Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...C...a demandé au Tribunal administratif de Polynésie française d'annuler la décision du 10 août 2015 par laquelle le directeur général de l'aviation civile a rejeté sa demande de reconnaissance de la fixation du centre de ses intérêts matériels et moraux (CIMM) en Polynésie française, ensemble la décision du 30 octobre 2015 portant rejet de son recours gracieux, et de mettre à la charge de l'État une somme de 200 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.
Par un jugement n° 1500603 du 29 avril 2016, le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté la demande de M. A...C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 juillet 2016 et
11 janvier 2017, M. A...C...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500603 du 29 avril 2016 du Tribunal administratif de Polynésie française ;
2°) d'annuler la décision du 10 août 2015 lui refusant la reconnaissance de la fixation du centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française, ensemble la décision du 30 octobre 2015 de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'ordonner, sous astreinte, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, de lui accorder la reconnaissance de la fixation de son CIMM en Polynésie française, et de le réaffecter sur ce même territoire dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, ou de procéder au réexamen de sa demande de fixation de CIMM et de maintien en poste sur ce territoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la décision méconnaît les dispositions du décret du 26 novembre 1996, qui ne pose pas de définition de la notion de centre des intérêts matériels et moraux, le juge devant s'en tenir à un faisceau d'indices ;
- la mise en oeuvre de critères liés aux origines familiales méconnaît le principe de non discrimination protégé par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision méconnaît l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui proscrit les distinctions entre fonctionnaires en raison de leur origine et l'article 2 de la loi du 27 mai 2008 relative à la lutte contre les discriminations ;
- le tribunal a également commis une erreur manifeste d'appréciation, la liberté d'établissement en Polynésie ne dépendant pas du requérant ni de son épouse, mais de leurs affectations,
- il établit que plusieurs de ses collègues, aux caractéristiques très proches des siennes, ont obtenu la reconnaissance sollicitée,
- l'administration a minimisé les liens sociaux du requérant et de son épouse sur le territoire, après huit années de présence sur place.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, respectivement enregistrés les 28 novembre 2016 et 13 janvier 2017, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête de M. A...C....
Il soutient que :
- le jugement est suffisamment motivé ;
- le tribunal n'a pas entendu limiter son appréciation aux critères relevant de la jurisprudence, la circonstance qu'il n'existe pas de texte étant inopérante ;
- la jurisprudence tient compte du critère de l'origine et de la naissance, combiné à d'autres critères plus généraux, sans que l'appréciation portée soit entachée de discrimination ;
- l'intéressé ne dispose pas d'attaches familiales sur le territoire, non plus que d'attaches fortes en dépit d'un premier séjour entre 1982 et 1986, dès lors qu'il a vécu plus de 30 ans en métropole, où résident sa fratrie et sa fille ;
- l'ouverture d'un compte bancaire sur place et l'inscription sur les listes électorales, ainsi que l'implication sociale et associative ne peuvent à eux seuls emporter reconnaissance du transfert du centre des intérêts matériels et moraux, de même que l'acquisition d'un studio sur place en mai 2015, alors qu'il est propriétaire d'un bien immobilier à la Réunion et à Savigny-sur-Orge en métropole ;
- l'appréciation portée par l'administration sur la demande de transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux n'est entachée ni d'erreur manifeste d'appréciation, ni d'erreur de fait, chaque agent par ailleurs se trouvant dans une situation unique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
- le décret n° 96-1026 du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat et de certains magistrats dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 17 janvier 2017 :
- le rapport de M. Privesse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour M. A...C....
1. Considérant que M. A...C..., ingénieur électronicien divisionnaire des systèmes de la sécurité aérienne (IESSA), a été affecté, en application des dispositions du décret susvisé du 26 novembre 1996, au service d'Etat de l'aviation civile en Polynésie française de 1982 à 1986, puis du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2015 ; qu'à l'occasion de ce second séjour, il a présenté le 29 mai 2015 une demande de transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie Française ; que cette demande a été rejetée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie le 10 août 2015, son recours gracieux contre cette décision étant lui-même rejeté le 30 octobre suivant ; qu'il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 10 août et 30 octobre 2015 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 96-1026 susvisé du 26 novembre 1996 : " Le présent décret est applicable (...) aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat, ainsi qu'aux magistrats de l'ordre judiciaire affectés dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle Calédonie, de Polynésie française et de Wallis et Futuna, qui sont en position d'activité ou détachés auprès d'une administration ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi conduisant à pension civile ou militaire de retraite. Il ne s'applique ni aux personnels dont le centre des intérêts matériels et moraux se situe dans le territoire où ils exercent leurs fonctions ni aux membres des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française ni aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale. " ; que l'article 2 du même décret dispose que : " La durée de l'affectation dans les territoires
d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis et Futuna est limitée à deux ans. Cette affectation peut être renouvelée une seule fois à l'issue de la première affectation. " ; que pour la détermination du centre des intérêts matériels et moraux d'un agent, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, de tenir compte d'un faisceau de critères, notamment relatifs au lieu de résidence des membres de la famille, à la situation immobilière, à la disposition de comptes bancaires ou postaux, et aux attaches conservées par l'intéressé avec la métropole ou dans d'autres territoires d'outre-mer, que ni la loi ni les règlements n'ont définis ; que la localisation du centre des intérêts matériels et moraux d'un agent, qui peut varier dans le temps, doit être appréciée, dans chaque cas, à la date à laquelle l'administration, sollicitée le cas échéant par l'agent, se prononce sur l'application d'une disposition législative ou réglementaire ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des motifs de la décision attaquée que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, s'il a mentionné que M. A...C...n'était pas d'origine polynésienne, n'a pas fondé le rejet de la demande sur ce seul élément de fait, dont il pouvait légalement tenir compte avec les autres éléments de la situation familiale et personnelle de l'intéressé, pour déterminer le centre de ses intérêts matériels et moraux ; que, par suite, M. A...C...n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait le principe de prohibition des discriminations fondées sur les origines, protégé par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que par l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et l'article 2 de la loi du 27 mai 2008 relative à la lutte contre les discriminations ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que, si M. A...C...fait état de sa volonté de résider en Polynésie française avec son épouse à la suite de ses séjours d'ordre professionnel passés durant huit ans sur ce territoire, en se prévalant de ses demandes de mutation, de son inscription sur les listes électorales, de sa domiciliation bancaire et de sa participation à la vie associative en Polynésie française, où il a engagé une démarche d'apprentissage de la langue, et a fait l'acquisition en mai 2015 d'un studio de 35 m² qu'il a pu occuper à partir de septembre 2015, il ressort des pièces du dossier que sa demande de transfert indiquait qu'il avait établi jusque-là le centre de ses intérêts matériels et moraux à la Réunion, lieu de sa résidence habituelle, où il possédait alors un bien immobilier ; qu'en outre, il ressort de ses déclarations qu'il n'est pas originaire de Polynésie française non plus que son épouse et sa fille, et n'y dispose d'aucune attache familiale, sa fille résidant en métropole, où lui-même a résidé durant 30 ans et où se trouve sa fratrie ; qu'il dispose d'une habitation principale située en région parisienne ; que par ailleurs, il ne résulte pas des pièces du dossier que les liens sociaux ou la durée du séjour de l'intéressé et de son épouse sur le territoire aient pu suffire pour y établir le centre de ses
intérêts ; que, dès lors, nonobstant les déclarations de l'intéressé relatives à son profond attachement pour ce territoire, en refusant par la décision du 10 août 2015 le transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, ni méconnu les dispositions du décret précité du 26 novembre 1996 ;
5. Considérant, en troisième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ; qu'en se bornant à mentionner le cas de collègues ayant obtenu la fixation du centre de leurs intérêts matériels et moraux en Polynésie française, sans établir qu'ils étaient dans une situation identique à la sienne au regard du faisceau de critères devant être pris en compte, le requérant n'établit pas que la décision attaquée aurait porté atteinte au principe d'égalité de traitement ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ; que les conclusions présentées aux fins d'injonction ou d'astreinte, et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de juridiction administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...C...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, présidente
- M. Privesse, premier conseiller,
- M. Dellevedove, premier conseiller.
Lu en audience publique le 31 janvier 2017.
Le rapporteur,
J-C. PRIVESSE
Le président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
P. HAMON
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au Haut-Commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02171