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27/04/2017 | FRANCE | N°15PA02079

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 27 avril 2017, 15PA02079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 décembre 2013 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a ordonné son transfert du centre de détention de Bourg-en-Bresse au quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure.

Par un jugement n° 1318119 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2015, M. D..., représenté

par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1318119 du 29 janvier 2015 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 décembre 2013 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a ordonné son transfert du centre de détention de Bourg-en-Bresse au quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure.

Par un jugement n° 1318119 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2015, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1318119 du 29 janvier 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 5 décembre 2013 ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice d'ordonner son transfert vers le centre de détention de Bourg-en-Bresse sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car sa requête n'est pas irrecevable faute d'être dirigée contre une décision faisant grief : un centre de détention et une maison centrale ne peuvent être regardés comme des établissements de même nature et, par ailleurs, la décision attaquée aura pour effet de réduire les possibilités de visite de sa compagne ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure faute de consultation pour avis du juge d'application des peines et du procureur de la République ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation, le prétendu mauvais comportement d'un détenu ne pouvant justifier son transfert ;

- la décision de transfert porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- la décision de transfert constitue une seconde sanction disciplinaire à raison de l'altercation survenue avec la directrice adjointe et méconnaît ainsi la règle " non bis in idem " ;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 27 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- et les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant que M.D..., condamné en dernier lieu, le 13 décembre 2006, à une peine de seize ans d'emprisonnement, a été incarcéré au centre de détention de Bourg-en-Bresse ; que, par décision du 5 décembre 2013, le garde des sceaux, ministre de la justice, a ordonné son transfert au quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure ; que M. D...relève appel du jugement du 29 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 717 du code de procédure pénale :

" Les condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peines. Les condamnés à l'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans peuvent, cependant, à titre exceptionnel, être maintenus en maison d'arrêt et incarcérés, dans ce cas, dans un quartier distinct, lorsque des conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur personnalité le justifient (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 70 du même code :

" Les établissements pour peines, dans lesquels sont reçus les condamnés définitifs, sont les maisons centrales, les centres de détention, les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs, les centres de semi-liberté et les centres pour peines aménagées (...) Les centres pénitentiaires regroupent des quartiers distincts pouvant appartenir aux différentes catégories d'établissements pénitentiaires. Ces quartiers sont respectivement dénommés, en fonction de la catégorie d'établissement correspondante, comme suit : "quartier maison centrale", "quartier centre de détention", "quartier de semi-liberté", "quartier pour peines aménagées", "quartier maison d'arrêt" " ; qu'aux termes de l'article D. 71 du même code : " Les maisons centrales et les quartiers maison centrale comportent une organisation et un régime de sécurité renforcé dont les modalités internes permettent également de préserver et de développer les possibilités de réinsertion sociale des condamnés (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 72 du même code : " Les centres de détention comportent un régime principalement orienté vers la réinsertion sociale et, le cas échéant, la préparation à la sortie des condamnés (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 82 du code : " L'affectation peut être modifiée soit à la demande du condamné, soit à la demande du chef de l'établissement dans lequel il exécute sa peine. La décision de changement d'affectation appartient au ministre de la justice, dès lors qu'elle concerne : 1° Un condamné dont il a décidé l'affectation dans les conditions du deuxième alinéa de l'article D. 80 et dont la durée de l'incarcération restant à subir est supérieure à trois ans, au jour où est formée la demande visée au premier alinéa (...) L'affectation ne peut être modifiée que s'il survient un fait ou un élément d'appréciation nouveau " ;

3. Considérant, en premier lieu, que M. D...soutient que la décision attaquée ne constitue pas une décision de changement d'affectation mais une sanction disciplinaire ; que, s'il est constant que cette décision est intervenue à la suite d'un incident survenu le 6 septembre 2013 entre le requérant et le directeur adjoint du centre de détention de Bourg-en-Bresse, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle a été prise, compte tenu de différentes plaintes du requérant à l'encontre de la direction du centre de détention de Bourg-en-Bresse, en vue de permettre à l'intéressé

" de s'investir à nouveau dans son parcours d'exécution de peine dans un endroit neutre tout en permettant le maintien des liens familiaux " ; qu'ainsi, la décision du 5 décembre 2013 ne peut être regardée comme constituant une sanction disciplinaire ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les décisions de changement d'affectation entre établissements de même nature ne constituent pas des mesures susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus ;

5. Considérant, d'une part, que M. D...soutient que son transfert du centre de détention de Bourg-en-Bresse vers le quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure aura pour effet de lui imposer des conditions de détention plus strictes compte tenu du régime de sécurité renforcé, tel qu'il résulte des dispositions de l'article D. 71 du code de procédure pénale et du règlement intérieur type annexé à l'article R. 57-6-18 de ce code ; que toutefois, même si certaines dispositions du code de procédure pénale s'appliquent distinctement au régime de détention des centres de détention et des maisons centrales, ces établissements pour peine doivent être regardés comme étant de même nature ;

6. Considérant, d'autre part, que M. D...soutient que la décision du 5 décembre 2013 aura pour effet de rendre plus difficile l'exercice du droit de visite de sa concubine car le centre de détention de Bourg-en-Bresse est situé à 60 kilomètres du domicile de celle-ci alors que le centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure en est éloigné de 210 kilomètres ; que, cependant, ce seul éloignement géographique qui reste mesuré et n'empêche pas toute visite de ses proches, ne remet pas en cause, compte tenu des contraintes inhérentes à la détention, le droit au maintien des liens familiaux protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la concubine de M. D...lui rend visite très régulièrement au quartier maison centrale du centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure où elle s'est rendue pour exercer son droit de visite vingt-trois fois en quatre mois ;

7. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit aux points 5 et 6 que la décision du

5 décembre 2013 portant changement d'affectation de M. D...ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 décembre 2013 ; que sa requête d'appel, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 avril 2017.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. B...La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02079
Date de la décision : 27/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours - Mesures d'ordre intérieur.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-04-27;15pa02079 ?
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