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17/11/2016 | FRANCE | N°14PA03150

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 17 novembre 2016, 14PA03150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser, à titre principal sur le fondement de la responsabilité pour faute la somme de 703 583,45 euros en réparation des préjudices résultant du décès de son mari, à titre subsidiaire, en l'absence de faute, la somme de 420 000 euros.

Par un jugement n° 1311349 du 4 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme B...A...la somme de 89 583,45 euros en réparation des préjudices su

bis et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser, à titre principal sur le fondement de la responsabilité pour faute la somme de 703 583,45 euros en réparation des préjudices résultant du décès de son mari, à titre subsidiaire, en l'absence de faute, la somme de 420 000 euros.

Par un jugement n° 1311349 du 4 juin 2014, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme B...A...la somme de 89 583,45 euros en réparation des préjudices subis et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 juillet 2014 et 20 avril 2016, Mme A..., représentée par Me Lafforgue, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1311349 du 4 juin 2014 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité à la somme de 89 583,45 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 705 763,45 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu la responsabilité pour faute de l'Etat ; le jugement attaqué doit être confirmé sur ce point ;

- les premiers juges n'ont pas procédé à une juste évaluation des préjudices consécutifs au décès de son époux ;

- compte tenu des souffrances endurées par M.A..., le préjudice réparable à ce titre s'élève à la somme de 200 000 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire doit être, au regard du rapport d'expertise du 5 juillet 2013, évalué à la somme de 11 330 euros ;

- la date de consolidation ayant été fixée au 1er février 2009, le déficit fonctionnel permanent doit être fixé à la somme de 198 000 euros ;

- M. A...pratiquait la pelote basque et du fait de sa maladie il a dû cesser cette activité et rencontrait par ailleurs de grandes difficultés à la marche ; qu'ainsi son préjudice d'agrément doit être chiffré à la somme de 100 000 euros ;

- il a en outre subi un préjudice sexuel dont il sera fait une juste réparation en allouant la somme de 20 000 euros ;

- M. A...a subi de nombreuses opérations qui ont occasionné des cicatrices, il a par ailleurs subi un fort amaigrissement et la mise en place d'une poche urinaire ; son préjudice esthétique doit ainsi être évalué à la somme de 20 000 euros ;

- Mme A...qui n'avait pas d'enfants est isolée et les soins apportés à son époux puis le décès de celui-ci ont eu des répercussions sur sa santé ; son préjudice moral s'évalue à la somme de 100 000 euros ;

- Mme A...a subi des troubles dans les conditions d'existence en consacrant quatre ans à l'accompagnement de son époux ; il convient de les évaluer à la somme de 50 000 euros ;

- les frais de sépulture et d'obsèques s'élèvent à la somme de 6 433,45 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête, et par la voie d'un appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à Mme A... une indemnité supérieure à 68 330 euros et qu'il a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- aucune faute ne peut être reprochée à l'Etat dès lors que les mesures de prévention, de protection et de surveillance en matière d'hygiène et de sécurité ont été mises en oeuvre tout au long de l'affectation de M. A...au sein de l'imprimerie ; les obligations des employeurs publics n'ont été renforcées en matière de risques cancérigènes que depuis 2001 ;

- en l'absence de toute faute de l'administration, c'est à juste titre que celle-ci a proposé à titre transactionnel à la requérante une somme de 68 330 euros sur la base du rapport d'expertise réalisé le 7 janvier 2013 ;

- les souffrances endurées fixées à 5,5/7 seront justement évaluées par l'allocation d'une somme de 25 000 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire, qui englobe les préjudices sexuel et d'agrément, doit être évalué à la somme de 11 330 euros ;

- le préjudice esthétique évalué à 3/7 s'évalue à la somme de 2 000 euros ;

- la requérante n'établit pas l'importance du préjudice d'agrément subi par son mari ; il en sera fait une juste appréciation en le fixant à la somme de 5 000 euros ;

- compte tenu de l'âge et de la pathologie de l'époux de la requérante, le préjudice sexuel peut être chiffré à la somme de 5 000 euros ;

- en l'absence de faute de l'administration la requérante n'est pas fondée à solliciter la réparation du déficit fonctionnel permanent de son époux ; en tout état de cause, le montant de ce préjudice ne peut dépasser la somme de 10 371 euros ;

- il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de Mme A...en lui allouant la somme totale de 20 000 euros.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie MFP Services qui n'a présenté d'observations.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement attaqué faute de mise en cause de la caisse primaire d'assurance maladie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi nº 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi nº 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- l'arrêté du 5 avril 1985 fixant les instructions techniques que doivent respecter les médecins du travail assurant la surveillance médicale des salariés exposés aux substances susceptibles de provoquer une lésion maligne de la vessie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Lafforgue, avocat de MmeA....

1. Considérant que M.A..., né le 27 avril 1947, a exercé les fonctions d'imprimeur au sein de l'Ecole nationale des douanes du 1er mars 1974 au 31 mai 1994, puis du 1er mai 1995 au 14 juillet 2003 ; qu'il a été admis à la retraite le 2 juillet 2005 ; que le 22 mars 2007, il lui a été diagnostiqué un cancer de la vessie ; que par une décision du 14 septembre 2010, le directeur général des douanes et droits indirects a reconnu le caractère professionnel de cette pathologie ; qu'à compter du 1er février 2009, date fixée pour la consolidation de son état de santé, M. A...a bénéficié du versement d'une pension civile d'invalidité ; qu'à la suite du décès de son époux le 20 mars 2011, Mme A...a perçu une pension de réversion d'un montant mensuel de 1 255,83 euros ; que Mme A...a recherché la responsabilité pour faute de l'Etat compte tenu de l'absence de mesure de prévention et de protection des agents au sein de l'imprimerie nationale alors qu'ils étaient exposés à des produits toxiques ; qu'elle relève appel du jugement du 4 juin 2014 en tant que le tribunal administratif de Paris, après avoir reconnu la faute commise par l'Etat, a limité l'indemnisation de ses préjudices et ceux de son époux à la somme totale de 89 583,45 euros ; que, par la voie d'un appel incident, l'Etat demande à la Cour d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a reconnu le principe d'une faute et l'a condamné à verser à Mme A...une somme supérieure à 68 330 euros, montant de l'indemnité transactionnelle qu'il avait proposée le 5 juillet 2013 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date du jugement : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. (...) L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. A défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt (...) " ;

3. Considérant qu'il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'ordonner la mise en cause des parties intéressées au litige ; qu'en ayant omis de mettre en cause d'office la caisse primaire d'assurance maladie MFP Services en vue de l'exercice par celle-ci de l'action prévue par les dispositions précitées de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le tribunal administratif de Paris a méconnu la portée de ces dispositions ; que, par suite, il y a lieu d'annuler le jugement en date du 4 juin 2014 du tribunal administratif de Paris ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur la responsabilité :

5. Considérant que les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés et leurs ayants-droit peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; qu'elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire et, en cas de décès de celui-ci, ses ayants-droit, qui ont enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtiennent de la collectivité, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ;

6. Considérant que le lien entre la pathologie dont était atteint l'époux de Mme A...et l'exposition de ce dernier, dans le cadre de son activité professionnelle à l'imprimerie de l'école nationale des douanes, à des produits toxiques n'est pas sérieusement contesté ; que, le ministre des finances et des comptes publics soutient qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'Etat dès lors qu'ont été mises en oeuvre les mesures de protection et de prévention nécessaires en matière d'hygiène et de sécurité, qu'un suivi médical spécifique des agents de l'imprimerie nationale a été organisé, que, par ailleurs, les obligations sanitaires des personnes publiques à l'égard de leurs agents n'ont été renforcées en matière de prévention des risques cancérigènes qu'à compter de l'entrée en vigueur des décrets n° 2001-97 du 1er février 2001 et n° 2001-1016 du 5 février 2001 ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 28 mai 1982 dans sa version alors en vigueur : " (...) les locaux doivent être aménagés, les équipements doivent être installés et tenus de manière à garantir la sécurité des agents (...) Les locaux doivent être tenus dans un état constant de propreté et présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé des personnes (...) " ;

8. Considérant que le ministre fait valoir qu'un rapport de diagnostic des équipements de travail établi le 7 septembre 1998 indique que les machines offset, sur lesquelles M. A...travaillait, ne présentent aucune défaillance, qu'une note documentaire des travaux réalisés en 1999 à l'école nationale des douanes ne fait état que de travaux d'électricité, que rien n'établit que l'époux de la requérante se lavait les mains avec un savon cancérigène, qu'une évaluation technique du risque chimique à l'imprimerie réalisée le 6 avril 1999 précise que des gants de protection sont à la disposition des agents ; qu'une attestation de l'ancien chef d'atelier de l'imprimerie de l'école nationale des douanes, en fonction de 1986 à 1997, indique qu'un système d'évacuation des émanations a été installé en même temps que la dotation en matériel pour l'imprimerie, soit en 1970 ; que lors de ses visites effectuées les 9 octobre et 13 novembre 1997, l'inspecteur d'hygiène et de sécurité a relevé, et mentionné dans son rapport du 15 janvier 1998, la chaleur élevée dans l'atelier mais n'a pas fait état de problèmes d'aération et que des travaux de ventilation ont été réalisés ;

9. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que dans son rapport du 15 janvier 1998, l'inspecteur des affaires sanitaires et sociales a relevé notamment la chaleur excessive régnant dans les locaux, l'insuffisance de l'aération compte tenu de la chaleur dégagée par les machines dont il n'est pas contesté qu'elles ne présentaient aucune défaillance, l'absence d'étiquetage de bidons posés à même le sol ; qu'en outre, et alors qu'il est constant que le caractère nocif du benzène et les produits en contenant tels que les solvants et dissolvants, était connu depuis 1931, l'Etat n'a réalisé les travaux nécessaires à la mise en place d'un système de ventilation efficace pour diminuer la diffusion de vapeurs toxiques dans l'atelier qu'en 1999, année au cours de laquelle il a été également décidé de procurer à l'atelier les fiches de données de sécurité pour chacun des produits, potentiellement dangereux, utilisés dans l'imprimerie ; qu'il s'ensuit que l'administration n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait pris, dans un délai raisonnable, toutes les mesures de prévention pour assurer la santé et la sécurité au travail des employés au sein de l'imprimerie de l'école nationale des douanes ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 24 du décret du 26 mai 1982 que le médecin de prévention exerce une surveillance médicale particulière à l'égard des agents qui sont exposés à des risques ;

11. Considérant que le ministre des finances soutient qu'un suivi médical particulier comportant une visite annuelle et une prise de sang par semestre a été mis en place pour les agents de l'imprimerie de l'école nationale des douanes à compter de 1996 et qu'ainsi l'administration a respecté les dispositions du décret précité du 26 mai 1982, que l'époux de Mme A...n'a pas mis en oeuvre les dispositions de l'article 5-6 de ce même décret dans sa version issue du décret n° 95-680 du 9 mai 1995 dès lors qu'il n'a pas avisé l'autorité administrative de ses difficultés pour sa santé ;

12. Considérant toutefois qu'il est constant que M. A...a dès 1982 indiqué au médecin de prévention qu'il était exposé à des vapeurs toxiques ; que, pourtant, aucun examen ni aucun suivi particulier ne lui ont été prodigués avant 1996 alors même qu'un arrêté du 5 avril 1985 à destination certes des médecins du travail précisait les modalités de surveillance des personnels exposés aux substances susceptibles de provoquer une lésion maligne de la vessie et prévoyait notamment des analyses urinaires et des examens sanguins ; qu'en outre, l'administration n'établit pas qu'elle aurait procédé à un suivi médical particulier de M. A...entre 1974 et 1996 soit pendant plus de vingt ans ; qu'enfin il ne saurait être reproché à M. A...de ne pas avoir averti l'administration des risques pour sa santé alors que d'une part, ainsi qu'il a été dit précédemment il a averti le médecin de prévention dès 1982 et que, d'autre part, il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait présenté des symptômes qui auraient pu lui paraître inquiétants ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait pris toutes les mesures propres à assurer un suivi médical particulier de M. A... dont il est constant qu'il était exposé à des vapeurs toxiques susceptibles d'altérer sa santé ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ces différentes carences dans la prévention des risques liés à l'exposition de M. A...à des produits toxiques sont constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux M. A...:

14. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M.A..., décédé le 20 mars 2011 à l'âge de 63 ans, a subi plusieurs interventions chirurgicales et notamment une exérèse de la vessie avec mise en place d'une poche urinaire et des séances de chimiothérapie ; qu'il a de plus été très angoissé par l'évolution possible de sa maladie ; qu'en outre, l'expert a estimé à 5,5/7 les souffrances qu'il a endurées ; qu'il s'ensuit qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par l'époux de la requérante en fixant l'indemnité réparant ce préjudice à la somme de 18 000 euros ;

15. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...soutient que son conjoint a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire partiel ou total du 22 mars 2007 au 16 mai 2009, préjudice pour lequel l'administration a proposé une indemnisation de 11 330 euros, ainsi que d'un déficit fonctionnel permanent à compter du 1er février 2009, déficit égal à 99% selon le taux d'incapacité qui a été reconnu et en réparation duquel elle demande une indemnité de 198 000 euros ;

16. Considérant que le taux d'invalidité de 99% reconnu à compter du 1er février 2009 pour l'attribution d'une pension civile d'invalidité ne correspond pas au taux du déficit fonctionnel dont a souffert M. A..., dont l'état n'a en réalité jamais été consolidé depuis le diagnostic, en mars 2007, d'un cancer de la vessie jusqu'à son décès survenu à domicile le 20 mars 2011 du fait de la généralisation de ce cancer ; qu'il n'y a donc pas lieu d'attribuer une indemnité au titre d'un déficit fonctionnel permanent ; qu'en ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire, il résulte de l'instruction que M. A...a subi durant quatre années des troubles urinaires, pour lesquels l'expert désigné par l'administration avait constaté dès mars 2007 un taux d'incapacité partielle de 25% et qui se sont aggravés par la suite ; qu'il a subi deux hospitalisations correspondant à une incapacité temporaire totale du 16 avril au 19 avril 2007 pour l'opération de la vessie et du 4 au 16 mai 2009 pour l'ablation de la prostate ; qu'il a aussi subi quatre cures de chimiothérapie correspondant selon le même expert à une incapacité temporaire partielle de 50%, soit six séances du 24 mai au 28 juin 2007, six séances du 4 octobre au 15 novembre 2007, six séances du 13 février au 3 avril 2009 et six séances du 18 février 2010 au 16 juillet 2010, ainsi qu'une douzaine d'hospitalisations d'un jour pour des scanners et biopsies ; que le médecin qui l'a visité à domicile le 12 mars 2011 a noté un amaigrissement et une fonte musculaire, une asthénie importante et une diminution des capacités physiques, un repli sur soi ainsi qu'une anxiété et des troubles du sommeil nécessitant pour la première fois de sa vie des prescriptions d'anxiolytiques ; qu'il sera fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en allouant la somme de 20 150 euros ;

17. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'avant le diagnostic de sa maladie, M. A...était un homme actif et que, notamment, il pratiquait en club la pelote basque ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'agrément en lui allouant la somme de 5 000 euros ;

18. Considérant, en quatrième lieu, que le préjudice esthétique, consistant notamment en des cicatrices, un amaigrissement et le port d'une poche urinaire, a été évalué par l'expert à 3/7 ; qu'il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en le fixant à la somme de 3 000 euros ;

19. Considérant, en dernier lieu, que l'expert relève un préjudice sexuel, lié à la pathologie de l'époux de la requérante ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant la somme de 5 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices subis par MmeA... :

20. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que les frais d'obsèques et de sépulture se sont élevés à la somme de 6 433,45 euros ;

21. Considérant, en deuxième lieu, que Mme A...a subi un préjudice d'affection lié à la maladie de son époux et au décès de celui-ci à l'âge de 63 ans ; qu'il en sera fait une juste appréciation en lui allouant la somme de 20 000 euros ;

22. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme A...pendant toute la durée de la maladie de son époux et jusqu'au décès de celui-ci l'a accompagné et assisté dans tous les actes de la vie courante et ses déplacements à l'hôpital ; qu'elle a ainsi subi des troubles dans ses conditions d'existence pendant quatre ans ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 12 000 euros au titre de ce préjudice d'accompagnement ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les préjudices subis par Mme A... et son époux s'élèvent à la somme totale de 89 583,45 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme totale de 1 500 euros au titre des frais de procédure exposés par Mme A...en première instance et en appel ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1311349 du 4 juin 2014 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme A...la somme de 89 583,45 euros en réparation des préjudices subis.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre de l'économie et des finances et à la caisse primaire d'assurance maladie MFP Services.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2016.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 14PA03150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03150
Date de la décision : 17/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : CABINET TEISSONNIERE-TOPALOFF-LAFFORGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-11-17;14pa03150 ?
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