Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...et Mme A...B..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentant légal de leur fils mineur décédé, M.D..., ont demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à leur verser, en qualité d'ayants droit de leur fils, la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice de celui-ci, et la somme de 60 000 euros en réparation de leur propre préjudice.
Par un jugement n° 1412896/6-2 du 19 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire en réplique et un mémoire en production de pièces, enregistrés respectivement le 23 juin 2015, le 23 novembre 2015 et le 18 octobre 2016, M. et MmeB..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentant légal de leur fils mineur décédé, M.D..., représentés par Me Scharr, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1412896/6-2 du 19 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à leur verser, en qualité d'ayants droit de leur fils, la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice de celui-ci, et la somme de 60 000 euros en réparation de leur propre préjudice ;
2°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à leur verser, en qualité d'ayants droit de leur fils Jellil Yanis, la somme de 25 000 euros en réparation des souffrances psychologiques subies par celui-ci, et la somme de 60 000 euros en réparation de leurs propres souffrances psychologiques ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif n'a pas tiré les conclusions de ses propres constatations en jugeant que l'hôpital Necker n'avait commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, alors qu'en ne plaçant pas le jeune D...B...en unité de soins palliatifs, celui-ci n'a pas pu être accompagné convenablement par ses parents lors de sa dernière nuit, ses parents n'ayant pu être présents à son chevet qu'à partir de 8 heures 30 le matin de son décès. Le placement en unité de soins palliatifs en effet est un droit pour toute personne malade dont l'état le requiert, en vertu de l'article L. 1110-9 du code de la santé publique. L'absence à ses côtés de ses parents a été la cause, pour le jeune D...B..., d'un préjudice psychologique ; ses parents, qui ont eu le sentiment de devoir abandonner leur enfant en connaissant l'issue tragique de sa maladie, ont également subi un préjudice psychologique, qui doit être indemnisé, pour le premier, à hauteur de 25 000 euros, et pour le second à hauteur de 60 000 euros ;
- la charte de l'enfant hospitalisé a été méconnue en ce qu'elle précise, dans six de ses dix points, qu'un enfant hospitalisé a le droit d'avoir ses parents auprès de lui, de jour comme de nuit.
Par un mémoire en observation, enregistré le 21 août 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône a indiqué qu'elle n'entendait pas intervenir dans la présente instance et qu'elle n'a versé aucune prestation du fait de l'accident médical survenu le 1er mai 2009.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2015, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par Me Tsoudéros, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que l'indemnité allouée par les premiers juges soit ramenée à de plus justes proportions, et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis solidairement à la charge de M. et Mme B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
- la " charte de l'enfant hospitalisé ".
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben, rapporteur,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- les observations de Me Scharr, avocat de M. et MmeB...,
- et les observations de Me Tsouderos, avocat de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
Considérant ce qui suit :
Sur la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris :
1. Aux termes de l'article L. 1110-9 du code de la santé publique : " Toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. " ; aux termes de l'article L. 1110-10 du même code : " Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. " et aux termes de l'article R. 4127-38 du même code : " Le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. (...) ".
2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert médical, que le jeune D...B..., né le 5 juin 1999, chez qui avait été diagnostiqué un neuroblastome localisé non métastasique avec extension endocanalaire, traité par chimiothérapie malgré l'opposition réitérée de ses parents, ce qui a nécessité l'intervention du juge des enfants et qui a conduit à la condamnation de ses parents à une peine d'amende par le Tribunal correctionnel de Besançon par jugement du 18 décembre 2009 du fait de leur attitude à l'égard des équipes soignantes hospitalières, a subi le 3 mai 2010 à l'hôpital Necker une intervention chirurgicale visant à l'exérèse du neuroblastome par deux équipes, neuro-chirurgicale et viscérale. Le 3 juillet 2010, en raison de la réapparition de signes de compression médullaire, il a dû être hospitalisé à nouveau au centre hospitalier universitaire de Besançon, qui, le 5 juillet, l'a fait transférer par hélicoptère (SAMU médicalisé) à l'hôpital Necker pour une intervention de décompression tumorale d'un neuroblastome thoracique récidivant avec extension canalaire et début de paralysie. La mère du jeune D...B...a alors rédigé, le 4 juillet, un certificat aux termes duquel elle n'autorisait en aucun cas une intervention chirurgicale sur son enfant, ce refus d'autoriser l'opération ayant été réitéré par les parents le 5 juillet. Ses parents ont pu rester auprès de lui dans la soirée du 5 juillet, et ont de nouveau été présents le 6 juillet à partir de 8 heures 30, Jellil Yanis B...étant décédé ce même jour à midi entouré de ses parents et de l'équipe soignante.
3. D'une part, il ressort d'une note du chef de l'unité de réanimation chirurgicale et de soins continus pédiatriques de l'hôpital Necker du 16 février 2013 que l'accès aux chambres de réanimation est libre à partir de midi après les soins jusqu'à tard le soir et que pour des raisons de logistique liée à l'exiguïté de ces chambres de réanimation et d'unité de surveillance continue, il n'était pas possible d'accueillir les parents dans des conditions de confort minimal pour la nuit, mais que la présence auprès de leur enfant avait été favorisée dans toute la mesure du possible en tenant compte de ces contraintes matérielles. Par suite, la circonstance que les parents de Jellil Yanis B... n'ont pu demeurer auprès de leur fils au cours de sa dernière nuit en raison des conditions d'organisation matérielle du service où il était hospitalisé et qu'ils ont pu être présents le matin du 6 juillet, de 8 heures 30 jusqu'à son décès survenu à midi afin de l'accompagner dans ses derniers instants ne peut être regardée comme une faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
4. D'autre part, le choix d'hospitaliser le jeuneD... B... dans l'unité de réanimation chirurgicale et de soins continus pédiatriques de l'hôpital Necker, et non dans une unité de soins palliatifs, trouvait sa cause dans le fait que, comme il a été dit, il avait été transféré le 5 juillet 2010 par hélicoptère médicalisé du centre hospitalier universitaire de Besançon à l'hôpital Necker pour une intervention de décompression tumorale d'un neuroblastome thoracique récidivant avec extension canalaire et début de paralysie. Par ailleurs, au sein de l'unité de réanimation chirurgicale et de soins continus pédiatriques de l'hôpital Necker, il a bénéficié de soins de confort (traitement antalgique et traitement symptomatique de la compression médullaire par des corticoïdes administrés par voie intraveineuse, associés à une ventilation non invasive a minima). Par suite, il a bénéficié de soins palliatifs au sens des dispositions précitées des articles L. 1110-9 et L. 1110-10 du code de la santé publique, qui, au surplus, ne confèrent pas au patient un droit à être hospitalisé dans une unité de soins palliatifs, mais seulement à bénéficier de ces soins, dans quelque structure qu'il soit. Par suite, il ne ressort pas qu'en ne plaçant pas le jeuneD... B... dans une unité de soins palliatifs, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
5. Enfin la " charte de l'enfant hospitalisé ", si elle préconise notamment qu' " un enfant hospitalisé a le droit d'avoir ses parents ou leur substitut auprès de lui jour et nuit, quel que soit son âge ou son état " et que l'" on encouragera les parents à rester auprès de leur enfant et on leur offrira pour cela toutes les facilités matérielles, sans que cela n'entraîne un supplément financier ou une perte de salaire ", a le caractère de recommandations et ne présente aucun caractère contraignant, son éventuelle méconnaissance ne pouvant être regardée comme une faute de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier. En tout état de cause, il résulte de l'instruction, comme il a été dit, que ces préconisations n'ont pas été méconnues dans les heures qui ont précédé le décès du jeune D...B....
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 19 mai 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à leur verser, en qualité d'ayants droit de leur fils, la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice de celui-ci, et la somme de 60 000 euros en réparation de leur propre préjudice. Par voie de conséquence, leur conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. En outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B...le paiement à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et Mme A...B..., à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône.
Délibéré après l'audience du 21 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 novembre 2016.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADELe greffier,
A. CLEMENT
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02481