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23/01/2017 | FRANCE | N°15PA00221

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 23 janvier 2017, 15PA00221


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...épouse A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 19 juillet 2013 par lequel le préfet de police lui a retiré à titre définitif sa carte professionnelle de conductrice de taxi et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros à parfaire à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1406159/6-3 du 6 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête e

t un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 16 janvier 2015 et le 31 décembre 2015, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...épouse A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 19 juillet 2013 par lequel le préfet de police lui a retiré à titre définitif sa carte professionnelle de conductrice de taxi et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros à parfaire à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1406159/6-3 du 6 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 16 janvier 2015 et le 31 décembre 2015, Mme A..., représentée par Me Ohayon, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1406159/6-3 du 6 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 19 juillet 2013 par lequel le préfet de police lui a retiré à titre définitif sa carte professionnelle de conductrice de taxi ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 40 000 euros à parfaire à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure ; en effet, les faits reprochés reposent exclusivement sur deux plaintes de clients anonymes, et aucune confrontation n'a été organisée entre elle et eux ;

- la décision contestée, qui doit être regardée comme une sanction à caractère pénal, méconnaît tant le principe du contradictoire que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce que la commission de discipline a pris en considération des déclarations de plaignants dont l'anonymat avait été préservé et sans qu'une confrontation soit organisée ;

- la décision litigieuse est fondée sur des faits qui ne sont pas matériellement établis et est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que la gravité des faits allégués n'était pas telle qu'elle pouvait justifier la sanction prononcée si le préfet de police ne s'était davantage fondé sur les antécédents disciplinaires de la requérante que sur les faits dont il était saisi ;

- la décision querellée, qui a entraîné la cessation de son activité, lui a occasionné un grave préjudice, dont elle est fondée à demander l'indemnisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2015, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code des transports,

- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978,

- la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995 modifiée,

- le décret n° 95-935 du 17 août 1995 modifié,

- l'arrêté interpréfectoral n° 2001-16385 du 31 juillet 2001 modifié relatif aux exploitants et aux conducteurs de taxis dans la zone parisienne,

- l'arrêté n° 2007-21253 du 15 novembre 2007 relatif au règlement intérieur de la commission de discipline des conducteurs de taxi,

- l'arrêté n° 2011-00173 du 22 mars 2011 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de la commission de discipline des conducteurs de taxi,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de Me Ohayon, avocat de MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 19 juillet 2013, le préfet de police a, après avis de la commission de discipline des conducteurs de taxi, procédé au retrait définitif de la carte professionnelle n° 091246 de conducteur de taxi de MmeC..., épouseA..., au motif que l'intéressée a, le 17 décembre 2012, refusé de continuer une course et a jeté les bagages du client hors du coffre de son véhicule en infraction aux articles 24.10° et 25.13° de l'arrêté inter-préfectoral susvisé du 31 juillet 2001 relatif aux exploitants et aux conducteurs de taxis dans la zone parisienne et qu'elle a, le 4 mars 2013, eu un comportement revêche avec un client, n'a pas suivi le chemin le plus direct, refusant de suivre l'itinéraire indiqué par le client et a délivré un ticket de course indûment complété en infraction aux articles 25.13, 24.10 et 24.15 de l'arrêté inter-préfectoral précité. Mme A...relève appel du jugement du 6 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité de la procédure :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) 3. Tout accusé a droit notamment à (...) / interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; (...) ".

3. La commission de discipline des conducteurs de taxi ne détient aucun pouvoir de décision et a pour seule attribution d'émettre, à l'attention de l'autorité administrative investie du pouvoir disciplinaire, le préfet de police, un avis sur le principe du prononcé d'une sanction et, le cas échéant, sur le choix de la sanction ; ainsi, elle ne présente pas le caractère d'un tribunal au sens des stipulations précitées de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pas plus que le préfet de police, autorité administrative qui peut prononcer la sanction administrative de retrait de carte professionnelle de chauffeur de taxi, eu égard notamment à sa nature même. Par suite, le moyen tiré de la violation des règles du procès équitable, en ce que les stipulations précitées de l'article 6-3 auraient été méconnues, ne peut être utilement invoqué.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de l'arrêté susvisé du 22 mars 2011 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de la commission de discipline des conducteurs de taxi : " La commission de discipline entend séparément chaque témoin cité. A la demande d'un membre de la commission, du conducteur de taxi ou de son défenseur, le président peut décider de procéder à une confrontation des témoins, ou à une nouvelle audition d'un témoin déjà entendu. / Le président de la commission de discipline peut convoquer des experts afin qu'ils soient entendus sur un point inscrit à l'ordre du jour. / Les experts n'ont pas voix délibérative. Ils ne peuvent assister, à l'exclusion du vote, qu'à la partie des débats relative aux questions pour lesquelles leur présence a été demandée. ".

5. D'une part, ni les dispositions de l'article 8 de l'arrêté susvisé du 22 mars 2011, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne font obligation à la commission de discipline ni de procéder à une confrontation entre le ou les plaignant(s) et le conducteur de taxi intéressé, ni de faire comparaître les auteurs des plaintes devant elle. Au demeurant, il ressort de la lecture de ces dernières, qui sont jointes au mémoire en défense du préfet de police, que la commission de discipline a pu régulièrement estimer qu'elle était suffisamment informée des versions des faits présentées par les plaignants. D'autre part, la circonstance que les plaintes à l'origine de la comparution de Mme A...devant la commission de discipline aient été anonymisées par la préfecture de police est sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors qu'il s'agissait là d'une mesure de protection des plaignants, en application des dispositions de la loi susvisée du 17 juillet 1978, et que leur identité est connue des services de la préfecture de police, qui a produit au demeurant leurs plaintes avec leurs identités dans son mémoire en défense de première instance. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

Sur le bien-fondé de la sanction :

6. Aux termes de l'article L. 3121-10 du code des transports : " L'exercice de l'activité de conducteur de taxi est subordonné à la délivrance d'une carte professionnelle par l'autorité administrative " ; aux termes de l'article L. 3124-2 du même code : " En cas de violation par un conducteur de taxi de la réglementation applicable à la profession, l'autorité administrative peut lui donner un avertissement ou procéder au retrait temporaire ou définitif de sa carte professionnelle. ". En outre, aux termes de l'article 20 de l'arrêté inter-préfectoral modifié susvisé du 31 juillet 2001 dans sa version applicable à la date des faits litigieux : " La carte professionnelle de conducteur de taxi peut être retirée à titre temporaire ou définitif, par le préfet de police, après avis de la commission de discipline des conducteurs de taxi, en cas de violation par le conducteur de la réglementation applicable à la profession ou en cas d'accomplissement d'un crime ou d'un délit mentionné à l'article 6 du décret n° 95-935 du 17 août 1995 modifié susvisé relatif à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi, dès lors qu'il est établi, qu'il ait ou non été suivi d'une condamnation pénale. ". Aux termes de son article 24 : " Le conducteur de taxi, lorsqu'il est en service, doit (...) / 10° Conduire les clients à l'adresse indiquée et les rejoindre en cas de commande préalable, par le chemin le plus direct, sauf si ceux-ci en indiquent un autre. (...) / 15° Jusqu'à ce que le compteur horokilométrique soit couplé à une imprimante, remettre aux clients qui en font la demande, ainsi que pour toute course dont le prix est supérieur ou égal à 25 euros T.T.C., le bulletin de course mentionné à l'article 6, après l'avoir dûment complété en double exemplaire ; si les conducteurs ont pris en charge plusieurs personnes, ils ne sont pas tenus de remettre plus d'un bulletin, sauf dans le cas où il s'agit de clients pris en charge dans les conditions du 8° de l'article 26 ; dans tous les cas, un double des bulletins doit être conservé par le conducteur pendant le délai de deux ans à compter de leur établissement ; (...) " ; aux termes de son article 25 : " II est interdit au conducteur de taxi en service : (...) 13° de se montrer impoli, grossier ou brutal envers quiconque et notamment envers la clientèle (...) ". En vertu de l'article 2 de l'annexe à l'arrêté susvisé du 15 novembre 2007, qui rappelle notamment le principe de progressivité des sanctions, les infractions de la troisième catégorie peuvent être sanctionnées par un retrait de la carte professionnelle pouvant aller de trois mois à un retrait définitif.

7. Il ressort des pièces du dossier que deux plaintes ont été adressées aux services de la préfecture de police, la première étant celle d'un passager, grand invalide civil, qui, le 17 décembre 2012, alors qu'il était avec sa fille de 18 mois, est monté dans le taxi de Mme A...avec deux bagages et qui, ayant indiqué l'avenue où il souhaitait se rendre mais n'ayant pu indiquer l'adresse exacte avec le numéro précis de cette avenue, et bien qu'il ait précisé qu'il connaissait bien les lieux, s'est vu demander par Mme A...de quitter son véhicule, cette dernière, alors qu'il indiquait qu'il allait présenter une réclamation, étant sortie de son véhicule, ayant pris ses bagages et les ayant jetés dehors. La seconde plainte émane d'un passager qui, le 4 mars 2013, ayant donné dans un premier temps une adresse à Cergy-Pontoise insuffisamment précise aux yeux de Mme A... (" parc Saint-Christophe "), qui a insisté pour qu'il lui indique le nom de la rue et un code postal afin qu'elle puisse programmer son système de géo-positionnement par satellite (GPS), a indiqué par erreur " rue de l'Industrie " au lieu d'" avenue de l'Entreprise ", qui lui a proposé, mais en vain, de la guider, et qui a constaté que cette dernière, au terme d'un long détour, et de plus en roulant au dessus des limites de vitesse autorisées, l'avait conduit rue de l'Industrie à Saint-Ouen l'Aumône et enfin lui avait remis un reçu illisible de son paiement par carte bancaire. Si Mme A... conteste la matérialité de ces faits, qui doivent être regardés comme établis, elle n'apporte aucun début de preuve de l'appui de sa contestation.

8. Les faits susmentionnés constituent des manquements aux dispositions précitées des 10° et 15° de l'article 24 et du 13° de l'article 25 de l'arrêté préfectoral du 31 juillet 2001. En outre, le préfet de police a pu prendre en considération, sans entacher sa décision d'une erreur de droit, la réitération des manquements de Mme A...à ses obligations professionnelles qui avaient été précédemment sanctionnés, notamment par un retrait de la carte professionnelle pour 25 jours fermes décidé par un arrêté préfectoral du 20 octobre 2010 pour attitude incorrecte (attitude désagréable et abandon de clients), refus de se conformer à l'itinéraire du client et refus de continuer la course, par un retrait de la carte professionnelle pour 90 jours fermes décidé par un arrêté préfectoral du 24 janvier 2012 pour travail avec l'horodateur non programmé, attitude incorrecte envers des clients, à trois reprises, refus de prendre en charge un client pour le conduire, refus de se conformer à l'itinéraire d'une cliente et interruption de course et par un retrait de la carte professionnelle pour un an ferme décidé par un arrêté préfectoral du 4 décembre 2012 pour allongement de parcours, refus de suivre l'itinéraire demandé par un client, attitude incorrecte (refus du parcours demandé, conduite avec des écouteurs diffusant de la musique, conduite dangereuse et grossièreté envers des clients), attitude incorrecte (refus d'arrêter la course demandé par des clients), surtaxe, appropriation de pourboire, refus de délivrer un bulletin de course, refus de prendre en charge un client pour le conduire et refus de se soumettre aux vérifications des services de police. Il s'en suit qu'en prononçant la sanction litigieuse du retrait de la carte professionnelle de conductrice de taxi à titre définitif, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme A...:

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par Mme A...tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 40 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'illégalité de la décision litigieuse ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions en annulation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 6 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 19 juillet 2013 par lequel le préfet de police lui a retiré à titre définitif sa carte professionnelle de conductrice de taxi. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...épouse A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 janvier 2017.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA00221


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00221
Date de la décision : 23/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-06 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Taxis.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : CABINET OHAYON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-01-23;15pa00221 ?
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