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30/03/2017 | FRANCE | N°15PA03592

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 30 mars 2017, 15PA03592


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Mouvement Raëlien International a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 mars 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur s'est opposé à l'acceptation du legs consenti par M. B...A....

Par un jugement n° 1309965/7-1 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision attaquée et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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rocédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 11 septembre 2015, le ministr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Mouvement Raëlien International a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 mars 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur s'est opposé à l'acceptation du legs consenti par M. B...A....

Par un jugement n° 1309965/7-1 du 2 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision attaquée et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 11 septembre 2015, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 1309965/7-1 du 2 juillet 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association Mouvement Raëlien International devant le tribunal administratif de Paris

Il soutient que :

- la circonstance qu'une association revête le caractère d'un mouvement sectaire au sens de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales n'est pas le seul motif pour lequel l'administration peut refuser l'autorisation d'exécution d'un legs ;

- le décret du 11 mai 2007 modifié par le décret du 19 mars 2012 ne limite pas la possibilité pour le ministre de s'opposer à un legs au cas où l'association légataire exercerait des activités sectaires ; la sauvegarde de l'ordre public peut constituer un motif d'opposition à un legs consenti à une association étrangère ;

- les activités du Mouvement Raëlien International portent atteinte à l'ordre public et il y a lieu de substituer ce motif au premier motif retenu par l'administration qui était tiré de ce que ce mouvement exerce des activités relevant d'une secte.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2016 et 24 février 2017, l'association Mouvement Raëlien International, représentée par MeC..., conclut dans le dernier état de ses écritures au rejet du recours et à ce que le versement de la somme de 7 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code civil ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 ;

- la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;

- le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour l'association Mouvement Raëlien International.

1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 2 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 21 mars 2013 par laquelle l'administration s'est opposée à l'acceptation du legs consenti par M. B...A...à l'association de droit suisse Mouvement Raëlien International ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 910 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur : " Les dispositions entre vifs ou par testament au profit des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux ou d'établissements d'utilité publique n'ont leur effet qu'autant qu'elles sont autorisées par arrêté du représentant de l'Etat dans le département. / Toutefois, les dispositions entre vifs ou par testament au profit des fondations, des congrégations et des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités (...), à l'exception des associations ou fondations dont les activités ou celles de leurs dirigeants sont visées à l'article 1er de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, sont acceptées librement par celles-ci. / Si le représentant de l'Etat dans le département constate que l'organisme légataire ou donataire ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour avoir la capacité juridique à recevoir des libéralités ou qu'il n'est pas apte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire, il peut former opposition à la libéralité, dans des conditions précisées par décret, la privant ainsi d'effet. / Les libéralités consenties à des Etats étrangers ou à des établissements étrangers habilités par leur droit national à recevoir des libéralités sont acceptées librement par ces Etats ou par ces établissements, sauf opposition formée par l'autorité compétente, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article 6-1 du décret du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l'article 910 du code civil, dans sa rédaction issue du décret du 19 mars 2012 relatif au régime des libéralités consenties aux Etats et aux établissements étrangers habilités par leur droit national à recevoir des libéralités : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux libéralités consenties aux Etats et aux établissements étrangers dans les cas suivants : 1° En matière de legs : a) Pour les successions ouvertes en France, lorsque la libéralité porte sur des biens immobiliers ou mobiliers situés en France (...) " ; qu'aux termes de l'article 6-4 du même décret : " Au vu des avis recueillis, le ministre de l'intérieur peut faire usage de son droit d'opposition à l'acceptation des libéralités consenties aux Etats ou établissements étrangers, pour les motifs tirés : (...) 2° De la nature des activités de l'établissement étranger ou de ses dirigeants, en particulier celles visées à l'article 1er de la loi du 12 juin 2011 (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 du décret du 19 mars 2012 précité : " La demande d'autorisation de l'acceptation d'une libéralité consentie à un Etat ou à un établissement étrangers formulée avant la publication du présent décret vaut déclaration et le délai d'opposition de douze mois ouvert au ministre de l'intérieur pour statuer court à compter de la publication du présent décret " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales : " Peut être prononcée, selon les modalités prévues par le présent article, la dissolution de toute personne morale, quelle qu'en soit la forme juridique ou l'objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsque ont été prononcées, contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales définitives pour l'une ou l'autre des infractions mentionnées ci-après : 1° Infractions contre l'espèce humaine, infractions d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs, d'atteintes aux biens prévues par les articles 214-1 à 214-4, 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17 et 225-18, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3, 324-1 à 324-6 et 511-1-2 du code pénal (... ) " ;

4. Considérant que pour s'opposer, par la décision attaquée, au legs consenti par M. A... à l'intimée, le ministre de l'intérieur a considéré que les activités de l'association Mouvement Raëlien International étaient constitutives d'activités sectaires au sens des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 12 juin 2001 ;

5. Considérant, en premier lieu, que pas plus en appel qu'en première instance, le ministre de l'intérieur qui au demeurant se borne devant la cour à soutenir que les activités de l'association Mouvement Raëlien International portent atteinte à l'ordre public, n'établit que les activités de l'intimée sont constitutives de celles d'une secte au sens de la loi précitée du 12 juin 2001 ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Paris dans le jugement attaqué, il ressort des pièces du dossier et notamment des énonciations d'arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, que les préceptes diffusés par l'association Mouvement Raëlien International visent à promouvoir le clonage et que les ouvrages du fondateur du mouvement sur la " méditation sensuelle " sont susceptibles de conduire des adeptes à des infractions sexuelles sur des mineurs, le ministre de l'intérieur n'établit pas, ni même n'allègue, que le Mouvement Raëlien International, qui une association légalement reconnue en Suisse où elle a son siège social, aurait porté atteinte à l'ordre public en France, alors qu'elle n'y est pas interdite, qu'il n'est pas contesté que M.A..., qui résidait sur le territoire national, a été membre actif de cette organisation sans qu'il ait été défavorablement connu des services de police ou inquiété par ceux-ci ; que, par suite, le ministre de l'intérieur, qui n'établit aucune menace à l'ordre public en France, ne peut en toute hypothèse soutenir que sa décision d'opposition au legs serait légalement justifiée par la sauvegarde de l'ordre public ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 mars 2013 s'opposant au legs consenti par M. A...;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante en la présente instance, la somme de 500 euros au titre des frais exposés par l'association Mouvement Raëlien International pour se défendre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à l'association Mouvement Raëlien International une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à l'association Mouvement Raëlien International.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 mars 2017.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15PA03592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA03592
Date de la décision : 30/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Associations et fondations - Régime juridique des différentes associations - Associations reconnues d'utilité publique - Ressources - Origine - Dons et legs.

Dons et legs - Domaine et procédure de l'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : BONNEFOI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-30;15pa03592 ?
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