Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Kdo Bazar a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration relative à la mise en oeuvre de la contribution spéciale du 24 avril 2014 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 27 août 2014 du silence gardé pendant deux mois par le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Par un jugement n° 1409367 du 14 octobre 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2015, la SARL Kdo Bazar, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1409367 du 14 octobre 2015 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 24 avril 2014 relative à la mise en oeuvre de la contribution spéciale, ensemble la décision implicite du 27 août 2014 rejetant son recours gracieux ainsi que, par voie de conséquence, le titre de perception émis le 23 mai 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la notification du 28 avril 2013, visée par la décision du 24 avril 2014, est irrégulière à défaut d'avoir été signée par une autorité compétente ;
- le procès-verbal d'infraction, constitutif d'un document administratif au sens de la loi du 17 juillet 1978, aurait dû lui être communiqué lors de la notification du 28 avril 2013 et de la décision en litige du 24 avril 2014 ;
- la décision critiquée du 24 avril 2014 est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- le procès-verbal d'infraction est entaché d'irrégularité ;
- la matérialité des faits n'est pas établie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la SARL Kdo Bazar au paiement de la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale et à ce que soit mise à sa charge la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 22 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 avril 2017.
Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment, son Préambule,
- le code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 2 octobre 2012, à l'issue d'un contrôle des services de l'inspection du travail de l'établissement exploité par la SARL Kdo Bazar sous l'enseigne commerciale " Kdo Bazar ", l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, au vu du procès-verbal établi lors de ces opérations de contrôle établissant l'emploi d'un ressortissant étranger démuni d'une d'autorisation de travail, par ailleurs transmis au procureur de la République, avisé la société intéressée, qu'indépendamment des poursuites pénales susceptibles d'être engagées, elle était redevable, sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail, de la contribution spéciale. Par une décision du 28 avril 2014, l'OFII a mis à la charge de la SARL Kdo Bazar la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale. La SARL Kdo Bazar relève appel du jugement n° 1409367 du 14 octobre 2015 du Tribunal administratif de Melun et sollicite la décharge de la contribution spéciale.
Sur les conclusions présentées par la SARL Kdo Bazar tendant à la décharge de la contribution spéciale :
2. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail que : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / [...] ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction applicables aux faits de l'espèce : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux. / [...] ". Enfin, aux termes de l'article L. 8271-17 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger sans titre de travail et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger sans titre. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Cette disposition implique notamment qu'aucune sanction ayant le caractère d'une punition ne puisse être infligée à une personne sans que celle-ci ait été mise à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés. Le principe des droits de la défense s'impose, toutefois, aux autorités disposant d'un pouvoir de sanction sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler l'existence.
4. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. Dès lors, si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution spéciale, qui revêt le caractère d'une sanction administrative. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation de la contribution spéciale et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.
5. Il résulte de l'instruction qu'après avoir été destinataire d'une lettre du 28 octobre 2013 par laquelle le directeur général de l'OFII l'a informée de ce qu'à la suite du contrôle réalisé le 2 octobre 2012, elle était passible de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-l du code du travail, la SARL Kdo Bazar a contesté, par un courrier du 15 novembre 2013, le fait que le procès-verbal dressé à l'issue de ce contrôle n'avait pas été porté à sa connaissance et qu'elle en sollicitait la communication afin de pouvoir présenter des observations. Il n'est pas contesté que l'OFII, qui n'a pas produit ce procès-verbal, a, par une décision du 24 avril 2014, mis à la charge de la société appelante la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale. La SARL Kdo Bazar a, de nouveau, dans le cadre de son recours gracieux formé contre cette décision, indiqué, outre quelques brèves observations, que ce procès-verbal ne lui avait pas été communiqué et qu'elle renouvelait sa demande de communication. Le directeur général de l'OFII a implicitement rejeté ce recours gracieux. Dans ces conditions, la SARL Kdo Bazar a été privée de l'accès aux pièces au vu desquelles le manquement à la réglementation sur l'emploi des étrangers en France a été retenu à son encontre et dont elle souhaitait connaître le contenu. Dès lors, cette carence, qui a privé la société requérante d'une garantie, a entaché la procédure suivie d'irrégularité.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL Kdo Bazar est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à être déchargée de l'obligation de payer la contribution spéciale. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler le jugement attaqué et de décharger la société appelante de l'obligation de payer la somme de 17 450 euros.
Sur les conclusions présentées par l'OFII tendant à la condamnation de la SARL Kdo Bazar à lui verser la somme de 17 450 euros :
7. En conséquence de ce qui précède, les conclusions présentées par l'OFII et tendant à ce que la Cour condamne la SARL Kdo Bazar à lui payer la somme de 17 450 euros ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Kdo Bazar, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme demandée par l'OFII au titre des frais d'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'OFII, sur le même fondement, le versement de la somme de 1 500 euros à la SARL Kdo Bazar.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1409367 du 14 octobre 2015 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La SARL Kdo Bazar est déchargée de l'obligation de payer la contribution spéciale d'un montant de 17 450 euros.
Article 3 : L'OFII versera la somme de 1 500 euros à la SARL Kdo Bazar sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions d'appel présentées par l'OFII sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Kdo Bazar et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 mai 2017.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
I. LUBEN
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04726