Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... E...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 mars 2015 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1505640/5-3 du 20 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté attaqué, d'autre part, enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation administrative de Mme E...B...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1505640/5-3 du 20 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris.
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... B...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que Mme E...B...ne justifie pas de sa présence en France pour les années 2001 à 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2016, Mme E...B..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jours de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans ce même délai, sous astreinte de 75 euros par jour de retard et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le signataire de l'acte était incompétent ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet de police a entaché sa décision d'une erreur de fait en estimant qu'elle n'établissait pas sa présence en France depuis dix ans ;
- sa décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet de police a méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lescaut a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme F...E...B..., ressortissante congolaise née le
30 août 1950, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté en date du 24 mars 2015, le préfet de police a opposé un refus à sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourrait être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; que par un jugement du 20 janvier 2016 dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 24 mars 2015 et enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de Mme E... B...dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le moyen d'annulation accueilli par le Tribunal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) " ;
3. Considérant que Mme E...B...fait valoir qu'elle résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté du 24 mars 2015 ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que pour l'année 2006 elle produit seulement des attestations d'assistance du CEDRE du 27 février au 20 juillet ; qu'elle ne produit pour l'année 2007 qu'un remboursement de frais médicaux engagés le 14 novembre et une ordonnance du
6 décembre ; qu'au titre de l'année 2008, Mme E... B...ne fournit que des attestations d'assistance du CEDRE du 30 avril au 17 décembre, ainsi qu'un formulaire de l'OFPRA daté du 3 décembre ; que pour l'année 2010 sont uniquement produits des ordonnances des
16 février et 16 décembre, ainsi qu'un remboursement de frais médicaux engagés le 21 mai et un courrier de la Cour nationale du droit d'asile en date du 7 juin ; qu'en ce qui concerne l'année 2012, Mme E...B...a retiré en main propre à Kinshasa un acte de naissance le 13 septembre et un passeport le 17 décembre ; que pour l'année 2013 elle ne produit que des ordonnances datées du 29 janvier et du 20 novembre, ainsi qu'un courrier solidarité transport du 11 mai et une attestation médicale d'aide médicale d'Etat du 1er octobre ; qu'eu égard à leur nature, les documents précités, qui, pour la plupart, soit ne nécessitent qu'une présence ponctuelle de l'intéressée, soit n'impliquent pas sa présence en France, ne permettent pas d'établir, au cours des années en cause, une résidence habituelle en France ; que, dans ces conditions, Mme E...B...n'établit pas qu'elle résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté ; que, dès lors, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du
24 mars 2015 sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E...B...tant en première instance qu'en appel ;
En ce qui concerne les autres moyens :
5. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2015-00163 du 16 février 2015, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris du 24 février 2015, le préfet de police a donné à M. C... D..., attaché principal d'administration de l'Etat, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions en matière de police des étrangers ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que le refus de titre de séjour opposé à
Mme E...B...le 24 mars 2015 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit dès lors être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, que si Mme E...B...fait valoir que le préfet a commis une erreur de droit en exigeant la production d'un visa long séjour et d'un contrat de travail, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet, qui a bien examiné la demande sur le terrain de l'article L. 313-14, n'a nullement mentionné l'absence d'un visa ou d'un contrat de travail ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que Mme E...B..., qui se borne à faire valoir qu'elle a développé un tissu relationnel et social dense en France, a vécu jusqu'à l'âge de 53 ans dans son pays, où elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales selon ses propres déclarations ; que, par suite, la décision de refus du 24 mars 2015 n'a pas porté au droit de
Mme E...B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant, en cinquième lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit au point 3, le préfet de police n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle
de Mme E...B...;
11. Considérant, en sixième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué ni à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour, qui n'implique pas par elle-même l'éloignement de l'intéressée vers un pays déterminé, ni à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire qui ne fixe pas le pays de renvoi ; qu'à supposer que l'intéressée ait également entendu soulever ce moyen à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, elle ne l'assortit d'aucun élément de fait permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 24 mars 2015 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à
Mme E...B...;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande
Mme E...B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1505640/5-3 du 20 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E...B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- M. Boissy, premier conseiller,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 2 décembre 2016.
Le rapporteur,
C. LESCAUTLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
F. DUBUYLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00737