La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2017 | FRANCE | N°15PA00191-15PA00331

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 janvier 2017, 15PA00191-15PA00331


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris et le Syndicat des employés du commerce Ile-de-France CFTC ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 juin 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a accordé à la société Bazar de l'Hôtel de Ville (BHV) l'autorisation de substituer à la période comprise entre 21 heures et 6 heures celle comprise entre 21 h 15 et 6 h 15 pour la d

finition du travail de nuit.

Par un jugement n° 1310500/3-3 du 25 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris et le Syndicat des employés du commerce Ile-de-France CFTC ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 10 juin 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a accordé à la société Bazar de l'Hôtel de Ville (BHV) l'autorisation de substituer à la période comprise entre 21 heures et 6 heures celle comprise entre 21 h 15 et 6 h 15 pour la définition du travail de nuit.

Par un jugement n° 1310500/3-3 du 25 novembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 15PA00191 le 15 janvier 2015, l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris et le Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels - UNSA, représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1310500/3-3 du 25 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 10 juin 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, annulant la décision rendue par l'inspectrice du travail, a accordé à la société Bazar de l'Hôtel de Ville (BHV) l'autorisation de substituer à la période comprise entre 21 heures et 6 heures celle comprise entre 21 h 15 et 6 h 15 pour la définition du travail de nuit ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance.

Ils soutiennent que :

- il existe un accord d'entreprise du 29 juin 2013 sur la définition du travail de nuit qui fait obstacle à l'intervention du ministre du travail en application de l'article L. 3122-29 du code du travail ;

- il n'existe aucune preuve de l'échec de négociations sur un accord modifiant la plage horaire de travail de nuit au sein de la société ;

- les caractéristiques particulières de l'activité de l'entreprise n'exigent pas la substitution d'horaires accordée par le ministre du travail ;

- l'autorisation litigieuse est accordée pour l'ensemble des établissements de l'entreprise alors qu'elle se réfère aux conditions d'activité du seul établissement du BHV Rivoli ;

- la substitution autorisée par la décision litigieuse ne constitue pas une adaptation mineure pour les salariés ;

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions de l'article 13 de la directive 93/104 CE qui consacre le principe de l'adaptation du travail à l'homme ;

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions des articles 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946.

Par un mémoire en intervention enregistré le 23 juin 2015, la société Bazar de l'Hôtel de Ville représentée par Me D...conclut au rejet de la requête et à la condamnation des appelants aux dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- l'accord du 29 juin 2013 ne porte pas sur la définition du travail de nuit mais sur certains avantages particuliers liés au travail de nuit ;

- des négociations sur la définition de la plage nocturne ont été tentées à quatre reprises entre septembre et novembre 2012 qui n'ont pu aboutir ;

- la condition de loyauté des négociations invoquée par les appelants ne repose sur aucun texte ;

- la décision litigieuse se réfère bien aux caractéristiques particulières de l'activité de l'entreprise, sans que la mention à titre surabondant de " circonstances particulières " ait d'incidence sur sa légalité ;

- la demande visait explicitement le magasin BHV situé rue de Rivoli et, par conséquent, l'autorisation donnée par l'administration ne peut excéder le cadre de cet établissement ;

- l'autorisation litigieuse n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 15PA00331 le 23 janvier 2015, le Syndicat Sud Solidaires BHV, représenté par le cabinet Lanes et Cittadini, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1310500/3-3 du 25 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 10 juin 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, annulant la décision rendue le 26 mars 2013 par l'inspectrice du travail, a accordé à la société Bazar de l'Hôtel de Ville (BHV) l'autorisation de substituer à la période comprise entre 21 heures et 6 heures celle comprise entre 21 h 15 et 6 h 15 pour la définition du travail de nuit ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal ne justifie pas de circonstances particulières propres à l'entreprise ni de la nécessité pour sa clientèle de disposer d'une nouvelle plage horaire de travail de nuit ;

- il existe un accord d'entreprise sur les horaires de travail de nuit quand bien même il reprendrait les horaires définis légalement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le rayonnement international du BHV, sa situation dans un secteur touristique de la capitale, les travaux engagés en vue d'élargir son offre commerciale et sa fréquentation ainsi que les habitudes de consommation de plus en plus tardives dans les grandes agglomérations, sont des critères objectifs attestant de caractéristiques particulières justifiant une modulation de la plage légale de travail nocturne ;

- cette modification de la plage légale de travail nocturne constitue une adaptation mineure ;

- l'absence d'accord dérogatoire et l'échec des négociations permettant de reporter la période de travail nocturne autorisait l'édiction de la décision administrative litigieuse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2015, la société Bazar de l'Hôtel de Ville, représentée par Me Gérard, conclut au rejet de la requête et à la condamnation des appelants aux dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- l'accord du 29 juin 2013 ne porte pas sur la définition du travail de nuit mais sur certains avantages particuliers liés au travail de nuit ;

- des négociations sur la définition de la plage nocturne ont été tentées à quatre reprises entre septembre et novembre 2012 qui n'ont pu aboutir ;

- la condition de loyauté des négociations invoquée par les appelants ne repose sur aucun texte ;

- la décision litigieuse se réfère bien aux caractéristiques particulières de l'activité de l'entreprise, sans que la mention à titre surabondant de " circonstances particulières " ait d'incidence sur sa légalité ;

- la demande visait explicitement le magasin BHV situé rue de Rivoli et, par conséquent, l'autorisation donnée par l'administration ne peut excéder le cadre de cet établissement ;

- l'autorisation litigieuse n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de Me Gérard, avocat de la société Bazar de l'Hôtel de Ville.

1. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;

2. Considérant que l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, le Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels - UNSA et le Syndicat Sud Solidaires BHV relèvent appel du jugement du 25 novembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 10 juin 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, annulant la décision rendue le 26 mars 2013 par l'inspectrice du travail, a accordé à la société Bazar de l'Hôtel de Ville (BHV) l'autorisation de substituer à la période comprise entre 21 heures et 6 heures celle comprise entre 21 h 15 et 6 h 15 pour la définition du travail de nuit ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3122-29 du code du travail, alors en vigueur : " Tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit./ Une autre période de neuf heures consécutives, comprise entre 21 heures et 7 heures incluant, en tout état de cause, l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures, peut être substituée à la période mentionnée au premier alinéa par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement./ A défaut d'accord et lorsque les caractéristiques particulières de l'activité de l'entreprise le justifient, cette substitution peut être autorisée par l'inspecteur du travail après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel s'il en existe " ;

4. Considérant que pour accorder l'autorisation sollicitée, le ministre chargé du travail a considéré que l'activité de l'entreprise, caractérisée par la dimension internationale de sa clientèle touristique, sa situation géographique sur une artère passante, ainsi que les habitudes de consommation de plus en plus tardives dans les grandes agglomérations, justifiait cette adaptation qualifiée par le ministre de " mineure " ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'adaptation sollicitée visait à régulariser les pratiques des magasins Rivoli consistant à laisser leur personnel en situation de travail au-delà de 21 heures, ayant valu au BHV un rappel à la loi de la part de l'inspection du travail et une interdiction par le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Paris, par ordonnance du 25 juin 2012 ; que si dans sa demande, le BHV invoque l'importance de l'ouverture à sa clientèle en nocturne le mercredi dans un environnement économique difficile et très concurrentiel, il n'est pas établi que le quart d'heure supplémentaire de travail du personnel permettant à la clientèle de bénéficier d'une ouverture effective du magasin jusqu'à 21 heures, serait de nature à renforcer la compétitivité de l'entreprise alors que l'extension des plages horaires de travail aurait pour le personnel, dont il est envisagé qu'il ne soit pas volontaire et nonobstant la compensation qui lui est proposée, des conséquences non négligeables en termes de pénibilité du travail, de durée des trajets domicile-travail et de conciliation de la vie professionnelle et familiale ; qu'il n'est établi ni par les spécificités de l'enseigne, ni par celle de ses concurrents, que la dérogation soit justifiée au regard de ses inconvénients ; qu'au surplus, en omettant de préciser que l'autorisation accordée ne concernait que les établissements du site Rivoli, le ministre a insuffisamment motivé la décision litigieuse ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des requêtes, que les syndicats appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun des appelants de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter la demande présentée au titre des dépens dont ils ne justifient pas ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1310500/3-3 du 25 novembre 2014 du Tribunal administratif de Paris et la décision du 10 juin 2013 par laquelle le ministre chargé du travail a accordé à la société Bazar de l'Hôtel de Ville l'autorisation de substituer à la période comprise entre 21 heures et 6 heures celle comprise entre 21 h 15 et 6 h 15 pour la définition du travail de nuit, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, au Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels - UNSA et au Syndicat Sud Solidaires BHV une somme de 1 000 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, au Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels - UNSA, au Syndicat Sud Solidaires BHV, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Bazar de l'Hôtel de Ville.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, première conseillère,

- MmeA..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 19 janvier 2017.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

Nos 15PA00191, 15PA00331


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00191-15PA00331
Date de la décision : 19/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : LECOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-01-19;15pa00191.15pa00331 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award