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30/12/2016 | FRANCE | N°15PA00477

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 30 décembre 2016, 15PA00477


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Ivry-sur-Seine a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux à lui verser la somme de 412 013,57 euros avec intérêts de droit, en réparation du préjudice résultant de l'affaissement de terrain survenu rue Monmousseau le 23 décembre 2007 ainsi qu'aux entiers dépens comprenant notamment les frais d'expertise pour un montant de 11 456,24 euros.

Par un jugement n° 1008370/10 du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif

de Melun a condamné la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux à verser à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Ivry-sur-Seine a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux à lui verser la somme de 412 013,57 euros avec intérêts de droit, en réparation du préjudice résultant de l'affaissement de terrain survenu rue Monmousseau le 23 décembre 2007 ainsi qu'aux entiers dépens comprenant notamment les frais d'expertise pour un montant de 11 456,24 euros.

Par un jugement n° 1008370/10 du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a condamné la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux à verser à la commune d'Ivry-sur-Seine la somme de 370 812,20 euros toutes taxes comprises, sous déduction de toutes sommes versées à titre de provision, assortie des intérêts moratoires à compter du 1er décembre 2010, capitalisés à compter du 1er décembre 2011 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 35, rue Gagnée la somme de 2 742,50 euros toutes taxes comprises, sous déduction de toutes sommes versées à titre de provision, assortie des intérêts moratoires à compter du 23 mars 2011, capitalisés à compter du 23 mars 2012 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date, enfin, a mis à la charge définitive de la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux les frais de l'expertise pour un montant de 10 310,60 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 février 2015, la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 2 décembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la commune d'Ivry-sur-Seine devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Ivry-sur-Seine la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune faute imputable à l'existence ou au fonctionnement de la canalisation n'est établie ;

- la canalisation ne s'est pas rompue sous l'effet de la corrosion ;

- ce sont les remblais d'une ancienne carrière sous le domaine public qui se sont déplacés et ont entraîné la rupture de la canalisation ;

- la commune a commis une faute en ne prenant aucune mesure pour prévenir les mouvements de terrain de son sous-sol et en ne l'informant pas des risques encourus par la canalisation ;

- le montant réclamé par la commune au titre des travaux de reprise de sous-sol est exorbitant ;

- à supposer que sa responsabilité soit confirmée, le préjudice de la commune sera cantonné à la somme de 62 245,82 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2015, la commune d'Ivry-sur-Seine conclut au rejet de la requête, à titre incident à la réformation du jugement en ce qu'il a laissé à sa charge 10 % des conséquences dommageables du sinistre, en conséquence à la condamnation de la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux au paiement de la somme de 412 013,57 euros avec intérêts de droit à compter du 1er décembre 2010 et capitalisation, enfin, à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celle de 11 456,24 euros au titre des entiers dépens comprenant notamment les frais d'expertise.

Elle soutient que :

- il résulte du rapport d'expertise du 16 octobre 2008 que la cause de l'affaissement de terrain survenu le 23 décembre 2007 est la rupture d'une canalisation d'eau liée à son état d'oxydation très avancée et fragilisée par des températures extérieures très froides ;

- ce sinistre engage la responsabilité de la société Veolia eau - Compagnie générale des eaux ;

- aucun élément ne permet de conclure à l'existence d'une carrière souterraine sous la chaussée qui serait à l'origine du mouvement de sol et qui aurait provoqué la rupture de la canalisation ;

- si l'expert estime que la commune pourrait avoir une faible part de responsabilité du dommage compte tenu de la présence d'une carrière non répertoriée et de la possibilité d'un mouvement de terrain à la suite de la circulation d'eau au droit de la canalisation, il n'indique pas en quoi la circonstance que la carrière n'ait pas été répertoriée par l'inspection générale des carrières serait de nature à caractériser une faute de la commune ;

- les sommes demandées, qui n'avaient pas été contestées par la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux en première instance, sont totalement justifiées.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la commune d'Ivry-sur-Seine.

1. Considérant que, le 23 décembre 2007, un important affaissement de terrain s'est produit à l'angle des rues Monmousseau et Gagnée de la commune d'Ivry-sur-Seine, pour partie sur le domaine public de la commune et pour partie sur la propriété du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 35 rue Gagnée ; que la commune et le syndicat de copropriétaires, estimant que les désordres, causés par la rupture d'une canalisation d'eau potable, propriété de la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux, engage la responsabilité de cette dernière à leur égard, ont saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande de condamnation à leur verser respectivement, les sommes de 412 013,57 et 9 839,09 euros, en réparation des préjudices qui en ont résulté pour chacun d'eux ; que, par jugement du 2 décembre 2014, le Tribunal administratif de Melun a notamment condamné la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux à verser à la commune d'Ivry-sur-Seine la somme de 370 812, 20 euros toutes taxes comprises, sous déduction de toutes sommes versées à titre de provision, assortie des intérêts moratoires à compter du 1er décembre 2010, capitalisés à compter du 1er décembre 2011 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date et mis à la charge définitive de ladite société les frais de l'expertise pour un montant de 10 310,60 euros ; que la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux relève appel de ce jugement ; que, par la voie de l'appel incident, la commune d'Ivry-sur-Seine conteste également ledit jugement en ce qu'il a laissé à sa charge 10 % des conséquences dommageables du sinistre en cause ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que la responsabilité du concessionnaire d'un service public communal, agissant comme maître de l'ouvrage, est engagée même en l'absence de faute à raison des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers du fait de leur existence ou de leur fonctionnement ; que cette responsabilité n'est susceptible d'être atténuée ou supprimée que dans le cas où elle est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime, sans qu'elle puisse se prévaloir du fait d'un tiers ; qu'il est constant en l'espèce que la société Véolia est concessionnaire du service public de distribution de l'eau potable sur la commune d'Ivry-sur- Seine ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que le 23 décembre 2007 à 4 heures du matin a été constatée au niveau du 23 rue Monmousseau sur le territoire de la commune d'Ivry-sur-Seine une importante fuite d'eau entraînant la formation d'une flaque d'eau de grande dimension ; que la société Veolia n'est intervenue pour couper l'eau que quatre heures plus tard ; que progressivement des effondrements de terrains se sont produits, affectant pour partie le domaine public de la commune, notamment une aire de stationnement, et s'étendant progressivement sur la propriété du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 35 rue Gagnée ; que, selon l'expert, la cause des désordres constatés est bien la rupture de la canalisation d'eau potable en fonte passant sous le trottoir de la rue Monmousseau ; que trois échantillons de cette canalisation, classés de A à C, ont été prélevés à la même date, le 2 juillet 2008, aux trois endroits de la rupture pour faire l'objet d'une analyse ; que l'institut de soudure a examiné les parties A et B, et le laboratoire national d'essai la partie C ; que si ces deux organismes ont porté une appréciation différence sur le degré de corrosion de la canalisation, le premier concluant à une corrosion localisée de la surface externe de la conduite mais généralisée au niveau de la surface interne sur toute la circonférence avec des pertes d'épaisseurs faibles toutefois sans lien avec les cassures A et B, et le second, à une corrosion importante qui a favorisé la rupture au point C, tous deux ont néanmoins relevé que la canalisation était très ancienne et fortement oxydée, que son épaisseur s'était considérablement réduite, de 40% notamment au point C et que les ruptures ont été brutales ; que la circonstance dont se prévaut la société Véolia selon laquelle le rapport de l'institut de soudure mentionne que l'analyse du faciès de rupture était rendue difficile par l'oxydation et la corrosion des cassures liées à l'exposition des pièces sans protection à l'air et à l'humidité pendant plusieurs mois après le sinistre, n'est pas de nature à remettre en cause sa conclusion d'une corrosion généralisée de la surface interne de la conduite avec perte d'épaisseur ; que pour expliquer le sinistre à l'origine du dommage, l'expert a émis deux hypothèses permettant d'expliquer la rupture en trois points ; qu'il émet ainsi l'hypothèse d'une brutale et importante chute des températures au cours de l'hiver 2007 à l'origine d'une rupture, dans un premier temps, de la canalisation au point C déjà très fragile de par son oxydation et sa réduction d'épaisseur, puis, dans un second temps, l'écoulement de l'eau aurait affouillé le sol et provoqué les ruptures en chaîne aux points A et B ; qu'il expose également que la canalisation fragilisée a pu se rompue à la suite d'une flexion au point B engendrée par un mouvement de terrain lui-même dû à des infiltrations d'eau, pouvant provenir d'une fuite sur la canalisation et ayant pour effet d'entraîner les fines vers le bas créant ainsi un fontis ; qu'en tout état de cause, dans l'une comme dans l'autre de ces hypothèses, l'état d'oxydation très avancé de la canalisation apparaît comme la cause principale de sa rupture ; que, dès lors, le lien de causalité entre la rupture de la canalisation d'eau potable et les dommages subis par le domaine public de la commune d'Ivry-sur-Seine, en sa qualité de tiers, est établi ;

4. Considérant qu'il résulte également de l'instruction que le dommage est survenu dans une zone d'anciennes carrières et, notamment, d'un site d'exploitation à ciel ouvert remblayé ; que l'expert, qui a constaté la présence de " remblais de toutes natures ", a indiqué qu'il lui semblait anormal que pour la réalisation des travaux de mise en place de canalisations de toutes sortes sur l'angle de la rue Monmousseau et de la rue Gagnée aucune recommandation n'ait été faite eu égard aux caractéristiques ; que, dans ces conditions, l'instabilité, qui n'a pu être utilement prise en compte, du sous-sol du terrain d'assiette de la canalisation, propriété de la commune doit être considérée comme ayant contribué, pour une part qui peut être évaluée à 10%, à l'apparition des désordres ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a mis à sa charge les conséquences dommageables des désordres imputables à l'importante fuite d'eau résultant de la rupture de la canalisation à hauteur de 90% ; que les conclusions d'appel incident de la commune d'Ivry-sur-Seine doivent, pour les motifs évoqués ci-dessus, également être rejetées ;

Sur les préjudices de la commune d'Ivry-sur-Seine :

6. Considérant qu'il n'est pas contesté que les dépenses engagées par la commune d'Ivry-sur-Seine pour la sécurisation de la zone et les travaux de remise en état s'élèvent à la somme de 407 637,56 euros TTC ; que si la société Véolia persiste à contester le montant des travaux engagés pour la reprise des sous-sols pour un montant de 182 838,50 euros, l'estimant surévalué, elle n'établit pas que lesdits travaux n'auraient pas été nécessaires à la remise en état des sous-sols et de la chaussée ; qu'en tout état de cause, il résulte du rapport d'expertise que le devis initialement proposé pour ces travaux a été revu pour tenir compte des préconisations techniques de l'expert, portant notamment sur la qualité des remblais à utiliser, et que la proposition finale pour un coût de 182 838,50 euros a été validée ; que la société appelante ne saurait contester par le biais du présent contentieux la procédure d'appel d'offres lancée en août 2008 pour l'attribution du marché des travaux dont il s'agit ; que, dans ces conditions, et compte tenu du pourcentage de responsabilité imputable à la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 366 873,80 euros ;

7. Considérant que, par ailleurs, la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux ne conteste pas la somme de 3 938,40 euros mise à sa charge au titre des frais d'huissier de constatation des désordres et des frais d'analyses ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à la commune d'Ivry-sur-Seine la somme de 370 812,20 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices, compris la somme de 350 000 euros qu'elle a été condamnée à verser à la commune à titre provisionnel par ordonnance du 18 octobre 2012, cette somme devant être assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation dans les conditions prévues par ledit jugement ;

Sur les frais d'expertise :

9. Considérant que, compte tenu des faits de l'espèce, c'est également à bon droit que les premiers juges ont mis à la charge définitive de la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 15 499,28 euros pour un montant de 10 310,60 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Ivry-sur-Seine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ladite société la somme de 2 000 euros à verser à ladite commune au titre de ces mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux ainsi que les conclusions d'appel incident de la commune d'Ivry-sur-Seine sont rejetées.

Article 2 : Les frais de l'expertise sont mis à la charge définitive de la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux pour un montant de 10 310,60 euros.

Article 3 : La société Véolia eau - Compagnie générale des eaux versera à la commune d'Ivry-sur-Seine la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Véolia eau - Compagnie générale des eaux, à la commune d'Ivry-sur-Seine et au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 35 rue Gagnée à Ivry-sur-Seine.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, premier conseiller,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 15PA00477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00477
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : GOURVES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-30;15pa00477 ?
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