Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant de deux mises en demeure valant commandement de payer du 15 décembre 2014 émises par le responsable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest, en vue du paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des majorations y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008 et 2009.
Par la même requête, la société Reiki Forum International a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant d'une mise en demeure valant commandement de payer du 8 janvier 2015 émise par le responsable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest, en vue du paiement de cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 et des majorations y afférentes.
Par une ordonnance n° 1507503 du 5 juin 2015, le vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M.B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2015, et un mémoire en réplique, enregistré le 5 avril 2016, M. B...et la société Reiki Forum International, représentés par MeC..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1507503 du 5 juin 2015 du vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer résultant des actes de poursuite précités ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les requérants soutiennent que :
- le litige ne pouvait être réglé en faisant application des 5° et 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales concerne l'exigibilité des impositions, au sens de l'article L. 281 du même livre ;
- l'exigibilité des impositions était suspendue jusqu'à l'expiration du délai de trois mois après la clôture de la procédure amiable engagée sur le fondement de l'article 26 de la convention fiscale franco-espagnole ;
- l'administration n'a pas délivré d'informations sur la possibilité de recourir à la procédure amiable, en violation des dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;
- la doctrine administrative publiée au bulletin officiel des impôts référencée
INT-DG-20-30-10 du 18 février 2014, en ses paragraphes 260 et suivants, prévoit la suspension du délai d'établissement de l'imposition, sauf en cas de risque de non-recouvrement ; l'article L. 277 du livre des procédures fiscales n'est pas applicable.
Par des mémoires en défense enregistrés le 24 novembre 2015 et le 23 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que :
- une partie des sommes a été dégrevée ;
- les conclusions tendant à l'obtention de la suspension de la mise en recouvrement son tardives et donc irrecevables ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention signée le 10 octobre 1995 entre la France et l'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero ;
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;
- et les observations de MeC..., pour M. B...et la société Reiki Forum International.
1. Considérant que le responsable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest a émis deux mises en demeure valant commandement de payer le 15 décembre 2014, en vue du paiement par M. B...de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des majorations y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007, 2008 et 2009, mises en recouvrement le 31 octobre 2011 ; qu'il a également émis une mise en demeure valant commandement de payer le 8 janvier 2015, en vue du paiement par la société Reiki Forum International de cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 et des majorations y afférentes, mis en recouvrement le 7 décembre 2011 ; que M. B...et la société Reiki Forum International ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de l'obligation de payer résultant des mises en demeure les concernant ; qu'ils font appel de l'ordonnance du 5 juin 2015 par laquelle le vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L.761-1 ou la charge des dépens (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. Les contestations ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 189 A du même livre, abrogé par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 et applicable aux procédures amiables ouvertes avant le 1er janvier 2014 en vertu de l'article 101 de cette loi : " Lorsqu'à la suite d'une proposition de rectification, une procédure amiable en vue d'éliminer la double imposition est ouverte entre la France et un autre Etat ou territoire sur le fondement d'une convention fiscale bilatérale (...) le cours du délai d'établissement de l'imposition correspondante est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes (...) " ; qu'aux termes de l'article 26 de la convention franco-espagnole susvisée : " 1. Lorsqu'une personne estime que les mesures prises par un Etat contractant ou par les deux Etats contractants entraînent ou entraîneront pour elle une imposition non conforme aux dispositions de la présente Convention, elle peut, indépendamment des recours prévus par le droit interne de ces Etats, soumettre son cas à l'autorité compétente de l'Etat contractant dont elle est un résident (...) Le cas doit être soumis dans les trois ans qui suivent la première notification de la mesure qui entraîne une imposition non conforme aux dispositions de la Convention. 2. L'autorité compétente s'efforce, si la réclamation lui paraît fondée et si elle n'est pas elle-même en mesure d'y apporter une solution satisfaisante, de résoudre le cas par voie d'accord amiable avec l'autorité compétente de l'autre Etat contractant, en vue d'éviter une imposition non conforme à la Convention. L'accord est appliqué quels que soient les délais prévus par le droit interne des Etats contractants (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, éclairées par leurs travaux préparatoires, qu'en prévoyant que le cours du délai d'établissement de l'imposition est suspendu de la date d'ouverture de la procédure amiable jusqu'au terme du troisième mois qui suit la date de la notification au contribuable de l'accord ou du constat de désaccord intervenu entre les autorités compétentes, le législateur a entendu prévenir les cas de double imposition d'un contribuable sur les bénéfices et prévoir également à cette fin que, sauf lorsque l'administration fait état d'éléments justifiant une mise en recouvrement immédiate de l'imposition, la mise en recouvrement des sommes litigieuses soit suspendue jusqu'à l'issue de cette procédure ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la réception des mises en demeure mentionnées au point 1, M. B...et la société Reiki Forum International ont adressé à l'administration, le 11 février 2015, une opposition à l'encontre de ces actes de poursuites, en se prévalant des dispositions précitées de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales et d'une procédure amiable en vue d'éviter les doubles impositions, prévue par les stipulations de l'article 26 de la convention franco-espagnole susvisée, ouverte auprès des autorités espagnoles en avril 2013, et qui a été acceptée le 3 septembre suivant par ces autorités ; qu'à la suite du rejet de leur opposition par décision du 16 mars 2015, M. B...et la société Reiki Forum International ont saisi le Tribunal administratif de Paris, en invoquant les mêmes moyens, d'une demande qui devait être regardée comme tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de ces mises en demeure ; que, par une ordonnance du 5 juin 2015, le vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande, sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, au motif que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, relatif à la procédure d'établissement des impositions, était irrecevable dans le cadre d'une contestation de leur recouvrement, en application de l'article L. 281 du même livre ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, dont la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel doit dès lors être écartée, M. B...et la société Reiki Forum International ne concluent pas à ce que la Cour prononce la suspension de la mise en recouvrement des impositions en litige, mais sollicitent, outre l'annulation de cette ordonnance, la décharge de l'obligation de payer demandée au tribunal ;
6. Considérant que M. B...et la société Reiki Forum International ont soutenu devant le tribunal qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales, l'exigibilité des impositions mises à leur charge était suspendue, du fait de l'existence d'une procédure amiable ouverte en application des stipulations précitées de l'article 26 de la convention franco-espagnole ; que ce moyen relatif à l'exigibilité des sommes réclamées, du fait de sa suspension en raison de l'ouverture d'une procédure amiable conventionnelle, sans qu'ait d'incidence, selon les requérants, la date de la mise en recouvrement des impositions correspondantes, et qui, par suite, a trait à l'obligation de payer résultant des trois mises en demeure en litige, relevait des dispositions précitées du 2° de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ; que, dans ces conditions, et quels que soient le bien-fondé ou, le cas échéant, le caractère opérant de ce moyen au regard, notamment, des différents requérants, des impositions dont le recouvrement est contesté et de la date de la mise en recouvrement de ces impositions, M. B...et la société Reiki Forum International sont fondés à soutenir que c'est à tort que le vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a jugé que le moyen soulevé était irrecevable ; que, par suite, l'ordonnance attaquée, fondée sur les dispositions précitées des 5° et 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et qui au demeurant ne statue pas sur la demande en tant qu'elle émane de la société Reiki Forum International et ne tient pas compte des dégrèvements intervenus au cours des litiges d'assiette concernant chacun des requérants, est irrégulière et doit être annulée ;
7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. B...et de la société Reiki Forum International ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 750 euros, au profit de chacun des requérants, au titre des frais que M. B...et la société Reiki Forum International ont exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1507503 du 5 juin 2015 du vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...et à la société Reiki Forum International la somme de 750 euros chacun, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à la société Reiki Forum International et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal Paris Centre et services spécialisés).
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Coiffet, président,
- M. Platillero, premier conseiller,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 décembre 2016.
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
V. COIFFET
Le greffier,
S. JUSTINELa République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 15PA02609