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08/12/2016 | FRANCE | N°15PA00091

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 08 décembre 2016, 15PA00091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2012, un mémoire rectificatif enregistré le 17 novembre 2012, et les mémoires enregistrés les 11 septembre 2013, l'Union des fédérations de transport (UFT), la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), la Chambre syndicale des entreprises de déménagement et garde de meubles, la Fédération des entreprises de sécurité fiduciaire (FEDESFI) et la Chambre nationale des services d'ambulance

(CNSA), représentées par la SCP Lyon-Caen-Thiriez ont demandé au Tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 12 novembre 2012, un mémoire rectificatif enregistré le 17 novembre 2012, et les mémoires enregistrés les 11 septembre 2013, l'Union des fédérations de transport (UFT), la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), la Chambre syndicale des entreprises de déménagement et garde de meubles, la Fédération des entreprises de sécurité fiduciaire (FEDESFI) et la Chambre nationale des services d'ambulance (CNSA), représentées par la SCP Lyon-Caen-Thiriez ont demandé au Tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 7 septembre 2012 reconnaissant l'Organisation des transports routiers européens (OTRE) représentative sur le plan national dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 mars 2013 et 19 mai 2014, l'OTRE, représentée par le cabinet C...et Morlon, a conclu au rejet de la requête et à la condamnation de chacune des requérantes au versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier enregistré le 23 décembre 2013, le ministre du travail s'en remet à la sagesse du tribunal.

Par une ordonnance n° 1203914 du 23 décembre 2014, le président du Tribunal administratif de Bordeaux a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis le dossier de la requête au président de la Cour administrative d'appel de Paris.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2015, l'Union des fédérations de transport (UFT), la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), la Chambre syndicale des entreprises de déménagement et garde de meubles, la Fédération des entreprises de sécurité fiduciaire (FEDESFI) et la Chambre nationale des services d'ambulance (CNSA), représentées par la SCP Lyon-Caen-Thiriez demandent à la Cour :

1°) d'annuler la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 7 septembre 2012 reconnaissant l'Organisation des transports routiers européens (OTRE) représentative sur le plan national dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la décision litigieuse a été adoptée aux termes d'une procédure irrégulière dès lors que le ministre n'a pas procédé à la vérification des informations déclarées par l'OTRE, en méconnaissance de l'article L. 2121-2 du code du travail ;

- l'OTRE ne bénéficie pas d'une représentation syndicale équilibrée sur l'ensemble du territoire ; son audience est concentrée sur certaines régions qui ne représentent elles-mêmes pas des foyers importants d'implantations des entreprises de transports routiers et même dans les régions où elle déclare présenter le plus d'adhérents, leur nombre paraît faible ; enfin selon les régions considérées, l'OTRE ne fait état que d'une couverture très faible de chaque métier de branche ;

- l'OTRE ne fait état que de l'adhésion de 143 entreprises, chiffres qui ne suffisent manifestement pas à considérer cette organisation comme représentative dans les métiers du transport routier ;

- la comptabilisation des adhérents de l'OTRE est erronée, car elle mélange des entreprises et des établissements et certaines des entreprises comptabilisées ne relèvent pas de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires ;

- les chiffres fournis par l'OTRE pour le montant des cotisations perçues en 2011 ne sont pas cohérents avec le nombre d'adhésions déclarées et le montant forfaitaire de la cotisation n'est pas conforme à l'usage ;

- le résultat bénéficiaire déclaré par l'OTRE est étonnant pour une organisation à but non lucratif et au regard du budget global affiché ;

- le nombre des salariés couverts par les entreprises adhérentes à l'OTRE n'est pas corroboré par des éléments objectifs et vérifiables ;

- l'OTRE ne remplit pas plusieurs exigences réglementaires et comptables, telles que la publication de ses comptes de l'année 2010 arrêtés par les instances statutairement compétentes et le rapport du commissaire aux comptes prévu par l'article D. 2135-7 du code du travail, et ne justifie pas avoir désigné au moins un commissaire aux comptes comme le prévoit l'article

D. 2135-9 dudit code ;

- l'administration ne pouvait retenir pour preuve de l'influence de l'OTRE la participation à la commission de négociation pendant plus de deux ans alors que cette participation résulte d'une décision du 2 décembre 2009 la reconnaissant comme représentative qui a été annulée par le Tribunal administratif de Bordeaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2015, l'OTRE représentée par le cabinet C...et Morlon, conclut à l'incompétence de la Cour administrative d'appel de Paris et à ce que le dossier soit transmis au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat afin qu'il attribue l'affaire à la juridiction compétente.

Elle soutient que :

- la compétence de la Cour administrative d'appel de Paris est liée et limitée au contentieux de la représentativité des organisations syndicales de salariés ;

- le contentieux des arrêtés de représentativité des organisations patronales relève de la compétence des tribunaux administratifs dès lors que ces organisations ne sont pas soumises à l'élection ;

- l'arrêté contesté du ministre chargé du travail n'a pas été pris en application de l'article L. 2121-11 du code du travail, ce qui exclut la compétence spéciale de la Cour ;

- dans un cas similaire relatif à un arrêté de représentativité de l'UNOSTRA, le Tribunal administratif de Paris s'est reconnu compétent.

Par un mémoire en réplique enregistré le 27 mai 2015, l'UFT et autres représentées par la SCP Lyon-Caen-Thiriez persistent dans leurs précédentes conclusions.

Elles soutiennent que l'exception d'incompétence de la Cour administrative d'appel de Paris soulevée par l'OTRE ne vise qu'à faire durer le contentieux jusqu'en 2017 afin de bénéficier de la reconnaissance de sa représentativité jusqu'aux mesures d'audience.

Par un mémoire en duplique, enregistré le 16 juillet 2015, l'OTRE, représentée par le cabinet C...et Morlon, conclut à titre principal aux mêmes fins que son précédent mémoire et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de chacune des requérantes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'interprétation extensive de l'article R. 311-2 du code de justice administrative à laquelle les requérantes appellent la Cour à se livrer aurait pour conséquence de priver les parties d'un degré de juridiction ;

- les requérantes admettent dans leurs écritures que l'article L. 2122-11 du code du travail auquel renvoie l'article R. 311-2 du code de justice administrative ne concerne que les organisations syndicales de salariés ;

- le critère de l'audience des organisations syndicales de salariés et d'employeurs est établi selon des principes résolument différents et les contentieux des arrêtés établissant la représentativité de ces deux types d'organisation ne sont pas assimilables, de sorte que le tribunal administratif reste la juridiction de premier ressort de droit commun des arrêtés établissant la représentativité des organisations patronales ;

- si la Cour venait à s'estimer compétente, l'OTRE réaffirme qu'elle satisfait aux critères de représentativité de l'article L. 2121-1 du code du travail comme le prouvent les nombreuses pièces produites devant le Tribunal administratif de Bordeaux.

Les parties ont été informées le 29 février 2016, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'aucune disposition applicable à la date de la décision attaquée n'avait pour effet d'habiliter le ministre à se prononcer sur le principe de la représentativité de l'OTRE dans la branche d'activités des transports routiers et activités auxiliaires et/ou de ce qu'en faisant application des dispositions des articles L. 2121-1 et L. 2121-5 du code du travail, il a méconnu le champ d'application de ces dispositions.

Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public enregistré le 4 mars 2016, l'UFT et autres, représentées par la SCP Lyon-Caen-Thiriez, concluent que ce moyen est fondé et persistent dans leurs précédentes écritures.

Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 7 mars 2016, l'OTRE représentée par le cabinet C...et Morlon, persiste dans ses précédentes écritures en concluant à l'incompétence de la Cour administrative de Paris et à ce que celle-ci transmette le dossier au Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, subsidiairement, au rejet de la requête de l'UFT et autres et en tout état de cause, à la condamnation de chacune des requérantes à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre infiniment subsidiaire en cas d'annulation de la décision litigieuse, au maintien des effets de cette dernière à une date ultérieure fixée par la Cour.

Elle soutient que :

- ni les articles L. 2121-1 et suivants du code du travail, ni aucune autre disposition de ce code ne prévoient la limitation de la compétence du ministre pour apprécier la représentativité patronale aux trois hypothèses citées ;

- le ministre se trouvait dans une de ces hypothèses puisqu'il devait déterminer la nouvelle composition de la commission paritaire à la suite de l'annulation du premier acte de reconnaissance de la représentativité de l'OTRE.

Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 8 mars 2016, le ministre chargé du travail conclut à sa compétence pour diligenter une enquête de représentativité à la demande de l'OTRE.

Par un mémoire enregistré le 6 octobre 2016, l'OTRE représentée par le cabinet C...et Morlon conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires.

Elle soutient que par deux ordonnances du 8 juillet 2016, le juge des référés du Conseil d'Etat a considéré que l'OTRE était représentative dans le champ d'application sur le plan national dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

Par un mémoire enregistré le 12 octobre 2016, l'UFT et autres représentées par la SCP Lyon-Caen-Thiriez persistent dans leurs précédentes conclusions par les mêmes moyens.

Elles soutiennent, en outre, que l'OTRE ne saurait se prévaloir des ordonnances du juge des référés du Conseil d'Etat rendues, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, en 2016 dans un litige distinct de celui portant sur la représentativité de cette organisation en 2012.

Connaissance prise des notes en délibéré enregistrées le 19 octobre 2016 présentée par l'OTRE, le 28 octobre 2016 présentée par le ministre chargé du travail et le 8 novembre 2016 présentée par l'UFT et autres.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour l'UFT et autres, et de Me C...pour l'OTRE.

1. Considérant que l'Union des fédérations de transport (UFT), la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), la Chambre syndicale des entreprises de déménagement et garde de meubles, la Fédération des entreprises de sécurité fiduciaire (FEDESFI) et la Chambre nationale des services d'ambulance (CNSA) demandent l'annulation de la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 7 septembre 2012 reconnaissant l'Organisation des transports routiers européens (OTRE) représentative sur le plan national dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport ;

Sur la compétence de la Cour administrative d'appel de Paris :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 311-2 du code de justice administrative dont les dispositions sont entrées en vigueur le 8 octobre 2012 : " La cour administrative d'appel de Paris est compétente pour connaître en premier et dernier ressort :

1° Des recours dirigés contre les arrêtés du ministre chargé du travail relatifs à la représentativité des organisations syndicales, pris en application de l'article L. 2122-11 du code du travail. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 351-3 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'Etat, son président, ou le magistrat qu'il délègue, transmet sans délai le dossier à la juridiction qu'il estime compétente. " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 351-6 du même code : " Lorsque le président de la cour administrative d'appel ou du tribunal administratif, auquel un dossier a été transmis en application du premier alinéa de l'article

R. 351-3, estime que cette juridiction n'est pas compétente, il transmet le dossier, dans le délai de trois mois suivant la réception de celui-ci, au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, qui règle la question de compétence et attribue le jugement de tout ou partie de l'affaire à la juridiction qu'il déclare compétente. " ;

4. Considérant que, par une ordonnance du 23 décembre 2014, le président du Tribunal administratif de Bordeaux a transmis, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la requête de l'UFT et autres à la Cour de céans, en visant l'article R. 311-2 du même code ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'arrêté litigieux du ministre chargé du travail du 7 septembre 2012 reconnaissant l'OTRE représentative sur le plan national dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport, n'a pas été pris en application de l'article L. 2122-11 du code du travail ; que toutefois, en l'absence de transmission au Conseil d'Etat dans le délai prévu aux dispositions précitées de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, la Cour reste compétente pour connaître en premier et dernier ressort du recours dirigé contre cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision ministérielle du 7 septembre 2012 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2111-1 du code du travail : " Les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'à leurs salariés. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2121-1 de ce code, dans sa version issue de la loi du 20 août 2008 susvisée : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : / 1° Le respect des valeurs républicaines ; / 2° L'indépendance ; / 3° La transparence financière ; / 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; / 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; / 6° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; / 7° Les effectifs d'adhérents et les cotisations. " ; qu'aux termes de l'article L. 2121-2 du même code : " S'il y a lieu de déterminer la représentativité d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle autre que ceux affiliés à l'une des organisations représentatives au niveau national, l'autorité administrative diligente une enquête. / L'organisation intéressée fournit les éléments d'appréciation dont elle dispose " ; qu'aux termes de l'article L. 2122-5 dudit code :

" Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : / 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ; / 2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; (...) " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé du travail a, sur demande de l'OTRE formée le 29 mars 2012 faisant suite à l'annulation par jugement du 28 février 2012 du Tribunal administratif de Bordeaux, de la décision du 2 septembre 2009 la reconnaissant représentative sur le plan national dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport, diligenté une enquête de représentativité dans le cadre de la poursuite de sa participation à la commission mixte paritaire de négociation ; que par la décision querellée du 7 septembre 2012, le Directeur général du Travail a estimé l'OTRE représentative sur le plan national pour négocier dans le champ d'application de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport en estimant qu'elle satisfaisait aux critères d'influence, d'ancienneté, d'effectifs d'adhérents, de cotisations et d'implantation territoriale équilibrée ;

En ce qui concerne le respect du critère de la transparence financière :

7. Considérant qu'aux termes de l'article D. 2135-7 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Les syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et leurs unions, et les associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 dont les ressources au sens de l'article D. 2135-9 sont égales ou supérieures à 230 000 euros à la clôture d'un exercice assurent la publicité de leurs comptes et du rapport du commissaire aux comptes sur le site internet de la direction de l'information légale et administrative. A cette fin, ils transmettent par voie électronique à la direction de l'information légale et administrative, dans un délai de trois mois à compter de l'approbation des comptes par l'organe délibérant statutaire, le bilan, le compte de résultat, l'annexe ainsi que le rapport du commissaire aux comptes. Un arrêté du Premier ministre fixe les modalités de cette transmission. (... ) " ; qu'aux termes de l'article D. 2135-9 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Les syndicats professionnels de salariés ou d'employeurs et leurs unions, et les associations de salariés ou d'employeurs mentionnés à l'article L. 2135-1 sont tenus de désigner au moins un commissaire aux comptes et un suppléant lorsque leurs ressources dépassent 230 000 euros à la clôture d'un exercice. " ;

8. Considérant que les requérantes soutiennent que les comptes de l'OTRE, qui à la clôture de l'exercice 2011 faisaient apparaître des ressources supérieures à 230 000 euros, n'ont pas été certifiés par un commissaire aux comptes ; qu'il ressort, en effet, des pièces du dossier que les comptes produits par l'OTRE au titre de l'année 2011 ont été présentés par un expert-comptable qui précise que ses " travaux ne constituent pas un audit " et ne comportent pas le rapport d'un commissaire aux comptes prévu par les dispositions précitées de l'article D. 2135-7 du code du travail ; que la circonstance que l'OTRE ait désigné, à compter de mai 2012, un commissaire aux comptes et un suppléant n'est pas de nature à faire regarder comme satisfaite l'exigence de transparence financière posée par l'article L. 2121-1 3° du code du travail ;

En ce qui concerne le respect du critère d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche :

9. Considérant que les requérantes font valoir que l'OTRE ne bénéficie pas d'une représentation syndicale équilibrée sur l'ensemble du territoire, son audience étant concentrée sur certaines régions qui ne représentent elles-mêmes pas des foyers importants d'implantations des entreprises de transports routiers et que, dans les régions où elle déclare présenter le plus d'adhérents, leur nombre paraît faible ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier en particulier du rapport de l'observatoire prospectif des métiers et des qualifications dans les transports logistiques pour l'année 2011 que les cinq régions comptant en 2009 le plus d'établissements de la branche étaient les régions Ile-de-France (7 050 établissements), Rhône Alpes (4 009 établissements), Provence Alpes Côte d'Azur (3 401 établissements), Nord Pas-de-Calais (2 286 établissements), Aquitaine (2 035 établissements) ; que les éléments produits par l'OTRE font apparaître que 19,5% de ses adhérents sont concentrés en Aquitaine qui ne représente que 5,4% des établissements de la branche, en Nord Pas-de-Calais Picardie pour 14, 66% alors que le seul Nord ne représente que 6,1% des établissements et que la région Rhône-Alpes qui est la deuxième région de plus forte implantation des établissements de la branche ne compte que

3,91% de ses adhérents ; qu'ainsi, malgré le rééquilibrage de la répartition géographique de ses adhérents et la progression de sa représentation en Ile-de-France opérés depuis 2009, et eu égard au très faible nombre de ses adhérents dans les régions où elle représente moins de 5% des entreprises de la branche (Champagne Ardennes, Pays de Loire, Poitou Charentes, Rhône Alpes, Normandie, Auvergne, Centre, Limousin, Lorraine, Alsace et Languedoc-Roussillon), l'OTRE ne saurait être regardée comme bénéficiant d'une représentation territoriale équilibrée, au sens des dispositions de l'article L. 2122-5 du code du travail ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'UFT et autres sont fondées à demander l'annulation de la décision du ministre du travail du 7 septembre 2012 reconnaissant l'OTRE représentative sur le plan national dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport ;

Sur la modulation dans le temps des effets de l'annulation :

12. Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;

13. Considérant que si l'OTRE soutient que l'annulation de la décision du ministre du travail du 7 septembre 2012 aura pour effet de fragiliser les accords collectifs dont elle est signataire et tout particulièrement ceux dont elle est la seule organisation patronale représentative signataire et qui ont vocation à être étendus à l'ensemble de la branche ; qu'elle fait valoir que l'intérêt général qui s'attache à la participation au dialogue social des organisations syndicales représentatives et à la sécurité juridique des situations crées par la négociation collective commande de maintenir temporairement les effets de sa représentativité ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'annulation de la décision ministérielle du 7 septembre 2012 aurait des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets ; qu'il y lieu, en conséquence, de rejeter les conclusions de l'OTRE tendant à la modulation des effets de l'annulation de la décision litigieuse ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des organisations requérantes, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'OTRE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions pour mettre à la charge de l'Etat la somme que demandent les requérantes au titre de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville du 7 septembre 2012 reconnaissant l'Organisation des transports routiers européens (OTRE) représentative sur le plan national dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport est annulée.

Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union des fédérations de transport (UFT), à la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), à la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), à la Chambre syndicale des entreprises de déménagement et garde de meubles, à la Fédération des entreprises de sécurité fiduciaire (FEDESFI), à la Chambre nationale des services d'ambulance (CNSA), à l'Organisation des transports routiers européens (OTRE) et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Julliard, première conseillère,

- MmeA..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 15PA00091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00091
Date de la décision : 08/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : AARPI RIVIERE MORLON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-08;15pa00091 ?
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