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01/06/2017 | FRANCE | N°15PA03507

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 juin 2017, 15PA03507


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 18 juin 2013 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 16 800 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger démuni d'autorisation de travail.

Par un jugement n° 1309383 du 24 juin 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2015, M.F..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...F...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 18 juin 2013 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 16 800 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger démuni d'autorisation de travail.

Par un jugement n° 1309383 du 24 juin 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2015, M.F..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1309383 du 24 juin 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 18 juin 2013 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en dépit de sa demande, l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne lui a pas communiqué le procès-verbal d'infraction du 16 mars 2011, qui constitue pourtant un document administratif au sens de l'article 3 de la loi du 17 juillet 1978 ; la contribution spéciale qui lui a été infligée a été établie en violation du principe des droits de la défense ;

- il n'a pas employé de travailleur étranger en situation irrégulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. F...une somme de 2 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête de M. F...n'est pas recevable ;

- les moyens soulevés par M. F...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Coiffet,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

1. Considérant que le 16 mars 2011, deux agents de la police nationale ont constaté que M. F..., marchand ambulant sur le marché de la commune de Noisiel (Seine-et-Marne), employait une personne de nationalité indienne, M. A...C..., qui n'était pas titulaire d'une autorisation de travail ni d'un titre de séjour ; que le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, au vu du procès-verbal établi lors de ces opérations de contrôle, mis à la charge de M. F..., par une décision du 18 juin 2013, une contribution spéciale d'un montant de 16 800 euros, sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour l'emploi d'une personne étrangère sans titre de travail ; que M. F...fait appel du jugement en date du 24 juin 2015, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux (...) / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'Etat comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-3 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-5 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi adresse, avec son avis, au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le procès-verbal ainsi que les observations de l'employeur, s'il en a été produit " ; qu'aux termes de l'article L. 8113-7 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. Ces procès-verbaux sont transmis au procureur de la République. Un exemplaire est également adressé au représentant de l'Etat dans le département. En cas d'infraction aux dispositions relatives à la durée du travail, un exemplaire du procès-verbal est remis au contrevenant " ;

3. Considérant que la contribution spéciale instituée par l'article L. 8253-1 du code du travail, relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, revêt le caractère d'une sanction administrative ; que le respect du principe général des droits de la défense implique que l'employeur auquel l'Office français de l'immigration et de l'intégration envisage d'infliger une contribution spéciale, soit informé, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de cette sanction, des griefs formulés à son encontre et qu'il puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'il en fait la demande ;

4. Considérant que M. F...soutient que la décision en litige du 18 juin 2013, du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été prise au terme d'une procédure irrégulière, l'Office ne lui ayant pas communiqué, en dépit de la demande qui lui en avait été faite par lettre du 10 juillet 2013, le procès-verbal dressé le 16 mars 2011 par les services de police de l'infraction relevée à son encontre, en méconnaissance des exigences de la loi susvisée du 17 juillet 1978 et du principe général des droits de la défense ; que, toutefois, les procès-verbaux constatant les infractions aux dispositions de l'article L 8251-1 du code du travail, qui relèvent de l'autorité judiciaire, ne constituent pas des documents administratifs au sens des dispositions des articles 1er et 2 de la loi du 17 juillet 1978 ; que, par ailleurs, ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que ces procès-verbaux soient communiqués aux contrevenants ; qu'en outre, il résulte de l'instruction que, par un courrier du 6 septembre 2011, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a adressé à M.F..., qui l'a reçue le 9 septembre suivant, la lettre d'information prévue à l'article R. 8253-3 du code du travail ; que, par cette lettre, M. F...a été informé de façon précise des faits qui lui étaient reprochés, de la nature de la sanction qu'il encourait à raison de ces faits, de la procédure d'établissement de cette sanction et du délai dont il disposait pour formuler des observations ; qu'il est constant que le requérant n'a pas répondu à ce courrier et qu'il n'a pas demandé, avant la décision du 18 juin 2013 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mettant à sa charge la contribution spéciale en litige, la communication du procès-verbal d'infraction du 16 mars 2011 ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que cette décision repose sur une procédure irrégulière ; que la circonstance alléguée que l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas donné suite à la demande de communication que M. F...a présentée le 10 juillet 2013, postérieurement à la décision du 18 juin 2013, seule contestée, est sans incidence sur la légalité de celle-ci ;

5. Considérant que M. F...fait également valoir que M. A...ne peut être regardé comme étant son salarié dès lors qu'il ne lui versait pas de salaires et qu'il ne ressort pas des procès-verbaux dressés à l'occasion des opérations de contrôle que l'intéressé aurait agi sur ses ordres ; qu'il résulte toutefois des mentions de ces procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve contraire, que M. A...a été interpellé alors qu'il était en train de décharger un camion et de ranger des boites de chaussures sur le stand de M.F... ; que ce dernier a, d'ailleurs, reconnu, lors de son audition devant les services de police le 17 mars 2011, qu'il avait employé M. A...pour l'aider à mettre en place son stand et à déballer les marchandises, qu'il avait déjà eu recours à ses services la semaine précédente et qu'il lui versait en contrepartie de son travail une rémunération en nature prenant la forme de courses d'un montant de 30 euros environ ; que M. A...doit, dès lors, être regardé comme ayant travaillé pour le compte et sous l'autorité de M.F... ; qu'il n'est pas contesté qu'il n'était pas titulaire d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français ; que la méconnaissance par M. F...des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail étant ainsi établie, c'est à bon droit que l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'a assujetti à la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du même code ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que M. F... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. F...demande au titre des frais qu'il a exposés ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F...une somme de 1 500 euros à verser à l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : M. F...versera une somme de 1 500 euros à l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...F...et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er juin 2017.

Le rapporteur,

V. COIFFETLe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

N. ADOUANE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 15PA03507


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03507
Date de la décision : 01/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CABINET SCHEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-01;15pa03507 ?
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