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29/11/2016 | FRANCE | N°16PA02609

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 29 novembre 2016, 16PA02609


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, l'arrêté du 11 janvier 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 13 juin 2016 décidant son placement en rétention.

Par un jugement n° 1601808 du 16 juin 2016, le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Melun a renvoyé les conclusions

dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour, ainsi que celles accessoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, l'arrêté du 11 janvier 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 13 juin 2016 décidant son placement en rétention.

Par un jugement n° 1601808 du 16 juin 2016, le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Melun a renvoyé les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour, ainsi que celles accessoires à fin d'injonction et tendant à l'application de L. 761-1 du code de justice administrative à une formation collégiale du tribunal, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M.B.valables

Procédure contentieuse devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2016, M.B..., représenté par

MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun n° 1601808 du 16 juin 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 11 janvier 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, sous peine d'astreinte à raison de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que rien n'atteste que les parties auraient été informées du moyen que le magistrat délégué par le Tribunal administratif de Melun entendait soulever d'office et qu'un délai leur aurait été imparti pour présenter leurs observations sur le moyen ainsi communiqué ;

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en cas de retour dans son pays d'origine.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme d'Argenlieu a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo), né le 2 mai 1980, entré en France le 7 décembre 2013 selon ses déclarations, a sollicité le bénéfice de l'asile ; que, par une décision du 28 janvier 2015, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) ; que cette décision a été confirmée, le 24 juin 2015, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; que, par un arrêté du 11 janvier 2016, le préfet du Val-de-Marne a refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par une décision du 13 juin 2016, le préfet du Val-de-Marne l'a placé en rétention ; que M. B...relève appel du jugement du 16 juin 2016 du magistrat désigné par le Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa requête tendant à l'annulation des décisions du préfet du Val-de-Marne du 11 janvier 2016 portant obligation de quitter le territoire et fixant son pays de destination et de celle du 13 juin 2016 le plaçant en rétention administrative ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement /.../ en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. " ; qu'aux termes du III de l'article L. 512-1 du code de justice administrative : " En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation (...) " ; que selon l'article R. 776-17 du même code : " Lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence après avoir introduit un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire ou après avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle en vue de l'introduction d'un tel recours, la procédure se poursuit selon les règles prévues par la présente section. Les actes de procédure précédemment accomplis demeurent.valables L'avis d'audience se substitue, le cas échéant, à celui qui avait été adressé aux parties en application de l'article R. 776-11. / Toutefois, lorsque le requérant a formé des conclusions contre la décision relative au séjour notifiée avec une obligation de quitter le territoire, la formation collégiale demeure saisie de ces conclusions, sur lesquelles elle se prononce dans les conditions prévues par la section 2... " ;

3. Considérant que M. B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, l'arrêté du 11 janvier 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'autre part, l'arrêté du 13 juin 2016 du préfet du Val-de-Marne le plaçant en rétention ; que si le jugement attaqué vise un moyen d'ordre public tiré de ce que le magistrat désigné était incompétent en application du III de l'article L.512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, moyen dont les parties n'auraient finalement pas été informées, le magistrat désigné n'était, en tout état de cause, pas tenu de communiquer ce moyen avant de renvoyer les conclusions dirigées contre la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour à une formation collégiale ; que, par suite, la circonstance que les parties n'auraient pas eu la possibilité de répondre à ce moyen est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur la légalité de l'arrêté du 11 janvier 2016 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays de destination :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que si le moyen tiré de la violation de cet article est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il peut en revanche être invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

5. Considérant que M. B...fait valoir qu'il a été victime de persécutions dans son pays d'origine en raison de ses engagements politiques au sein du mouvement politico-religieux du Bundu dia Kongo et de sa qualité de " combattant " de la diaspora congolaise menant des actions de représailles depuis l'Europe contre les autorités congolaises afin de dénoncer leur mal gouvernance ; que sa demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA ; qu'il ne produit par ailleurs aucune pièce nouvelle suffisamment probante de nature à établir la réalité des risques auxquels il affirme être personnellement exposé et qui seraient susceptibles de faire obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention précitée doit être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 13 juin 2016 décidant son placement en rétention :

6. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle repose ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

8. Considérant que si M. B...soutient présenter des garanties suffisantes de représentation en ce qu'il possède une adresse stable, la seule production d'une attestation d'hébergement établie par un tiers, le 3 juin 2016, et de documents envoyés à cette adresse, ne permet pas d'en justifier ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a d'abord été domicilié valablesTerre d'Asile puis dans un centre d'hébergement social ; que, par ailleurs, M. B...était dépourvu de tout document de voyage et d'identité en cours de validité lors de son interpellation par les services de police le 13 juin 2016 ; qu'il ressort enfin des termes de la décision litigieuse que le préfet a examiné la possibilité d'assigner l'intéressé à résidence sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, il a pu légalement décider de placer l'intéressé en rétention administrative, au motif que ce dernier ne présentait pas des garanties suffisantes de représentation ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de la violation des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

9. Considérant, enfin en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

10. Considérant que si M. B...fait valoir qu'il est présent en France de manière continue depuis plus de deux ans à la date de l'arrêté contesté, qu'il y a reconstruit l'ensemble de sa vie privée et familiale, et qu'il justifie d'une intégration professionnelle au sein de la société française, ainsi qu'en atteste la promesse d'embauche dont il est titulaire pour un contrat à durée indéterminée en qualité d'électricien, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français ; que s'il soutient que son frère, un oncle et une tante vivent sur le territoire français, il ne l'établit pas ; qu'il n'allègue pas d'avantage l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 33 ans ; qu'ainsi, la décision litigieuse ne méconnait pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2016 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination, et de l'arrêté du 13 juin 2016 portant placement en rétention administrative ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- M. Privesse, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2016.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVENLe greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02609


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02609
Date de la décision : 29/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : MABANGA MONGA MABANGA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-11-29;16pa02609 ?
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