Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) à lui verser la somme de 250 550,96 euros en réparation de divers préjudices résultant pour lui de son licenciement illégal intervenu le
18 juin 2013 et de lui enjoindre de procéder au versement des cotisations sociales pour la période de son éviction irrégulière.
Par un jugement n° 1425077/5-1 du 19 novembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a condamné le CNAM à verser à M. A...la somme de 5 000 euros, lui a enjoint de procéder au versement des cotisations sociales patronales et salariales concernant l'intéressé au titre de la période du 18 juin 2013 au 31 août 2014, dans un délai de trois mois, et a mis à la charge du CNAM le versement à M. A...de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2016, M.A..., représenté par Me Moulin, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1425077/5-1 du 19 novembre 2015 en tant que, par ce jugement, celui-ci a limité à la somme de 5 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le CNAM et a limité à 2 000 le montant de la somme mise à la charge du CNAM sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2°) de condamner le CNAM à lui verser la somme totale de 239 761 euros ;
3°) de mettre à la charge du CNAM le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité du CNAM a été définitivement consacrée ;
- il a subi un préjudice moral personnel compte tenu du caractère vexatoire de son licenciement illégal, de la rétrogradation fonctionnelle résultant de sa réintégration, de l'atteinte portée à sa notoriété professionnelle et de la crainte liée à la précarité de sa situation financière, qui doit être réparé à hauteur de 150 000 euros ;
- son éviction illégale au cours de la période allant du mois de juin 2013 au
1er septembre 2014 lui a fait perdre une chance sérieuse de bénéficier d'une augmentation, qui doit être indemnisée à hauteur de 20 000 euros ;
- il a droit à la régularisation des parts patronales des cotisations maladie et vieillesse et retraite complémentaire à compter du 18 juin 2013 ;
- il a été contraint de s'endetter et a subi de ce fait un préjudice devant être indemnisé à hauteur de 60 000 euros ;
- il a perdu une chance de bénéficier du dispositif d'examen professionnel réservé de la loi du 12 mars 2012, qui doit être indemnisé à hauteur de 4 000 euros ;
- les frais qu'il a exposés à l'occasion de la contestation de la première mesure de licenciement prise à son encontre le 25 février 2013 n'ont jamais été indemnisés, et doivent donner lieu à la mise à la charge du CNAM de la somme de 5 761 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2016, le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préjudice moral de M. A...a été exactement évalué ;
- aucune perte de chance de bénéficier d'un avancement, qui ne constitue pas un droit pour les agents contractuels, n'est établie par M.A..., lequel bénéficiait d'une rémunération initiale élevée n'ayant pas vocation à évoluer ;
- la régularisation des cotisations sociales ordonnée a été mise en oeuvre ;
- le requérant n'établit pas l'existence de frais financiers afférents aux emprunts souscrits ;
- le préjudice lié à la perte de chance de bénéficier du dispositif d'examen professionnel réservé de la loi du 12 mars 2012 n'est pas établi au-delà de la somme allouée par le tribunal ;
- la demande relative aux frais exposés dans une autre instance se heurte à l'autorité de la chose jugée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me Moulin, avocat de M.A....
1. Considérant que par une décision du 18 juin 2013, l'administrateur général du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) a prononcé le licenciement pour faute de M. A..., ingénieur d'études, titulaire d'un contrat à durée indéterminée ; que, par un jugement du 26 juin 2014 devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé ce licenciement et ordonné la réintégration de M. A...au sein du CNAM ; que M. A..., qui a été effectivement réintégré à compter du 1er septembre 2014, a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation du CNAM à lui verser une indemnité totale de 250 550,96 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de son licenciement ; qu'il relève appel du jugement du 19 novembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné le CNAM à lui verser une somme de 5 000 euros, lui a enjoint de procéder au versement des cotisations sociales pour la période de son éviction irrégulière, et a rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
2. Considérant en premier lieu, que l'avancement ne constitue pas un droit pour les agents publics placés sous contrat ; que pas plus en appel qu'en première instance M. A...n'établit, en se bornant à faire valoir qu'il n'avait pas bénéficié d'une augmentation depuis plusieurs années, que son licenciement illégal lui aurait fait perdre une chance sérieuse de bénéficier d'une augmentation de traitement ; qu'il n'est donc pas fondé à solliciter une indemnisation à ce titre ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à faire valoir que l'indemnisation accordée par le tribunal, au titre de la perte de chance de se présenter à l'examen professionnel réservé instauré par la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire, ne correspond pas au préjudice subi, M. A...n'établit pas qu'il excéderait la somme de 2 000 euros allouée par les premiers juges ;
4. Considérant, en troisième lieu, que pas plus en appel qu'en première instance M. A... n'établit, en produisant des documents qui ne font état que du montant en capital des emprunts contractés pendant la période de son éviction illégale, que ces emprunts auraient engendré pour lui des frais financiers, ni qu'ils auraient été contractés pour subvenir à ses besoins ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive imputable à l'administration ; que, toutefois, lorsque l'intéressé a présenté au juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision juridictionnelle prise sur ce fondement ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où le demandeur ne pouvait légalement bénéficier de ces dispositions ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction, que M. A...a pu bénéficier de ces dispositions dans le cadre des instances n° 1305279 et n° 1305277 engagées à l'encontre de la décision de licenciement prise à son encontre le 25 février 2012, les frais exposés pour sa défense ayant fait l'objet d'une appréciation d'ensemble qui exclut toute demande indemnitaire de ce chef sur un autre fondement juridique ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
6. Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté que le licenciement illégal de M. A... a engendré, pendant la période d'éviction illégale de 14 mois qu'il a subie, un préjudice moral important compte tenu de la gravité des faits qui lui étaient reprochés, de l'atteinte portée à sa notoriété professionnelle et des troubles dans les conditions d'existence dus à la précarité de sa situation financière pendant sa période d'éviction ; que M. A...est fondé à demander que l'indemnité mise à la charge du CNAM au titre de la réparation de ce préjudice soit portée de la somme de 3 000 euros à celle de 5 000 euros ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à demander que le montant de l'indemnité totale mise à la charge du CNAM soit porté de la somme de 5 000 euros à celle de 7 000 euros, et que le jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 novembre 2015 soit réformé dans cette mesure ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le CNAM demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CNAM le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : L'indemnité que le CNAM a été condamné à verser à M. A...par le jugement du 19 novembre 2015 au titre de son préjudice moral est portée de la somme de 3 000 euros à celle de 5 000 euros.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 novembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A...est rejeté.
Article 4 : Le CNAM versera à M. A...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au Conservatoire National des Arts et Métiers.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 février 2017.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00132