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27/02/2017 | FRANCE | N°15PA04314

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 27 février 2017, 15PA04314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision en date du 26 février 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Costentin à le licencier.

Par un jugement n° 1500155 du 30 septembre 2015, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 novembre 2015 et 19 décembre 2016, M. D..., représenté par MeC..., demande à la C

our :

1°) d'annuler le jugement n° 1500155 du 30 septembre 2015 du Tribunal administratif de Nouve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision en date du 26 février 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Costentin à le licencier.

Par un jugement n° 1500155 du 30 septembre 2015, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 novembre 2015 et 19 décembre 2016, M. D..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500155 du 30 septembre 2015 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision de l'inspecteur du travail du 26 février 2015 ;

3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur matérielle en ce qu'elle vise un avis d'aptitude du 3 juin 2015 inexistant ;

- la décision contestée est entachée d'un vice de forme et d'un vice de procédure, dès lors qu'elle ne vise aucun avis d'inaptitude, alors qu'un tel avis constitue une formalité substantielle pour permettre le licenciement d'un salarié en arrêt maladie ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation et a opéré un renversement de la charge de la preuve en considérant, à tort, qu'il ne s'était pas rendu à la seconde visite médicale organisée par le service médical interentreprises du travail (SMIT) ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors, premièrement, que son inaptitude n'avait pas été établie par son employeur préalablement à l'enquête, deuxièmement, que son absence n'a pas désorganisé l'entreprise et, troisièmement, qu'il n'est pas démontré que son état n'était pas en lien avec une méconnaissance par son employeur de son obligation de sécurité, alors qu'il existait une présomption d'un tel manquement puisqu'il souffrait d'un " burn-out ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2016, la SARL Costentin, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie,

- le code du travail de la Nouvelle-Calédonie,

- l'accord interprofessionnel territorial de Nouvelle-Calédonie conclu le 27 juillet 1994 entre les représentants des organisations syndicales des employeurs et des salariés représentatives,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernard,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été recruté le 22 novembre 2010 par la société Costentin Nord en qualité de conducteur de travaux. Il a été élu délégué du personnel suppléant le 18 décembre 2012. Son employeur a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de le licencier en raison de son absence prolongée pour maladie. Par une décision du 26 février 2015, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement. Par la présente requête, M. D... demande l'annulation du jugement du 30 septembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du code du travail de la Nouvelle-Calédonie, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur des absences prolongées ou répétées, pour maladie, du salarié, il incombe à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si, eu égard à la nature des fonctions de l'intéressé et aux règles applicables à son contrat, ses absences apportent au fonctionnement de l'entreprise des perturbations suffisamment graves que l'employeur ne peut pallier par des mesures provisoires et qui sont dès lors de nature à justifier le licenciement en vue de son remplacement définitif par le recrutement d'un autre salarié.

S'agissant des moyens tirés du défaut allégué d'avis d'inaptitude du médecin du travail :

3. L'article 76 bis de l'accord interprofessionnel territorial de Nouvelle-Calédonie susvisé prévoit qu'un licenciement fondé sur des absences pour maladie du salarié ne peut intervenir que si l'indisponibilité du salarié s'est prolongée au-delà d'une période de six mois et est due à une maladie non professionnelle ne résultant pas d'un accident du travail. Le deuxième alinéa de cet article prévoit également que : " L'employeur doit informer le salarié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception qu'avant la fin de la période de six mois, l'employeur ou le salarié peuvent solliciter l'avis du médecin du travail sur son aptitude physique. Lorsque le salarié ne recouvre pas l'aptitude à tenir son emploi, et lorsque l'indisponibilité se prolonge au-delà, l'employeur peut résilier le contrat de travail à l'issue de ladite période. (...) S'il résulte de cet avis que le salarié peut reprendre son travail dans les six mois qui suivent cette période, l'employeur ne pourra pas rompre le contrat de travail ".

4. Il résulte de ces stipulations que l'employeur doit informer le salarié de la possibilité de saisir le médecin du travail pour avis. Cette obligation d'information ne s'applique que pour la période des six mois initiaux d'arrêt de travail. En revanche, la consultation de la médecine du travail préalablement au licenciement ne revêt pas en elle-même de caractère impératif. Ce n'est que dans l'hypothèse où le médecin du travail est saisi et émet un avis indiquant que le salarié peut reprendre son travail dans les six mois qui suivent que l'employeur se trouve dans l'impossibilité de procéder au licenciement.

5. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. D..., la régularité de son licenciement n'était pas subordonnée à l'émission préalable d'un avis d'inaptitude par le médecin du travail. Par suite, ses moyens tirés de ce que la décision contestée de l'inspecteur du travail serait entachée, d'une part, d'un vice de forme et d'un vice de procédure au motif qu'elle ne viserait aucun avis d'inaptitude et, d'autre part, d'une erreur d'appréciation au motif que son inaptitude n'aurait pas été préalablement établie doivent être écartés comme inopérants.

6. Au surplus, ces moyens ne sont pas fondés. Il ressort en effet des pièces du dossier que M. D... a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 7 novembre 2013. Six mois plus tard, alors que M. D... se trouvait toujours en arrêt pour maladie, son employeur a sollicité l'avis du médecin du travail. A l'issue de la visite médicale, le 27 mai 2014, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude temporaire de l'intéressé. Par courrier en date du 1er juillet 2014, ce médecin a précisé à l'employeur qu'aucun élément ne lui permettait de déterminer la date de la reprise possible. Or, l'inspecteur du travail a, dans sa décision contestée du 26 février 2015, visé un avis du médecin du travail du 3 juin 2015. Ce faisant, il a nécessairement visé l'avis d'inaptitude du médecin du travail émis à l'issue de l'examen de M. D... du 27 mai 2014, dont la version remise à l'employeur mentionne " imprimé le 3 juin 2014 ". L'inaptitude de M. D... a donc bien été établie préalablement à la procédure de licenciement et si le visa de l'avis dans la décision contestée mentionne une année inexacte, il ne s'agit que d'une simple erreur de plume. En outre, ce n'est que le 24 novembre 2014, soit plus d'un an après le début de son congé de maladie, que M. D... a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement et il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par M. D... que celui-ci a fait l'objet d'une seconde visite médicale le 24 février 2015, à l'issue de laquelle le médecin du travail a encore conclu à son inaptitude. Ainsi, lorsque l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. D..., celui-ci se trouvait en arrêt pour maladie depuis plus de quinze mois et n'était pas apte à reprendre son emploi.

S'agissant des autres moyens :

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui exerçait les fonctions de conducteur de travaux à temps plein, avait pour rôle, d'une part, d'assurer la surveillance du bon avancement des travaux sur plusieurs chantiers de son entreprise, tant sur le plan qualitatif que sur le plan économique, et, d'autre part, de faire la liaison entre le maître d'oeuvre du client et son entreprise. L'employeur de M. D... soutient, sans être contredit, qu'eu égard au caractère à la fois particulier et essentiel de ce poste, l'absence de M. D... ne pouvait pas être palliée par une simple réorganisation des équipes. L'entreprise a donc embauché un remplaçant en contrat à durée indéterminée cinq jours après le début de l'arrêt maladie de M. D.... Puis, lorsque ce salarié a démissionné le 31 juillet 2014, un nouveau conducteur de travaux a été embauché dès le 25 août 2014. Contrairement à ce que soutient M. D..., la circonstance que son absence ait presque immédiatement été palliée par l'embauche d'un salarié en contrat à durée indéterminée ne fait nullement obstacle à la constatation, à la date du licenciement, de ce que son absence était de nature à perturber gravement le fonctionnement de l'entreprise, bien au contraire. Par suite, eu égard, d'une part, à la nature des attributions de M. D..., dont dépendait la bonne marche des chantiers confiés à son employeur et qui ne pouvaient être accomplies que par un agent qualifié, et d'autre part au fait que M. D... ne pouvait être remplacé par d'autres salariés, l'absence prolongée de celui-ci était de nature à apporter au fonctionnement de l'entreprise des perturbations suffisamment graves pour justifier une autorisation de licenciement.

8. D'autre part, M. D... produit un certificat d'un médecin généraliste daté du 30 septembre 2014 mentionnant " suivi d'un burn out " sans plus de précision et fait valoir que, postérieurement à son placement en arrêt pour maladie, il a très rapidement été remplacé par un autre salarié et que son logement de fonction lui a alors été retiré sans qu'il en soit prévenu, ce qui caractériserait selon lui un harcèlement moral. Toutefois, ces allégations, qui ne sont assorties d'aucune précision sur les conditions de travail de M. D... antérieurement à son arrêt, sont insuffisamment étayées pour apporter un commencement de preuve de ce que son arrêt de travail résulterait d'un manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat et de ce que sa maladie serait d'origine professionnelle.

9. En autorisant le licenciement de M. D... en raison de son absence prolongée pour maladie, l'inspecteur du travail n'a donc pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement de la somme que la société Costentin demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Costentin présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la société Costentin et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 13 février 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2017.

Le rapporteur,

A. BERNARDLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA04314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04314
Date de la décision : 27/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : SELARL JEAN-JACQUES DESWARTE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-02-27;15pa04314 ?
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