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02/03/2017 | FRANCE | N°15PA02952

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 02 mars 2017, 15PA02952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société HBH Communications a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2006 et du 1er janvier 2007 au 30 avril 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1304722/1-2 du 9 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société HBH Communications à concu

rrence du dégrèvement d'un montant de 36 674 euros en droits et 19 703 euros en pénal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société HBH Communications a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2006 et du 1er janvier 2007 au 30 avril 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1304722/1-2 du 9 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société HBH Communications à concurrence du dégrèvement d'un montant de 36 674 euros en droits et 19 703 euros en pénalités prononcé en cours d'instance par l'administration fiscale et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2015, la société HBH Communications demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304722/1-2 du 9 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'a pas produit les documents relatifs aux vérifications de comptabilité des sociétés tierces qui lui ont été opposés ;

- les procès-verbaux qui lui ont été transmis ne peuvent être exploités compte tenu de l'importance des passages tronqués ;

- l'administration ne s'est fondée pour établir les redressements que sur des éléments obtenus lors des vérifications de comptabilité des sociétés tierces ;

- les extraits la concernant des propositions de rectifications adressées à ces sociétés ne lui ont pas été communiqués ;

- les éléments dont fait état l'administration ne permettent pas d'établir qu'elle aurait participé en connaissance de cause à un circuit de fraude ;

- les fournisseurs répertoriés comme litigieux par l'administration étaient occasionnels et représentent moins de 10 % de ses achats ;

- l'administration n'a pas redressé des sociétés qui avaient les mêmes fournisseurs ;

- les redressements effectués au titre de la taxe sur la valeur ajoutée collectée chez certains de ces fournisseurs et au titre de la taxe sur la valeur ajoutée déduite chez elle conduisent à des doubles impositions ;

- les pénalités pour manquement délibéré mises à sa charge sont infondées dès lors que l'administration n'établit pas qu'elle a participé en connaissance de cause à un circuit frauduleux de facturation.

Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL HBH Communications, qui exerce une activité d'achat-revente et import-export de tous produits et services en rapport avec la téléphonie, les communications, les télécommunications électroniques et l'informatique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 30 avril 2009, au terme de laquelle l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures émises par treize de ses fournisseurs ; que l'administration a, par conséquent, assigné à la société requérante des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période couvrant l'année 2006 et de celle allant du 1er janvier 2007 au 30 avril 2009, assortis de pénalités ; que la société HBH Communications relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 9 juin 2015 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions demeurant en litige;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;

3. Considérant que la société HBH Communications soutient que l'administration ne lui a pas transmis, comme elle le lui demandait, des documents que le service aurait obtenus par l'exercice de son droit de communication, " relatifs aux vérifications de comptabilité des sociétés tierces qui lui ont été opposés " ; que, cependant, il résulte des pièces du dossier que la société HBH Communications n'a demandé à l'administration que la transmission des documents obtenus par celle-ci dans le cadre de son droit de communication et n'a pas présenté de demande spécifique en ce qui concerne les renseignements qui étaient désignés dans les propositions de rectification des 29 décembre 2009 et 28 juillet 2010, comme " issus de vérification de comptabilité " ; qu'il appartenait à la société HBH Communications de demander ces éléments et en particulier les extraits la concernant des propositions de rectifications adressées à ces sociétés tierces, ce qu'elle n'a pas fait ; que l'administration a transmis à la société, par courriers du 6 mai 2010 et du 13 avril 2011, les documents qui étaient désignés dans les propositions de rectification comme " issus du droit de communication ", en particulier ceux obtenus auprès de l'autorité judiciaire à Rennes ; que si la société requérante soutient, à cet égard, que les copies de procès-verbaux d'audition qui lui ont été remises, obtenus par l'administration auprès de l'autorité judiciaire, ne peuvent être exploitées en raison de l'importance des passages tronqués, les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, comme celles que prévoit l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers, sans le consentement de celui-ci ou de toute personne habilitée à cet effet ; que peuvent, dès lors, être régulièrement établis des redressements fondés sur des documents dont les copies détenues par les services fiscaux ne sont communiquées au contribuable qu'après occultation des informations couvertes par un tel secret ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les occultations réalisées par le service auraient eu pour conséquence de remettre en cause la lisibilité et la compréhension des documents transmis, ni qu'elles n'auraient pas été justifiées par l'impératif de respect du secret professionnel ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit, dès lors, être écarté ;

Sur le bien fondé des impositions :

4. Considérant, s'agissant de la période du 1er janvier au 31 décembre 2006, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 271, 272-2 et 283-4 du code général des impôts, d'une part, qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou dont il ne peut ignorer qu'elle n'est pas le véritable fournisseur d'une marchandise ou d'une prestation effectivement livrée ou exécutée, d'autre part, que, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, le bénéfice du droit à déduction doit également être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que cet assujetti savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, même si l'opération en cause satisfait aux critères objectifs sur lesquels sont fondées les notions de livraisons de biens effectuées par un assujetti agissant en tant que tel ; que, s'agissant de la période du 1er janvier 2007 au 30 avril 2009, à laquelle sont applicables les dispositions du 3 de l'article 272 du code général des impôts, celles-ci disposent que : " La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison " ;

5. Considérant qu'il est constant qu'en ayant fait l'acquisition, au cours des périodes en litige, moyennant un prix facturé toutes taxes comprises, de matériels de téléphonie mobile, auprès des fournisseurs CET, International Communication, Line Prestige, Kiss Com, Planet 3G, Pacific Business, Yossi Compagnie, Phenix Conseils, Comaud, Domino, Eurodis, Finex et Parsec, qui ne déclaraient aucune taxe ou une taxe substantiellement minorée à raison de leurs opérations de revente, ou n'acquittaient pas la taxe due à raison des acquisitions intracommunautaires qu'ils effectuaient auprès de fournisseurs situés dans d'autres Etats membres de l'Union européenne, la société HBH Communications a été impliquée dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la requérante ne le conteste pas ; qu'elle fait valoir qu'elle ignorait être impliquée dans un circuit de fraude et que les critères retenus par le service pour établir qu'elle aurait été informée qu'elle participait à ce circuit sont dépourvus de pertinence ;

6. Considérant, toutefois, que l'administration a relevé que les achats effectués auprès de ces fournisseurs par la société HBH Communications l'étaient sur une courte période et représentaient des montants importants ; que les prix pratiqués par ces fournisseurs étaient sensiblement inférieurs à ceux des fournisseurs non dénoncés par l'administration ; que leur objet social était souvent différent de la téléphonie mobile ; que leurs moyens matériels et humains étaient particulièrement restreints et ne correspondaient pas au volume des transactions alléguées ; que leur adresse était souvent celle d'une société de domiciliation ; que le service a également relevé, chez plusieurs fournisseurs, des anomalies dans la chronologie et la numérotation des factures ; que la société requérante était généralement incapable de produire les bons de livraisons des marchandises vendues par ces fournisseurs ; que les numéros IMEI des téléphones n'étaient pas mentionnés sur les factures établies par ces fournisseurs tandis qu'ils l'étaient sur les factures provenant des fournisseurs non dénoncés par le service ; que les opérations d'approvisionnement par la société HBH Communications auprès des fournisseurs litigieux et par ces derniers auprès de leurs propres fournisseurs situés dans d'autres Etats membres de l'Union européenne étaient généralement concomitantes ; que les fournisseurs étaient de création récente ou avaient récemment fait l'objet de changements statutaires ou de changements de dirigeants ; que des relations amicales et personnelles existaient entre les responsables de la société HBH Communications et ceux de ses fournisseurs ou de ses clients ;

7. Considérant que les éléments ainsi relevés par le service sont détaillés, pour chacun des treize fournisseurs concernés, dans les propositions de rectification des 29 décembre 2009 et 28 juillet 2010 ; que la société requérante ne les conteste pas utilement en se bornant à soutenir, d'une manière générale, que les critères retenus par le service ne sont pas pertinents, que les treize fournisseurs en cause étaient occasionnels et représentaient moins de 10 % de ses achats et que la réalité des flux de marchandises en provenance de ces fournisseurs n'est pas contestée par l'administration ; que celle-ci doit être regardée par suite comme apportant la preuve de ce que la requérante savait ou aurait dû savoir que, par l'acquisition de matériels de téléphonie mobile auprès des fournisseurs en cause, elle participait à une opération de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, alors même que ces sociétés se présentaient comme assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et étaient régulièrement inscrites au registre du commerce et des sociétés ; que, par suite, le service était en droit, en ce qui concerne la période courue du 1er janvier au 31 décembre 2006 sur le fondement des dispositions combinées du 2 de l'article 272 et du 4 de l'article 283 du code général des impôts, et, en ce qui concerne la période courue du 1er janvier 2007 au 30 avril 2009, sur le fondement des dispositions précitées du 3 de l'article 272 du même code, de remettre en cause les droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en litige exercés par la société HBH Communications ; que la circonstance que des entreprises ayant une activité similaire à celle de la requérante et les mêmes fournisseurs n'auraient pas été redressées n'a aucune incidence sur le bien-fondé des rappels assignés à la société HBH Communications ; qu'il en va de même du fait que l'administration aurait procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée chez certains de ses fournisseurs et qu'il en résulterait des " doubles impositions " ; qu'enfin, il résulte de l'instruction que, pour établir les rappels litigieux, l'administration ne s'est pas seulement fondée sur les renseignements obtenus lors des vérifications de comptabilité des fournisseurs litigieux mais également sur les constatations effectuées lors du contrôle de la société HBH Communications et sur des éléments propres à celle-ci ;

Sur les pénalités :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 7, l'administration justifie de ce que la société HBH Communications aurait dû savoir que, par ses acquisitions de matériels de téléphonie mobile auprès des fournisseurs en cause, elle participait à une opération de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, elle établit suffisamment, par là même, le caractère délibéré du manquement commis par la société requérante, au sens des dispositions précitées ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société HBH Communications n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société HBH Communications est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société HBH Communications et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction nationale des enquêtes fiscales.

Délibéré après l'audience du 9 février 2017 à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 mars 2017.

Le rapporteur, Le président,

D. DALLE C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02952


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02952
Date de la décision : 02/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : SCP DORLEAC AZOULAY ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-02;15pa02952 ?
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