 1 500 euros à la société SPAC.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Régie Eau de Paris à l'encontre de la société SPAC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à SNCF Mobilités, à la Régie Eau de Paris et à la société SPAC.
Délibéré après l'audience du 27 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 juin 2017.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01310