Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2015 par lequel le préfet de police lui a retiré les cartes de séjour temporaires valables du 29 octobre 2012 au 28 octobre 2013 et du 4 décembre 2013 au 3 décembre 2014 qui lui avaient été délivrés, lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1514350/1-3 du 11 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 8 juillet 2015 et a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A...un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1514350/1-3 du 11 décembre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la reconnaissance par un ressortissant français de l'enfant de Mme A...ne présentait pas un caractère frauduleux, alors qu'un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants permettent d'établir qu'il s'agit d'une reconnaissance de complaisance effectuée afin de facilité l'octroi de la nationalité française à cet enfant pour ensuite permettre à Mme A...d'obtenir la régularisation de son séjour en France en qualité de mère d'un enfant français ;
- il entend conserver l'entier bénéfice des écritures présentées en première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2016, MmeA..., représentée par Me Peratou, conclut au rejet de la requête, à ce que l'arrêté du 8 juillet 2015 du préfet de police soit annulé, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que le moyen présenté par le préfet de police n'est pas fondé.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Luben a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...A..., ressortissante camerounaise née le 19 juillet 1979 à Douala (Cameroun), entrée en France en mai 2010 selon ses déclarations, a obtenu, à la suite de la naissance en France, le 13 octobre 2010, de son enfant MangoloA..., de nationalité française, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 6 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de parent d'enfant français. Ce premier titre de séjour, valable du 29 octobre 2012 au 28 octobre 2013, a été renouvelé pour la période allant du 4 décembre 2013 au 3 décembre 2014. Par l'arrêté litigieux du 8 juillet 2015, le préfet de police a retiré les deux titres de séjour délivrés à l'intéressée, a refusé de renouveler ledit titre au motif que son admission au séjour avait été obtenue par fraude, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office à l'issue de ce délai. Le préfet de police relève appel du jugement du 11 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) ".
3. Un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors que les délais encadrant le retrait d'un acte individuel créateur de droit sont écoulés, il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude, tant s'agissant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer l'acte que de l'intention du demandeur de la tromper, pour procéder à ce retrait.
4. En outre, si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec, même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions précitées du 6 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance du titre de séjour sollicité par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
5. Pour retirer à l'intéressée ses précédents titres de séjour et refuser de renouveler le dernier, le préfet de police s'est fondé sur les circonstances que Mme A...est entrée en France enceinte de quatre mois, qu'elle n'a jamais vécu avec le père de l'enfant, qui d'ailleurs ne porte pas son nom, et qu'au surplus il apparaît que le ressortissant français qui a reconnu l'enfant de Mme A...est à l'origine de quatre autres reconnaissances de complaisance de paternité, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris ayant été saisi à la date du 23 juillet 2014 par les services de police afin qu'une enquête soit diligentée, l'ensemble de ces circonstances constituant un faisceau d'indices concordants pour caractériser une fraude à la reconnaissance de paternité.
6. Toutefois, d'une part, alors que Mme A...indique qu'elle a rencontré au Cameroun le ressortissant français dont s'agit et qu'elle est tombée enceinte à la suite d'une très brève relation, le préfet de police, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit pas l'inexactitude ou l'impossibilité matérielle de cette relation et de son fruit, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'enfant de Mme A...a été reconnu avant sa naissance, le 13 octobre 2010, par son père, sans qu'importe ainsi la circonstance, relevée par le préfet de police, que l'enfant ne porte pas le nom de son père. D'autre part, le préfet de police ne peut utilement se fonder, au regard des dispositions précitées du 6 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur les circonstances que Mme A...ne vit pas et n'a jamais vécu avec le père de son enfant, avec lequel elle n'aurait pas eu de projet de vie commune, et qu'il n'est pas établi que le père de l'enfant entretiendrait des liens avec son fils et qu'il contribuerait effectivement à ses besoins et à son éducation. Enfin, si le préfet de police fait valoir que le père de l'enfant aurait reconnu quatre autres enfants, de mères de nationalité camerounaise et ivoirienne résidant irrégulièrement sur le territoire à la date de naissance de ces enfants, il n'établit son assertion qu'en ce qui concerne un seul de ces enfants. La circonstance que cet enfant est né le 17 décembre 2010, soit à moins de deux mois d'intervalle de la naissance du fils de MmeA..., né le 13 octobre 2010, n'est pas, à elle seule et en l'absence d'autres éléments, de nature à faire regarder la reconnaissance de paternité comme étant de complaisance. En outre, comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, le préfet de police a motivé la décision attaquée en précisant que le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris avait été saisi en date du 23 juillet 2014 par les services de police afin qu'une enquête soit diligentée, mais n'a indiqué, ni en première instance ni dans sa requête d'appel les suites qui avaient été réservées à cette enquête et les éventuelles décisions prises par l'autorité judiciaire. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les éléments invoqués par le préfet de police ne suffisaient pas, à eux seuls, à établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité du père de l'enfant de MmeA..., et qu'ainsi celle-ci était fondée à soutenir que le préfet de police ne pouvait légalement retirer les cartes de séjour précédemment obtenues et lui refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement du 6 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 11 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 juillet 2015 par lequel il a retiré les deux cartes de séjour temporaire dont était titulaire MmeA..., lui a refusé le droit au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées en appel par Mme A... :
8. Le Tribunal administratif de Paris ayant enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour à MmeA..., et ce jugement ayant été confirmé par le présent arrêt, il appartient au préfet de police de se conformer à ce jugement en délivrant à Mme A...ce titre de séjour. En conséquence, il n'y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur les conclusions développées en appel par Mme A...tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions également développées en appel par Mme A...tendant à ce que l'injonction soit assortie d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. / Si, à l'issue du délai de douze mois mentionné au troisième alinéa, l'avocat n'a pas demandé le versement de tout ou partie de la part contributive de l'Etat, il est réputé avoir renoncé à celle-ci. (...) " ; aux termes du 3ème alinéa de l'article 76 de la même loi : " (...) Les bureaux d'aide juridictionnelle se prononceront dans les conditions prévues par les textes en vigueur à la date à laquelle les demandes ont été présentées et les admissions produiront les effets attachés à ces textes. (...) ". Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 mars 2016. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Peratou, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Peratou de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Peratou, avocat de MmeA..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Peratou renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Les conclusions aux fins d'astreinte développées en appel par Mme A...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B...A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bernard, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 mars 2017.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00212