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08/03/2017 | FRANCE | N°16PA00286

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 08 mars 2017, 16PA00286


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 mars 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 1514001/2-2 du 21 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du préfet de police du 5 mars 2015 fixant le pays de destination, a enjoint au préfet de polic

e de réexaminer la situation de Mme B...dans le délai de trois mois à compter de la notif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 mars 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Par un jugement n° 1514001/2-2 du 21 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du préfet de police du 5 mars 2015 fixant le pays de destination, a enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme B...dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B...de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2016, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande de MmeB....

Il soutient que :

- la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2016, Mme C...B..., représentée par Me A...conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer un autorisation provisoire de séjour durant cet examen, et enfin à qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 13 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés,

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jimenez a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeB..., ressortissante guinéenne née le 12 janvier 1990, est entrée en France, selon ses déclarations, le 4 septembre 2012 ; qu'elle a demandé son admission au séjour au titre de l'asile sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 et de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par décision du

16 avril 2014, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 novembre suivant ; que, par un arrêté du 5 mars 2015, le préfet de police a refusé de délivrer à Mme B...un titre de séjour et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ainsi que d'une décision fixant le pays de destination ; que le préfet de police relève appel du jugement du 21 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé la décision fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B...dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de la requérante de la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991 ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

3. Considérant que les premiers juges ont retenu que les pièces produites par Mme B...permettaient d'établir que l'intéressée est homosexuelle, que la Cour nationale du droit d'asile avait retenu ce fait et qu'elle devait, dès lors être regardée comme appartenant à un groupe social pouvant faire l'objet de persécutions en Guinée, au sens de l'article 1er A de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ; que toutefois, la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 27 novembre 2014 se borne à indiquer que l'homosexualité de Mme B..." ne peut être exclue ", après avoir relevé que les déclarations de l'intéressée sur la nature de sa relation avec une jeune femme avaient été très sommaires et lacunaires ; que le préfet de police fait valoir, en outre, qu'il ressort du rapport du 31 mars 2014 de la Direction des recherches de la commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada que si l'homosexualité est réprimée en Guinée, aucune poursuite judiciaire n'a, jusqu'à présent, été intentée sur ce fondement ; que si Mme B...produit en défense un rapport 2015/2016 d'Amnesty International sur la Guinée ainsi qu'un article de journal faisant état de l'arrestation d'homosexuels à Conakry les 30 octobre 2015 et 22 avril 2016 et se prévaut de sa condamnation à une peine de cinq ans d'emprisonnement, il ressort des pièces produites par ses soins tant en première instance qu'en appel, que la peine maximale prévue par l'article 325 du code pénal guinéen est un emprisonnement de trois ans lorsqu'il s'agit d'une relation homosexuelle entre personnes consentantes ; que, dans ses conditions, et compte tenu du caractère extrêmement élusif de ses déclarations devant le juge de l'asile, il ne ressort pas du dossier que Mme B...serait exposée, en cas de retour en Guinée, à des risques personnels graves au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de cet article ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fixant le pays à destination duquel Mme B...pourra être éloignée ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 5 mars 2015 fixant le pays à destination duquel Mme B...pourrait être éloignée, la requérante n'ayant soulevé en première instance et ne soulevant devant le juge d'appel aucun autre moyen dirigé contre cette décision ; qu'il est fondé à obtenir, en conséquence, et en l'absence de conclusions incidentes présentées par Mme B...en appel, l'annulation des articles 1, 2 et 3 du jugement attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme B...contre cette décision, tant en première instance qu'en appel ; qu'il y a lieu également de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au prononcé d'une injonction sous astreinte, ainsi que celle tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement n° 1514001/2-2 du 21 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B...devant la Tribunal administratif de Paris contre la décision fixant le pays de destination et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 février 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, président conseiller,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 mars 2017.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA00286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00286
Date de la décision : 08/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : BESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-08;16pa00286 ?
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