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15/05/2017 | FRANCE | N°15PA00421

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 mai 2017, 15PA00421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rivoire et Lourme-Berthaut a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 21 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision initiale de l'inspecteur du travail, en date du 7 février 2013, refusant de lui accorder l'autorisation de licencier Mme B...C...pour motif économique, ensemble cette dernière décision.

Par un jugement n° 1314966/3-1 du 2 décembre 2014, le Tribu

nal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision en date du 21 août 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Rivoire et Lourme-Berthaut a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 21 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision initiale de l'inspecteur du travail, en date du 7 février 2013, refusant de lui accorder l'autorisation de licencier Mme B...C...pour motif économique, ensemble cette dernière décision.

Par un jugement n° 1314966/3-1 du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision en date du 21 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision initiale de l'inspecteur du travail, en date du 7 février 2013, refusant de lui accorder l'autorisation de licencier Mme B... C...pour motif économique, ensemble cette dernière décision, et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2015, Mme B...C..., représentée par Me Gayat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1314966/3-1 du 2 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement n° 1314966/3-1 du 2 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

3°) en tout état de cause, de rejeter la demande présentée par la société Rivoire et Lourme-Berthaut ;

4°) de mettre à la charge de la société Rivoire et Lourme-Berthaut le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance, qui méconnaissait les dispositions des articles R. 431-4 et R. 431-5 du code de justice administrative, était irrecevable, faute de pouvoir identifier le signataire de la requête et de vérifier qu'il disposait de l'une des qualités prévues à l'article R. 431-2 du code de justice administrative ; le jugement attaqué n'a pas répondu à ce moyen ;

- le moyen selon lequel l'administration aurait violé le principe du contradictoire en ne communiquant pas l'ensemble des pièces remises par Mme C...doit être écarté en ce que, d'une part, il n'est pas indiqué quelles seraient les communications de Mme C...qui n'auraient pas été transmises dans le cadre des deux enquêtes contradictoires et que, d'autre part, il est constant que la communication par l'administration aux parties de l'ensemble des pièces produites dans le cadre de l'enquête contradictoire n'a pas à être spontanée ;

- c'est à bon droit que l'inspecteur du travail puis le ministre chargé du travail, par les décisions attaquées, ont estimé que, dès lors que la SCP de notaires Marc Rivoire et Sophie Lourme-Berthaut n'avait pas invoqué à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement d'autres motifs que celui tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la société, que la réalité d'une menace réelle et durable sur cette compétitivité n'était pas établie, dès lors notamment que l'ensemble du notariat a connu une baisse de son activité au cours de la période en cause, que la baisse du chiffre d'affaires de l'étude n'est pas durable et que les résultats des années 2012 et 2013 ont été minorés par des événements exceptionnels, et notamment par le paiement de sommes très importantes en exécution d'un jugement prud'homal et de sommes consécutives à des ruptures de contrats de travail ; le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit ; il ne pouvait, notamment, retenir que les difficultés financières de l'étude étaient en partie issues des irrégularités de gestion commises et que les résultats des années 2012 et 2013 avaient été minorés par des événements exceptionnels, et admettre la réalité de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la société ;

- l'inspecteur du travail a justifié à bon droit le refus d'autorisation de licenciement au motif que l'employeur n'a proposé aucun reclassement au sein de l'entreprise et que s'il allègue d'une impossibilité de reclassement interne, il n'est pas établi que la recherche de possibilité de reclassement ait été réelle et sérieuse ; en effet, la société n'a pas tenu son engagement, formulé lors de la procédure d'information et de consultation, selon lequel, préalablement à la notification des éventuels licenciements, outre la recherche de poste disponible, elle interrogera les salariés de l'étude sur une réduction de leur temps de travail afin de pouvoir créer un poste ; le jugement attaqué, qui a éludé la portée de la méconnaissance de l'engagement pris devant les représentants du personnel, devra ainsi être annulé ;

- le motif du licenciement qui a été présenté à l'inspecteur du travail n'était pas la cause véritable du licenciement, qui reposait en réalité sur la prétendue insuffisance de résultats de Mme C... au regard de sa rémunération.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2015, la société Rivoire et Lourme-Berthaut, représentée par Me Pouget, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 500 euros soit mis à la charge de Mme C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance n'était pas irrecevable, l'étude notariale étant régulièrement représentée par un cabinet d'avocat ;

- les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me A...substituant Me Gayat, avocat de MmeC..., et de Me Pouget, avocat de la société Rivoire Lourme-Berthaut.

Considérant ce qui suit :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens de la requête :

1. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...C...a été recrutée le 1er mars 1990 par un contrat à durée indéterminée en qualité de secrétaire qualifiée au sein de l'étude notariale qui allait devenir ultérieurement la société Rivoire Lourme-Berthaut. Elle avait été élue déléguée du personnel suppléante le 18 décembre 2008 et occupait, à la date des décisions litigieuses, les fonctions de clerc de notaire. En novembre 2012, l'étude notariale a engagé une réorganisation de ses activités ; le comité d'entreprise a été informé, le 12 novembre 2012 et les jours suivants, des raisons économiques, financières et techniques de ce projet ainsi que des deux licenciements économiques envisagés, dont le poste occupé par MmeC.... Celle-ci a été convoquée à un entretien préalable le 10 décembre 2012, et la société Rivoire et Lourme-Berthaut a sollicité l'autorisation de la licencier pour motif économique. Par une décision du 7 février 2013, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement. La société Rivoire et Lourme-Berthaut a présenté un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision. Par une décision du 21 août 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision de l'inspectrice du travail du 7 février 2013. Par un jugement du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision en date du 21 août 2013 du ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social et la décision en date du 7 février 2013 de l'inspecteur du travail et, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) ". Aux termes de l'article R. 2421-10 du même code : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel (...) est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. / (...) La demande énonce les motifs du licenciement envisagé. (...) ". Sont au nombre des causes sérieuses de licenciement économique la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise comme les difficultés économiques rencontrées par celle-ci.

3. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de Mme C..., présentée le 13 décembre 2012, était fondée sur la seule " nécessaire réorganisation de l'étude notariale Rivoire Lourme-Berthaut pour sauvegarder sa compétitivité ". Toutefois, au soutien de sa demande, la société Rivoire et Lourme-Berthaut s'est bornée à faire état des difficultés économiques qu'elle rencontrait, en invoquant la baisse de son chiffre d'affaires, de son résultat d'exploitation et de son bénéfice en 2012 et des perspectives pessimistes pour 2013, soit des faits relevant d'une cause de licenciement économique distincte de celle de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise énoncée dans la demande d'autorisation de licenciement et qui ne pouvaient ainsi motiver celle-ci, comme l'ont à bon droit indiqué l'inspecteur du travail puis le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social dans leurs décisions attaquées refusant l'autorisation de licenciement de MmeC.... Par suite, c'est à tort que le jugement attaqué a estimé que la demande d'autorisation de licenciement ne portait pas strictement sur la réorganisation et permettait de regarder cette demande comme également fondée sur ses difficultés financières, et qu'il appartenait à l'administration de donner au fondement de la demande sa juste qualification. Il s'en suit que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Paris doit être annulé.

4. En second lieu, il résulte de ce qui précède que l'inspecteur du travail, puis le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, auraient pris la même décision s'ils n'avaient retenus que le motif tiré du caractère non établi de la menace alléguée sur la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, qui suffisait à lui-seul à justifier le refus d'autoriser le licenciement de MmeC.... Dès lors, à supposer même que l'inspecteur du travail ait entaché sa décision du 7 février 2013 d'une erreur d'appréciation en estimant qu'il n'était pas établi que la recherche de possibilité de reclassement ait été réelle et sérieuse, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de cette décision, comme de celle du ministre chargé du travail la confirmant.

5. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Rivoire et Lourme-Berthaut devant le Tribunal administratif de Paris.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par MmeC... :

6. Si la société Rivoire et Lourme-Berthaut soutient que le principe du contradictoire aurait été méconnu en ce que l'inspecteur du travail et le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ne lui auraient pas transmis l'intégralité des pièces produites par MmeC..., elle n'assortit toutefois, ni dans sa requête, ni dans son mémoire en réplique enregistré le 18 mai 2014, ni dans son mémoire récapitulatif enregistré le 21 juillet 2014, son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé en indiquant, au moins sommairement, quelles seraient les pièces qui ne lui auraient pas été communiquées.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 21 août 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision initiale de l'inspecteur du travail, en date du 7 février 2013, refusant de lui accorder l'autorisation de la licencier pour motif économique, ensemble cette dernière décision.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance ; dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la société Rivoire et Lourme-Berthaut doivent être rejetées.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Rivoire et Lourme-Berthaut le paiement à Mme C...de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1314966/3-1 du 2 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Rivoire et Lourme-Berthaut devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société Rivoire et Lourme-Berthaut versera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Rivoire et Lourme-Berthaut.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2017.

Le président rapporteur,

I. LUBENLe premier conseiller le plus ancien,

S. BONNEAU-MATHELOTLe greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA00421


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00421
Date de la décision : 15/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : JDS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-05-15;15pa00421 ?
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