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13/02/2017 | FRANCE | N°15PA02853

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 13 février 2017, 15PA02853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Marco Polo a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 mai 2014 par lequel le préfet de police a ordonné la fermeture de l'établissement " La Jonque d'Or " pour une durée de quinze jours.

Par un jugement n° 1412086/3-1 du 19 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2015, la société Marco Polo, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1

°) d'annuler le jugement n° 1412086/3-1 du 19 mai 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Marco Polo a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 mai 2014 par lequel le préfet de police a ordonné la fermeture de l'établissement " La Jonque d'Or " pour une durée de quinze jours.

Par un jugement n° 1412086/3-1 du 19 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2015, la société Marco Polo, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1412086/3-1 du 19 mai 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 mai 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- elle n'a commis aucun acte criminel ou délictueux susceptible de relever des dispositions de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision en litige n'est pas proportionnée aux reproches formulés à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2015, le préfet de police conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 300 euros soit mise à la charge de la société Marco Polo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de la santé publique,

- le code du travail,

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Marco Polo exploite un restaurant sous l'enseigne " La Jonque d'or " à Paris dans le VIIIème arrondissement. Le 19 mars 2014, l'établissement a fait l'objet d'un contrôle des services de police et de l'URSSAF à l'issue duquel il a été constaté que la société employait un ressortissant étranger qui n'avait fait l'objet d'aucune déclaration préalable à l'embauche et qui était dépourvu d'un titre de séjour assorti d'une autorisation à exercer une activité salariée en France. Par arrêté du 19 mai 2014, le préfet de police a ordonné, sur le fondement des dispositions du 3 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, la fermeture administrative de l'établissement pour une durée de quinze jours. La société intéressée relève appel du jugement du 19 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

I - Sur les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure :

2. Il résulte des dispositions du 5 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique que les mesures de fermeture administratives motivées par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, prises par le préfet de police sur le fondement du 3 du même article sont soumises aux dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 fixant les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979. Il appartient à l'autorité administrative, en application de cet article, de mettre la personne intéressée à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, orales.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la société appelante a été avisée, par un courrier du 17 avril 2014 remis en mains propres à son gérant le lendemain à 16h14, de la proposition de fermeture de son établissement en raison d'actes délictueux commis le 19 mars 2014 en relation avec les conditions de son exploitation, et invitée par courrier à présenter ses observations écrites et, éventuellement, orales dans un délai de huit jours à compter de la remise dudit courrier. Il n'est pas contesté que la société a présenté des observations par courrier reçu le 28 avril 2014 par le préfet. La société intéressée, ainsi qu'elle l'avait déjà fait valoir devant les premiers juges, persiste à soutenir qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Toutefois, d'une part, la circonstance que le lundi 21 avril 2014 était férié n'a pas empêché la société de présenter, par la voie de son conseil, des observations. D'autre part, ces observations, formulées avant que n'intervienne la décision en litige, ont été appuyées d'éléments pertinents en rapport avec les informations dont la société intéressée disposait, son gérant ayant été auditionné le jour des opérations de contrôle et était ainsi en mesure d'apporter des précisions sur les conditions du recrutement du ressortissant étranger en cause. En tout état de cause, alors même que la société requérante s'est, à l'occasion de ces observations, plainte de l'insuffisance du délai qui lui avait été accordé pour présenter de telles observations, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas allégué, qu'elle aurait sollicité un délai supplémentaire, ni qu'elle entendait présenter des éléments ou apporter des précisions autres que ceux qu'elle avait déjà fait valoir. Ainsi, le délai dont a bénéficié la société Marco Polo, de cinq jours, était, dans les circonstances de l'espèce, suffisant.

4. En second lieu, et contrairement à ce que soutient la société Marco Polo, il ne résulte pas des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 pas plus que de celles de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, que l'autorité administrative était tenue, de sa propre initiative, de lui communiquer préalablement à la décision litigieuse l'ensemble des pièces de la procédure, et notamment le procès-verbal de police rédigé à l'issue du contrôle sur place du 19 mars 2014. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une demande explicite de communication du dossier, et notamment du procès-verbal, a été formulée par la société auprès de l'administration, notamment à l'occasion de son courrier en date du 28 avril 2014 dans lequel la société se borne à déplorer n'avoir " pu avoir accès à son dossier de manière à répondre complètement aux reproches qui lui sont faits ". En conséquence, la société Marco Polo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le moyen tiré de l'absence de communication des pièces du dossier préalablement à l'intervention de l'arrêté attaqué, a été écarté par les premiers juges, lesquels ont suffisamment répondu au moyen.

5. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense ne peuvent qu'être écartés.

II - Sur le moyen tiré du bien-fondé de la fermeture administrative :

6. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / [...]. / 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. Le représentant de l'Etat dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l'exploitant s'engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. / 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. [...]. / 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. / [...] ". Il résulte de ces dispositions que les mesures de fermeture de débits de boissons ordonnées par le préfet ont toujours pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l'établissement, indépendamment de toute responsabilité de l'exploitant. De telles mesures doivent être regardées non comme des sanctions présentant le caractère de punitions mais comme des mesures de police.

7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a, par un arrêté du 19 mai 2014, ordonné, sur le fondement des dispositions précitées du 3 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, la fermeture de l'établissement " La Jonque d'or " pour une durée de quinze jours aux motifs que la société appelante s'était abstenue d'effectuer une déclaration préalable à l'embauche du ressortissant étranger qu'elle avait employé auprès de l'URSSAF (travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié) et que ce dernier était dépourvu de tout titre l'autorisant à séjourner et à travailler en France, étant observé que la société intéressée s'était abstenue d'informer les services compétents de l'emploi de ce ressortissant aux fins de régulariser sa situation.

8. D'une part, ces infractions, passibles de sanctions pénales, et constitutives de délits en vertu des dispositions des articles L. 8224-1 et L. 8256-2 du code du travail, qui sont en relation avec les conditions d'exploitation de l'établissement, étaient de nature à justifier en application des dispositions précitées du 3 de l'article L. 3332-15, l'arrêté en litige. La circonstance, à la supposer établie, que des poursuites pénales initialement engagées à l'encontre du dirigeant de la société ont été abandonnées, est, en l'absence de décision du juge pénal, sans influence sur la légalité de la mesure de fermeture.

9. D'autre part, les premiers juges ont rejeté la demande de la société Marco Polo en neutralisant le motif tiré de l'absence de déclaration préalable à l'embauche, soit l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi, en considérant que l'intention des représentants légaux de la société intéressée de se soustraire à l'accomplissement de cette formalité n'apparaissait pas établie. Ils ont, ensuite, jugé que, compte tenu de la carence de la société à s'être assurée auprès du préfet de police de la régularité de la situation administrative du ressortissant étranger qu'elle avait employé et qui contribuait à établir qu'elle avait sciemment employé un étranger démuni de tout titre l'autorisant à travailler en France, ce motif suffisait à justifier l'arrêté en litige, lequel n'était pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, ainsi que le fait valoir le préfet de police, en défense, la fermeture administrative de l'établissement " La Jonque d'or " prise sur le fondement des dispositions précitées du 3° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique n'est pas subordonnée au caractère intentionnel des agissements reprochés, dès lors que ceux-ci sont matériellement constitutifs d'infractions. La société intéressée ne conteste, par ailleurs, pas sérieusement la matérialité de ces faits tels que constatés dans le procès-verbal d'infraction lequel fait foi jusqu'à preuve du contraire. En conséquence, le moyen soulevé par la société et tiré de ce que les infractions pénales ne seraient pas constituées, à défaut de l'élément intentionnel, doit être écarté.

10. Enfin, la société ne peut utilement invoquer l'absence de trouble à l'ordre public dès lors que le préfet de police ne s'est pas fondé sur les dispositions susvisées du 2 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique. En outre, les circonstances que la société Marco Polo a fait l'objet d'un contrôle URSSAF ainsi que de sanctions de la part de l'OFII (Office français de l'immigration et de l'intégration) est sans incidence sur le bien-fondé de l'arrêté litigieux. Si la société appelante invoque le caractère isolé et ponctuel des faits reprochés, ces circonstances ne sont pas de nature à établir qu'il aurait fait une inexacte application des dispositions précitées aux faits de l'espèce, en particulier quant à la durée de la fermeture de l'établissement, quinze jours, alors que les dispositions dont il est fait application autorisent une durée maximale de fermeture de six mois.

11. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doit, en tout état de cause, pour les motifs précédemment exposés être écarté.

III - Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions précitées font obstacle à ce que la somme demandée par la société Marco Polo au titre des frais liés à l'instance soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance.

13. Le préfet de police se bornant à faire état d'un surcroît de travail pour ses services sans présenter un décompte précis des frais liés au traitement du dossier, un tel décompte ne pouvant résulter, contrairement à ce soutient le préfet, du calcul du coût moyen de traitement d'un dossier contentieux établi en se fondant sur les résultats de la comptabilité analytique du service des affaires juridiques et du contentieux de la préfecture de police, les conclusions qu'il présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Marco Polo est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etat présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Marco Polo et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2017.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA02853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02853
Date de la décision : 13/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-04 Police. Polices spéciales. Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : BEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-02-13;15pa02853 ?
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