Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Call Medi Call a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 à raison de la remise en cause de l'imputation du crédit d'impôt recherche qu'elle avait opérée, ainsi que des majorations et pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1515945/1-2 du 10 juin 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 août 2016, la SARL Call Medi Call, représentée par
Me A...B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1515945/1-2 du 10 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) d'ordonner une expertise ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne répond pas au moyen qu'elle avait soulevé, tiré notamment de l'emport de documents comptables ;
- la procédure est irrégulière en l'absence de débat oral et contradictoire ; elle a notamment été privée d'un débat sur l'expertise, en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- les pièces comptables afférentes au crédit d'impôt ont fait l'objet d'un emport irrégulier ;
- elle n'a pas été informée de la possibilité de se faire assister d'un conseil durant le contrôle ainsi opéré hors de ses locaux
- elle se prévaut de la doctrine administrative et notamment de l'instruction du
23 février 2012 " BOI 4 A 3-21 " et de l'instruction du 21 février 2012 " BOI 4 A-3-12 " ;
- il n'est pas démontré que l'expert du ministère de la recherche ayant établi un rapport sur l'éligibilité de ses activités au crédit d'impôt recherche disposait des compétences nécessaires ;
- l'administration ne démontre pas que ses activités ne sont pas éligibles au crédit d'impôt recherche en application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens relatifs à la charge de la preuve et à l'application de la doctrine sont inopérants ;
- les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Call Medi Call, qui exerce une activité de centre d'appel spécialisé dans les prestations de télémarketing auprès des pharmacies d'officine et des professionnels de santé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du
1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010 à raison de la remise en cause de l'imputation du crédit d'impôt recherche qu'elle avait opérée sur les résultats desdits exercices ; que la SARL Call Medi Call ayant demandé en vain au Tribunal administratif de Paris la décharge de ces impositions et pénalités, relève appel du jugement n° 1515945/1-2 du
10 juin 2016 de ce tribunal rejetant sa demande ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que, d'une part, la SARL Call Medi Call soutient que les premiers juges, n'ont pas répondu à son moyen tiré de la méconnaissance des exigences de la doctrine en matière de débat oral et contradictoire ; que, toutefois, la doctrine n'étant pas opposable en matière de procédure d'imposition, le Tribunal n'était pas tenu de répondre expressément à ce moyen ; que, d'autre part, si la SARL Call Medi Call reproche au tribunal de ne pas avoir répondu à ses écritures relatives à l'emport par l'administration fiscale de documents comptables qui auraient été examinés par l'expert en dehors de l'entreprise, cet argument n'était soulevé qu'à l'appui du moyen tiré de ce qu'elle avait été privée d'un débat contradictoire sur l'expertise confiée au ministère de la recherche ; que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par la requérante à l'appui de ses moyens, ont statué sur le moyen tiré de la méconnaissance du contradictoire ; que le jugement est ainsi suffisamment motivé ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, que dans le cas où la vérification de comptabilité d'une société a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit et de fait ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la procédure de vérification de comptabilité qui s'est déroulée entre le 1er septembre 2011 et le 8 février 2012, les différentes pièces afférentes aux projets de recherche ont été présentées au vérificateur et débattues en présence du représentant légal, du comptable et de l'expert-comptable de la société ; que des échanges entre la société requérante et le service vérificateur ont eu lieu les 19 septembre, 19 octobre, 22 novembre, 25 novembre et 15 décembre 2011 et le 3 janvier 2012 ; que, par ailleurs, il est constant que le service a informé la SARL Call Medi Call de la demande d'expertise déposée le 30 septembre 2011 auprès du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche dont le rapport lui a, par la suite, été notifié le 26 avril 2012, postérieurement à la proposition de rectification du 20 avril 2012 ; que si la société requérante soutient que l'administration fiscale aurait poursuivi hors de la société la vérification de comptabilité, elle ne l'établit pas ; qu'à cet égard, le simple examen, par l'expert, des documents remis par la société pour le contrôle de l'éligibilité de son activité au crédit impôt recherche, ne constitue pas un emport irrégulier de documents comptables ; que, dès lors, la société appelante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination d'un crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable du 31 mars 2001 au 15 février 2013 : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 45 B peut être vérifiée soit par des agents dûment mandatés par le directeur de la technologie, soit par les délégués régionaux à la recherche et à la technologie ou par des agents dûment mandatés par ces derniers. / A cet effet, ils peuvent se rendre dans les entreprises après envoi d'un avis de visite (...) Les résultats de ce contrôle sont notifiés à l'entreprise et sont communiqués à l'administration des impôts " ;
6. Considérant que la société requérante soutient que le service de contrôle se serait fondé sur l'expertise, laquelle serait non motivée et excessivement sommaire ; qu'il résulte de l'instruction que le service vérificateur a effectivement sollicité la réalisation d'une expertise pour vérifier la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts ; que, toutefois, le rapport de l'expert a été notifié le 26 avril 2012, postérieurement à la proposition de rectification du
20 avril 2012 de laquelle il ressort que la motivation de la remise en cause du crédit d'impôt recherche provient exclusivement de la vérification de comptabilité ; que si, en vertu des dispositions des articles L. 45 B et R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales, les agents du ministère de la recherche et de la technologie peuvent vérifier auprès d'une entreprise la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt, ni ces dispositions, ni aucun texte ou principe ne leur imposaient d'engager avec l'entreprise un débat oral et contradictoire sur la réalité de cette affectation ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire à la suite du rapport de l'expert doit être écarté ; que, de même, le moyen tiré de ce que la SARL Call Medi Call n'a pas été informée de la possibilité de se faire assister d'un conseil pendant l'expertise doit être écarté, cette information lui ayant par ailleurs été délivrée dans l'avis de vérification dont elle a accusé réception le 28 juillet 2011 ;
Sur le bien fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. " ; qu'aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont des scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise " ;
8. Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au terme de son instruction et au vu des éléments qui lui sont produits par chacune des parties, si le contribuable remplit les conditions lui permettant de bénéficier du crédit d'impôt recherche institué par l'article 244 quater B du code général des impôts précité ; que la société appelante n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de la non éligibilité de ses activités au crédit d'impôt recherche ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Call Medi Call a développé un projet visant à apporter un soutien aux médecins et aux patients afin de favoriser le suivi de la prise des traitements de maladies chroniques et d'améliorer la qualité de vie des patients ; que pour apprécier l'éligibilité des dépenses en cause au dispositif de crédit d'impôt recherche, il y a lieu d'examiner si les projets de la société conduits en 2009 et 2010 présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ; que si la société requérante a produit devant les premiers juges plusieurs pièces décrivant les projets qu'elle met en oeuvre, les solutions proposées pour lever les verrous informatiques consistent en l'utilisation de technologies existantes et largement répandues et ne font apparaître aucune technique nouvelle ; que le service vérificateur a d'ailleurs relevé, d'une part, que ces solutions techniques étaient pour la plupart déjà en place dans la société dans le cadre de son offre de service " visite médicale à distance ", d'autre part, qu'aucune immobilisation correspondant au système informatique que la société prétendait avoir développé ne figurait dans son bilan des exercices vérifiés ; qu'en outre, le rapport du 26 avril 2012 de l'expert du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche fait également apparaître que le dossier de la société ne comportait aucun renseignement précis sur les technologies utilisées et n'établissait pas en quoi elles étaient innovantes ; qu'ainsi, le projet de la SARL Call Medi Call ne présente pas un caractère de nouveauté au sens des dispositions législatives précitées ; que, par suite, il résulte de ce qui précède que la SARL Call Medi Call n'est pas fondée à obtenir le bénéfice du crédit d'impôt recherche correspondant ;
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
10. Considérant la SARL Call Medi Call entend se prévaloir de l'instruction administrative du 23 février 2012 codifiée à la documentation de base sous la référence BOI 4 A 3-21 et de l'instruction administrative du 21 février 2012 codifiée à la documentation de base sous la référence BOI 4 A 3-12 ; qu'en tout état de cause, ces instructions, qui sont postérieures aux deux années en litige, ne font pas des dispositions précitées du code général des impôts une interprétation différente de celle dont le présent arrêt fait application ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit utile de faire procéder à l'expertise sollicitée, que la SARL Call Medi Call n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a refusé de faire droit à sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Call Medi Call est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Call Medi Call et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 janvier 2017.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02539