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06/04/2017 | FRANCE | N°16PA02593

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 06 avril 2017, 16PA02593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...D...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et, d'autre part, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n°s 1509500 et 1509536 du 13 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a pron

oncé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés par l'administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...D...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et, d'autre part, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n°s 1509500 et 1509536 du 13 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés par l'administration en cours d'instance en ce qui concerne les impositions de l'année 2012, et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2016, M. et MmeD..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1509500 et 1509536 du 13 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes ;

2°) de prononcer la décharge, assortie des intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 procédant de la réintégration à leurs revenus fonciers de la taxe sur les ordures ménagères qu'ils ont acquittée au titre de ces deux années ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais qu'ils ont exposés tant en appel qu'en première instance.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 12 du code général des impôts, selon lequel seul un revenu disponible est taxable ;

- le propriétaire du logement est seul redevable de la taxe sur les ordures ménagères et peut, à ce titre, déduire cette imposition de ses revenus fonciers, y compris lorsque le bail met à la charge du locataire le remboursement de la taxe ; elle constitue une charge incombant normalement au propriétaire ;

- la réintégration dans les recettes du propriétaire du montant des dépenses lui incombant normalement et mises, par convention, à la charge des locataires, selon les termes de l'article 29 du code général des impôts, suppose l'existence d'une convention entre le locataire et le propriétaire ; la taxe sur les ordures ménagères demeure déductible y compris en présence de conventions imposant au locataire le paiement de la taxe ;

- considérer que la taxe n'est pas déductible des revenus fonciers et inclure dans les revenus imposables le montant de son remboursement par le locataire revient à faire échec au mécanisme de neutralisation et conduit à imposer le propriétaire sur un revenu théorique, non perçu et non disponible, en méconnaissance des dispositions de l'article 12 du code général des impôts ;

- ils ont acquitté la taxe sur les ordures ménagères émise au titre des années en litige, qui n'a pas été remboursée par leur locataire ;

- ils sont fondés à se prévaloir de la réponse ministérielle faite à M.C..., AN 9 mai 1994 p. 2321 n° 8215 et à M.E..., AN 4 décembre 1995 p. 5147 n° 22834, reprise dans la documentation administrative référencée 6 F-1211 n° 20, du 1er mars 1995 et au BOI-IF-AUT-90 n° 270, du 12 septembre 2012 et de la documentation administrative référencée BOI-RFPI-BASE-10-20 n° 40 et 50 et 60 du 12 septembre 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions à fin de décharge de la requête de M. et Mme D...ne sont pas recevables en ce qu'elles excèdent le montant des chefs de rehaussement contestés ;

- les moyens soulevés par M. et Mme D...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le livre des procédures fiscales et le code général des impôts ;

- le décret n° 87-713 du 26 août 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Coiffet,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

1. Considérant que M. et Mme D...ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal à l'issue duquel le service a, par une proposition de rectification du 15 avril 2014, remis en cause la déduction de leurs revenus fonciers imposables au titre des années 2011 et 2012, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères dont ils s'étaient acquittés pour ces années, d'intérêts d'emprunt pour l'acquisition de leur résidence principale, de travaux de réparation et d'amélioration, ainsi que d'un crédit d'impôt relatif à des dépenses en faveur de la qualité environnementale, et les a assujettis à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, assortie des intérêts de retard au titre de l'année 2011 et à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, majorées des intérêts de retard et de la pénalité au taux de 10% , prévue à l'article 1758 A du code général des impôts, pour l'année 2012 ; que M. et Mme D... font appel du jugement du 13 juin 2016, par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés par l'administration en cours d'instance en ce qui concerne les impositions de l'année 2012, et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes ; qu'ils ne contestent plus en appel que le bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu demeurés à leur charge procédant de la réintégration à leurs revenus fonciers de la taxe sur les ordures ménagères qu'ils ont acquittée au titre des années 2011 et 2012 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements doivent être motivés " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que M. et Mme D...ont soulevé un moyen tiré de ce que la position du service, qui refuse d'admettre comme charge déductible des revenus fonciers la taxe d'enlèvement des ordures ménages et inclut le montant de son remboursement par le locataire dans les revenus imposables, conduit à imposer le propriétaire sur un revenu non perçu et non disponible, en méconnaissance de l'article 12 du code général des impôts, selon lequel seul un revenu disponible est taxable ; qu'il ressort des mentions du jugement attaqué que le tribunal administratif n'a pas visé, ni analysé le moyen ainsi présenté et n'y a pas répondu ; que ce jugement a, dans cette mesure, été rendu dans des conditions irrégulières et doit, par suite, être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions des demandes des contribuables tendant à la décharge, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et, d'autre part, de la fraction des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, et de la pénalité se rapportant à ces contributions, demeurées à leur charge au titre de l'année 2012, procédant de la réintégration à leurs revenus fonciers de la taxe sur les ordures ménagères qu'ils ont acquittée pour les deux années ; qu'il a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur ces conclusions ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ; qu'aux termes de l'article 29 de ce code : " (...) le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut. Il n'est pas tenu compte des sommes versées par les locataires au titre des charges leur incombant.(...) " ; qu'aux termes de l'article 31 du même code : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : / (...) c) Les impositions, autres que celles incombant normalement à l'occupant, perçues, à raison desdites propriétés, au profit des collectivités territoriales, de certains établissements publics ou d'organismes divers ainsi que la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux,(...). " ; qu'enfin, selon l'annexe au décret susvisé du 26 août 1987, la taxe ou la redevance d'enlèvement des ordures ménagères est au nombre des impositions et redevances récupérables par les propriétaires sur leurs locataires ;

5. Considérant, en premier lieu, que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui fait partie des charges récupérables auprès des locataires, ainsi que le prévoit l'annexe du décret susvisé du 26 août 1987, pris en application de l'article 18 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière et fixant la liste des charges récupérables, ne constitue pas une imposition autre que celles incombant normalement à l'occupant au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts ; que, par suite, M. et Mme D...n'étaient pas en droit de déduire de leurs revenus fonciers des années 2011 et 2012 la taxe d'enlèvement des ordures ménagères afférente à l'immeuble situé rue de Cotte à Paris, qu'ils donnaient en location, laquelle était à la charge de leur locataire ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères constituant une charge incombant normalement au locataire, les requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article 29 du code général des impôts aux termes desquelles les dépenses incombant normalement au propriétaire et mises par les conventions à la charge des locataires doivent être prises en compte pour la détermination du montant des revenus fonciers bruts ; que la circonstance alléguée qu'ils n'ont pas demandé à leur locataire le remboursement de la taxe en litige est sans incidence sur le bien-fondé du rehaussement contesté dès lors qu'ils ne pouvaient légalement imputer le montant de cette taxe, qui n'était pas à leur charge, sur les revenus fonciers qu'ils avaient perçus au titre des années 2011 et 2012 ;

7. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le rehaussement en litige procède uniquement du refus de l'administration d'admettre au titre des charges déductibles des revenus fonciers de M. et Mme D...la taxe d'enlèvement des ordures ménagères que ceux-ci ont acquittée au titre des années 2011 et 2012 et qui incombait normalement à leur locataire ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'ils soutiennent, le service ne les a pas imposés sur un revenu théorique, non perçu et non disponible, en méconnaissance des dispositions de l'article 12 du code général des impôts ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ;

9. Considérant que les requérants ne sont pas fondés à invoquer les réponses ministérielles faites, le 4 décembre 1995, à M. E...et, le 9 mai 1994, à M.C..., reprise pour cette dernière par la documentation administrative référencée 6 F-1211 n° 20, du 1er mars 1995 et au BOI-IF-AUT-90 n° 270, du 12 septembre 2012, qui ne comportent pas d'interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt ; qu'ils ne peuvent davantage se prévaloir des termes de la documentation administrative référencée BOI-RFPI-BASE-10-20 n°s 40, 50 et 60 du 12 septembre 2012, commentant les dispositions de l'article 29 du code général des impôts relatives aux dépenses incombant au propriétaire mais mises, par convention, à la charge du locataire dès lors, qu'ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 6, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères constitue une charge incombant normalement au locataire ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre des finances et des comptes publics, que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander la décharge, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et, d'autre part, de la fraction des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales demeurées à leur charge au titre de l'année 2012, procédant de la réintégration à leurs revenus fonciers de la taxe sur les ordures ménagères qu'ils ont acquittée pour les deux années ; que, par suite, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 1509500 et 1509536 du 13 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions des demandes de M. et Mme D...tendant à la décharge d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et, d'autre part, de la fraction des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, et de la pénalité se rapportant à ces contributions, demeurées à leur charge au titre de l'année 2012, procédant de la réintégration à leurs revenus fonciers de la taxe sur les ordures ménagères qu'ils ont acquittée pour les deux années.

Article 2 : Les conclusions des demandes présentées par M. et Mme D...devant le Tribunal administratif de Paris tendant à la réduction d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et, d'autre part, de la fraction des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, et de la pénalité se rapportant à ces contributions, demeurées à leur charge au titre de l'année 2012, procédant de la réintégration à leurs revenus fonciers de la taxe sur les ordures ménagères qu'ils ont acquittée pour les deux années, et le surplus des conclusions de leur requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...D...et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 23 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 avril 2017.

Le rapporteur,

V. COIFFETLe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02593
Date de la décision : 06/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable - Charges déductibles du revenu global.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : SELARL ARILLA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-04-06;16pa02593 ?
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